vendredi 11 juillet 2008

En costume d'Adam, près des points d'eau, au siècle dernier


L
es hommes de ma génération
(nés autour de la deuxième guerre mondiale) ont une toute autre expérience de la nudité autour des points d'eau que celle d'aujourd'hui. En général, la natation naturiste s'e
xerçait de manière unisexe -- les jeunes filles et les femmes pratiquaient moins de sport -- et on ne balisait pas les lieux comme aujourd'hui. Il suffisait de trouver un endroit agréable et retiré, et il était adopté sans discussion. A l'époque, les petits lacs et les marécages étaient nombreux à la campagne; ils ont été asséchés depuis. Les ruisseaux et les rivières zigzaguaient: chaque détour invitait à la baignade; aujourd'hui, tout a été endigué, redressé.

Pourquoi passer du bon temps en plein air, entre gars, et en costume d'Adam? Les bains organisés étaient rares, les maillots inconfortables et chers, la (fausse) pudeur n'existait pas.

A ce dernier élément, plusieurs raisons. D'abord, l'étroitesse des logements, la promiscuité à l'école, à la mine, à l'usine, au club de sport et à l'armée. Des vestiaires et des douches sans partitions. La nudité obligatoire dans de nombreuses piscines (les fibres textiles bloquaient les tuyaux d'évacuation de l'eau). Enfin: la valeur pédagogique du simple appareil entre garçons, entre hommes, entre pères et fils. On n'en parlait même pas. Les psys de l'époque ne prenaient pas la plume pour nous prescrire chaque semaine ce qu'il fallait penser, faire et défaire.

C'est en y repensant aujourd'hui que les vieux bonzes épiloguent. Alfred: "A l'école élémentaire, on étaient nus pour le cours de natation. On ne se posait pas de questions. C'est en regardant les plus âgés que j'ai pris conscience des différences anatomiques. Et je me demandais de quoi j'aurais l'air en grandissant. Mais je n'ai jamais ressenti de gêne, ni à l'époque, ni plus tard." Michael: "Nous avons besoin de former des liens affectifs avec d'autres hommes, de nous mettre à poil moralement et socialement; d'apprendre à vivre ensemble sans nous menacer; d'entrer en compétition amicale, de savoir gagner et perdre sans arrière-pensée. Et aussi d'exprimer notre sauvagerie naturelle, mais amicale, entre hommes."

Erik: "Mon père m'emmenait nager dans une boucle assez calme de la rivière. J'avais cinq ou six ans; il était nu, moi aussi, et j'étais heureux d'être près de lui parmi ces hommes et ces garçons à poil. Sans paroles ou presque, mon père m'a appris la tolérance envers les autres, l'assurance virile et l'aisance avec mon corps. Lorsque nous étions assis un peu plus loin, pour nous sécher, je pouvais parler à mon père de tout ce qui me préoccupait sans qu'il me juge. Et quand je le voyais pisser, de dos, j'étais fier d'être un petit homme qui deviendrait comme lui, un jour, sans bien comprendre comment cela allait se produire."

|| Ulysse

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