jeudi 31 décembre 2009

Avis de gros temps pour 2010


Maintenant que nous sommes rassurés -- les minarets ne vont pas dépareiller l'esthétique recherchée des banlieues suisses --, l'élite artistique et intellectuelle des partis évangélique et "démocratique" du centre va pouvoir s'attaquer à la préservation d'autres valeurs claniques. Au lieu de surveiller les banquiers qui ont déjà repris leurs habitudes, elle pourrait s'attaquer à la burqa et au voile des femmes musulmanes -- les rares du moins qui en portent. Car c'est la rareté qui attise le scandale. [Il est vrai que lorsque je vois dans mon quartier cette femme en burqa, grillage sur les yeux, amener ses deux fils au cours de judo dans la Mercedes qu'elle conduit elle-même, j'esquisse un mouvement d'étonnement.] Mais à contempler d'autre part l'élégance de la femme "voilée" ci-contre, j'aimerais rencontrer de pareils sourires à tous les coins de rue; elle me semble presque aussi civilisée que les gamines indigènes qui arborent un anneau planté dans le nombril, un autre dans le naseau.
Photo: The Sartorialist.
Si elles veulent sincèrement préserver les "valeurs familiales", nos élites populistes devraient aussi mettre de l'ordre dans les stades; c'est plus important que de se soucier, par exemple, de l'état plutôt lamentable de l'enseignement des langues et de la culture générale en ce pays. Car au cour des matchs, on assiste régulièrement à des manifestations de chochotterie entre des hommes qui devraient représenter l'élite virile. Et je te serre dans mes bras parce que tu en a mis un, et je te fais la bise humide en plein museau. Comment voulez-vous que notre belle jeunesse perpétue la tradition chrétienne avec de pareils exemples? Elle va renoncer à l'homophobie! Étape suivante, elle exigera le mariage à l'essai, avec cortège à l'église ou la mosquée, fête somptueuse et floppée de cadeaux...

Suite à la tentative d'attentat du jeune Nigérian dans un avion à destination des Etats-Unis, on peut s'attendre à voler désormais en petite tenue, après passage au scanner corporel et inspection intérieure du caleçon. Là, point de souci pour notre majorité populiste, le Renseignement américain (qui s'est de nouveau montré inopérant, malgré les informations qu'il avait reçues) va s'occuper de renforcer les mesures inutiles.

Jusqu'où va la liberté de supprimer des libertés? C'est ce qu'établira 2010 si nous ne nous réveillons pas.

Ulysse

lundi 28 décembre 2009

La bijouterie de famille et ses avantages


Nikias, l'orfèvre qui a dessiné les anneaux figurant sur cette page, nous rappelle que la roue a été inventée à partir d'un objet qui devait servir de collier. Le bijou, dit-il, est un moyen d'expression artistique en usage dès les origines de l'humanité. "L'acte d'orner notre propre corps nourrit notre âme et nous aide à exprimer des désirs profonds, communs à tous les humains." De plus, si un métal comme l'argent est utilisé, l'énergie dont il est chargé se mêle à celle du porteur.
Torque (bracelet ouvert) dans le style antique des princes grecs et celtes.
Ornement exclusivement masculin, l'anneau de queue (cock ring) se place, suivant sa circonférence: derrière les couilles, sur la bite elle-même, voire juste derrière le gland, ou au sommet des couilles. Considéré comme pièce de résistance tant par les mecs hétéros que gays, l'anneau présente de nombreux avantages: 1) il prolonge l'érection en bloquant partiellement le reflux du sang; 2) il amplifie le gonflement des veines et du gland; 3) il accroît l'excitation et le plaisir durant l'orgasme; 4) c'est un stimulant visuel... 5) et sensuel car il attire l'attention du porteur (vêtu ou non) sur son propre sexe. 6) Porté sous un caleçon ample, l'anneau rassemble les bijoux de famille et les met en avant. 7) Lorsque je suis bridé par mon cock ring en cuivre, je perçois dans ma bite (en érection) des battements de rythme plus lent que la fréquence cardiaque, ils correspondent au tempo de reflux du sang.

Contrôle de l'éjaculation, avec anneau et pression sur le périnée.
Il existe des anneaux de compositions variées, du métal au cuir, en passant par des matières plus élastiques. Les uns sont clos, d'autres munis d'une fermeture. Certains vibrent pour stimuler le clitoris, les couilles ou le périnée. D'aucuns bénéficient d'un design noble, comme ceux que Nikias a dessinés, avec bague et bracelet assortis, pour Esculpta à Athènes et Londres.
Anneau réglable en caoutchouc, décoré de figurines en argent.
Mais avant d'acheter une pièce de valeur, il faut essayer des anneaux premier prix de différentes circonférences pour trouver la taille adéquate, au repos comme en érection. Un diamètre trop large au repos: le bijou tombe du pantalon, oups! Trop étroit pendant l'érection et on ne débande plus. Dans ce cas: douche glacée; si cela ne suffit pas, direction les urgences (ils en ont vu d'autres) très très rapidement. Risques: hypoxie des tissus (manque d'oxygène), nécrose, gangrène (voir la photo: gangrène du pénis par strangulation métallique, via Google). L'anneau se porte une à trois heures, on l'enlève sans faute avant de s'endormir. Il est déconseillé aux diabétiques et aux hommes souffrant de problèmes cardio-vasculaires. Et il ne remplace pas la capote!!!

Ulysse

vendredi 25 décembre 2009

Les fils fouettés, égorgés ou crucifiés


A
près les fêtes de familles décomposées [mardi], observons l'ambivalence des relations entre père et fils en ce jour où "un Fils nous est donné". Le quotidien Le Temps évoquait hier la figure de "Joseph, père moderne", un cocu non possessif de son épouse ni de son fils adoptif. Les mythes qui circulent
en décembre sont maniables à souhait. Le pape entouré d'or et de collections d'art se penche sur l'humilité de la crèche. Les psy glosent sur les pères de substitution. Les commerçants magnifient l'art du don.

Le Caravage:
Abraham levant le bras pour tuer son fils.
Décembre, c'est le
mois des petits et des grands garçons fouettés, égorgés, crucifiés; à moins qu'ils aient été obéissants -- le type même de l'autopunition... Résumons. Dieu n'a pas le temps d'inséminer personnellement la vierge qu'Il a choisie pour porter Son Fils. Plus tard, afin de concrétiser le plan d'extension de Son entreprise, il envoie ce fils au casse-pipe. Succès marketing: Dieu ouvre de multiples succursales et déplace le siège de Jérusalem à Constantinople pour l'Asie mineure, en ouvre un deuxième à Rome... Nicolas, évêque de Myre [près de l'actuelle Antalya en Turquie] au IVe siècle, produit aussi des miracles, comme celui de ressusciter trois bambins qu'un boucher avait égorgés, découpés et mis au saloir. Selon la tradition, le père Fouettard (Pierre le noir au Nord, Schmutzli en Suisse) qui accompagne fidèlement saint Nicolas serait en fait le boucher mécréant. Ils se répartissent les rôles, l'un cajole, l'autre fouette...

A ces histoires gore se mêlent chez nous les traditions païennes des lutins nordiques qui récompensent ou châtient les humains au solstice d'hiver; ils ressemblent à des nains de jardin avec barbe blanche et bonnet rouge. Santa Claus a emprunté leur
déguisement pour conduire le camion de livraison de Caca-kola à travers les tempêtes de neige.

Le récit du père égorgeur traverse les trois religions du Livre. Dieu décide de mettre à l'épreuve le patriarche Abrahâm / le prophète Ibrahim. Il lui ordonne de sacrifier son fils Is'hac qu'il a eu de son épouse Sara / son fils Ishma'él qu'il a eu de sa concubine Agar. Arrivé au sommet de la colline, le fils demande: "Père, voici le bois, voici le feu, où est l'agneau du sacrifice?" Le vieux répond: "Dieu y pourvoira", ligote le petit et saisit le coutelas. Le portable d'Abrahâm/Ibrahim sonne à cet instant: "Allo?", "Oui c'est Moi, Je sais maintenant que ton coeur frémit pour Moi; regarde devant toi et remplace ton fils par le bélier que j'ai attaché au buisson". Ils ont les boules, les fils.

Ulysse

mardi 22 décembre 2009

Le fabuleux Noël des familles décomposées


L
e Père Noël porte les chaussures de papa; les vôtres restent vides: pas cirées; cantiques dans les ascenseurs; paix sur la terre et prix promotionnels; l'immenculée conception livrée dans une bulle le 8 décembre 1854, (déjà, le pape évitait la capote); naissance rétroactive le 25 décembre 0000. A quel sein se vouer? Heureusement que les journaux nous offrent des recettes de bonheur. Petit rattrapage.
Le Père Noël est un pédophile.
Migros Magazine: "On refait la famille à Noël, on la reconstruit. On renouvelle l'idée que l'on se fabrique de la famille. Même les couples divorcés s'arrangent, souvent, pour fêter ensemble quand les enfants sont petits. J'ai rencontré une jeune femme qui m'expliquait que cette année, elle devrait se rendre à cinq réveillons, entre l'ancienne famille et la nouvelle. De nombreuses personnes sont déprimées non seulement parce qu'elles sont seules, mais surtout parce que leur image de la famille en correspond plus. Par contre, il y a très peu de suicides à cette époque." Comme durant la guerre.

Coopération, "Créer un imaginaire apaisant": "...dès que l'on sent monter la moutarde, pensons à tourner les yeux vers la crèche plutôt que de balancer notre verre par-dessus la table. La crèche stimule positivement notre imagination..."
Photo: Unzipped.
Migros Magazine, Nadine de Rothschild: "Le charme des familles recomposées? Je continue à le chercher. [...] Qui êtes-vous d'ailleurs pour eux? Mamie 2, grand-maman 3? [...] Heureusement, votre dernier fils n'est pas encore marié. D'ailleurs, il ne le souhaite pas. Un souci de moins pensiez-vous. Que nenni! Voilà qu'il vient de vous annoncer qu'il profiterait de cette belle réunion de famille pour vous présenter officiellement son copain... Vous avez gardé le self-control qui vous caractérise et pensé intérieurement: 'Au moins, je n'aurai pas de problème avec leurs petits-enfants!' Mais rien n'est moins sûr..."

Ulysse

lundi 21 décembre 2009

Ryan a sauvé le soldat Ben


C'
est probablement une opération de communication orchestrée par l'Armée britannique, mais lorsque la "grande muette" parle, on écoute et on déchiffre. Il y a dix jours, le quotidien Daily Mail a présenté le témoignage du soldat Ben Rakestrow qui venait de passer six mois en Afghanistan. Non pour parler du terrible conflit là-bas, mais d'une lueur de paix qui brille dans la guerre que mènent les hétéros [une espèce de Talibans qui a submergé l'Occident depuis 2009 ans, date anniversaire: vendredi prochain] contre les homos.

Avant de monter au front en Afghanistan, le soldat Ben Rakestrow avait décidé de sortir du placard pendant son entraînement, l'an dernier en Grande-Bretagne. "J'étais allé en boîte et, le lendemain, les gars m'ont demandé si j'avais eu de la chance. J'ai répondu: 'Son nom, c'est Ryan'. J'ai vu l'étonnement sur leurs visages, puis ils ont pensé que c'était une blague. Ils avaient de la peine à le croire." Rake
strow précise que ses collègues l'ont bien accepté et traité comme un égal. "C'est la décision la meilleure que j'aie prise jusqu'ici dans ma vie. Bien sûr, ils me chambrent. Mais c'est pas méchant. Ils veulent savoir plein de choses sur ma vie. Et je n'ai pas de peine à leur répondre."

Rakestrow affirme qu'il n'aura jamais une relation avec un autre soldat: "Je ne voudrais pas que ma vie privée interfère avec ma vie professionnelle." En 1999, 298 personnes avaient été renvoyées de l'armée et de la navale britanniques pour cause d'homosexualité. En 2000, une lesbienne et trois gays qui avaient été congédiés sont allés en justice et ont gagné leur procès, obtenant une réhabilitation. Et l'interdiction de s'enrôler faite aux homosexuel/le/s est tombée. Au printemps 2009, sir Richard qui était alors le général Richard Danaatt, chef de l'Armée, a tenu un discours devant un auditoire LGBT -- lesbien-gay-bisexuel-trans!

Camp Bastion, Afghanistan: la couette

du soldat Ben fait marrer ses camarades.

L'horreur, c'est que l'armée a besoin de volontaires pour poursuivre ses guerres déshonorantes. Le point positif: cela l'a obligée a réviser son jugement sur les lesbiennes et les gays, qui ne détruisent ni le mariage (les hétéros s'en chargent) ni l'armée (hélas!). Le fait qu'un segment de la société aussi macho reconnaisse le droit à l'égalité de traitement devrait faire avancer cette cause auprès des petits machos de la vie civile. Et aider les ados gays à se considérer comme des mecs à part entière.

Ulysse

lundi 14 décembre 2009

Le Nikeur le mieux payé au monde vous dit: "Just do me!"


En faisant ma ronde des journaux et des blogues sur la toile ce matin, je suis tombé sur une photo de Tiger Woods. Je n'avais jamais fait attention à lui. Son sourire adolescent m'a frappé... Alors que la liste de ses maîtresses présumées s'allonge; alors que les chaînes de télévision qui transmettaient ses matches craignent de perdre la moitié de leur audience (et des revenus de publicité), je découvre que le champion gagne cent millions de dollars par an dont les trois quarts proviennent de ses souteneurs. Notamment Nike ("Just Do It" ou bien Do Me ?); Gillette, chez qui Federer
fait aussi la pute, ("La perfection au masculin"); Accenture, conseil en entreprise qui met un terme au contrat, ("Go On, Be a Tiger" où ça, au lit ?).

Marié à une Barbie.
Or ce garç
on modèle -- façonné comme un robot de la compétition dès l'enfance, retravaillé par la pub et la com dès les premiers succès -- mène une vie parallèle cachée. L'Amérique entière réagit comme une épouse bafouée. Nom de Dieu! Ce petit mec si propre sur lui, ce métis adorable, qui s'impose dans un sport blanc et élitaire, serait donc un obsédé du cul... J'aime répéter que nomen est omen: le nom présage du caractère. Tiger comme tigre, Woods comme forêts, mais aussi comme to wood battre à plates coutures, mais aussi comme to have a woodie avoir le gourdin. A propos, n'est-ce pas la baguette magique et phallique de Tiger Woods, son club de golfe qui fascine tellement le public (cette entité femelle, captive, passive), les hommes et les femmes? Cette bite dressée et les bourses pleines de milliards qui l'accompagnent sont de puissants leviers dans l'adoration et la tourmente des êtres. Et lorsqu'ils sont aussi bigots et faux cul que les Américains, il ne reste plus à la victime des indiscrétions qu'à s'excuser publiquement et promettre de devenir une meilleure personne. Pour avoir le droit de reprendre sa carrière!

Une de ses maîtresse présumées.
A contempler les photos de ce parangon de virilit
é et de ses filles publiques, je me pose une question. Dans mon milieu, on dirait de ce jeune homme prolongé qu'il est trop mignon, un vrai biquet. Alors, ces filles sans lendemain: un médicament contre le stress des champions? une addiction? ou une couverture? Cette quête don juanesque compulsive, une manière de se cacher à lui-même et aux autres sa vraie nature -- ou une partie de sa nature? Ce n'est pas que je cherche à l'accueillir dans mon cercle, aux biquets je préfère les boucs.

Ulysse

vendredi 11 décembre 2009

La face cachée des fesses n'a pas été révélée


"Et mes fesses, tu les aimes, mes fesses?", la voix geignarde de Brigitte Bardot dans Le Mépris (du cinéaste rollois) résume la portée du documentaire qu'Arte diffusait hier soir, se félicitant d'un record d'audience en France. Intitulé La face cachée des fesses, il n'a rien dévoilé, s'est contenté de passer en revue les connaissances artistico-littéraires des expert/e/s convoqués, avec un pincée de psy-psy. La France n'a plus rien inventé depuis le cul plaignard de Bardot; comme le Créateur après l'Éden qui "vit que cela était très bon" et "chôma après tout l'ouvrage qu'il avait fait" (Genèse 2.2).

Nous avons vu des fesses féminines magnifiées par les arts et la rue (les hauts talons apportent un supplément de cambrure) et de beaux culs mâles, mis en valeur dans la peinture, la sculpture antique ou moderne, les jeans et la photographie. Durant l'antiquité, les sculpteurs trouvaient leur inspiration au gymnase où les jeunes athlètes s'entraînaient nus, frictionnés d'huile d'olive vierge. Aujourd'hui, c'est au stade que l'on observe
les culs les plus bombés. Si le public mixte des musées ne ressent aucune gêne à contempler les admirables fessiers de la peinture flamande (qui allient l'art au lard), les mâles ressentent en revanche un léger embarras à examiner des fesses masculines, car le soupçon funeste de sodomie flotte autour de ces globes musculeux.

Photographie d'Auguste Belloc, vers 1853.
Pourtant... Statistiquement parlant, la majorité des culs soumis à la jouissance (ou au devoir conjugal) de la sodomie appartiennent à des femmes, honorées
lors d'une relation hétérosexuelle. Le trou du cul a toujours été la pilule du catholique, du musulman et du pauvre -- et le plaisir de l'hédoniste. Les gays ne font pas le nombre à côté des masses hétéros enculeuses et enculées.
Photo de David Vance, tirée de Heavenly Bodies.
Le mot fesse vient du latin fissa, la fente. Hier, le docu La fasse cachée des fesses est resté en surface. Ah, si les auteurs du film avaient été des Allemands! On ne se serait pas contenté de Jean-Pierre Marielle exprimant son émerveillement en caressant une belle paire bien laiteuse. On aurait creusé le sujet. On leur aurait demandé, à ces fesses, pourquoi elles cachent ce qu'elles cachent. Elles auraient révélé la formule magique, leur "Sésame, ouvre-toi". On aurait exploré leurs humeurs intérieures, les peurs qu'elles nous inspirent, les frémissements et les gémissements qu'elles nous soutirent. On aurait évoqué les énergies qu'elles savent puiser symboliquement dans notre Mère-Terre, et comment nous pouvons en jouir, nous en nourrir et en tirer élévation...

Ulysse

mercredi 9 décembre 2009

Honte sexuelle et honte sociale


Dans un commentaire en réponse à La honte de faire souffrir ma famille (28 nov. dernier), Serge raconte comment il s'est libéré des masques qui le protégeaient. "Avant de sortir du placard, j'avais constamment peur qu'on découvre ma vraie nature. Mon entourage familial et scolaire utilisait les injures les plus dégradantes pour condamner les types qui ne rentraient pas dans ses normes. Ceux qui préféraient les livres aux soûleries, les sports individuels aux collectifs. J'essayais de me couler dans leur moule sans y parvenir.
La honte, le masque, la solitude.
"Un jour j'ai craqué. Une douzaine de mecs me gueulaient dessus "tantouze" dans la cour de l'école. Tout le monde l'entendait. Ils me bourraient de coups sans que personne vienne à ma défense. Points de suture: on répare facilement la peau. Dépression: guérison plus longue. Une thérapeute m'a aidé à franchir le pas. D'abord devant ma famille, qu'elle avait terrorisée en menaçant de les dénoncer si je faisais une autre tentative. Puis à la direction de l'école en répétant ses menaces. Cela a fonctionné. Elle m'a appris à me débarrasser, l'un après l'autre, des masques que je m'étais fabriqués. A mon étonnement, ceux qui étaient les plus hostiles auparavant m'ont expliqué que 'tantouze' qu'ils me criaient ne voulait pas dire que j'étais pédé et qu'ils trouvaient que j'avais "beaucoup de couilles" à me déclarer ouvertement homo. À ma place, ils se seraient flingués... J'avais 15 ans. J'en ai 23 aujourd'hui. Quand je pense à cette période, cela me fait horriblement mal. Mais j'ai fait l'expérience d'une bataille gagnée."

Dans Retour à Reims (paru en septembre chez Fayard), le sociologue et philosophe Didier Eribon, prof à la fac d'Amiens, décrit comment, dès l'adolescence, il a pris une grande distance par rapport au milieu ouvrier dans lequel il avait grandi. Et que lorsqu'il s'est agi d'écrire [par ex. Réflexions sur la question gay, 1999], il a choisi d'analyser l'oppression sexuelle plutôt que la domination sociale. Car, dit-il, il lui fut plus facile de se pencher "sur la honte sexuelle que sur la honte sociale".

"Dans ma vie,
en suivant le parcours typique du gay qui va vers la ville, s'inscrit dans de nouveaux réseaux de sociabilité, fait l'apprentissage de lui-même comme gay en découvrant le monde gay et en s'inventant comme gay à partir de cette découverte, j'ai en même temps suivi un autre parcours, social cette fois: l'itinéraire de ceux que l'on désigne habituellement comme des 'transfuges de classe'. Et je fus, à n'en pas douter, un 'transfuge' dont le souci, plus ou moins permanent et plus ou moins conscient, aura été de mettre à distance sa classe d'origine, d'échapper au milieu social de son enfance et de son adolescence."

J'ai commencé la lecture de Retour à Reims hier soir, c'est passionnant.


Ulysse

samedi 5 décembre 2009

Les gay mettent Obama face à ses promesses militaires


Ces Marines passent la nuit en plein air
dans les trous qu'ils ont creusés.
Afghanistan, province d'Helmand, juillet 2009.
Le président des Etats-Unis a donc décidé d'envoyer 30'000 soldates et soldats de plus en Afghanistan. Son plan serait d'amener les factions en guerre les unes contre les autres à négocier un compromis qui isolerait Al-Quaïda; puis de retirer graduellement les troupes états-uniennes. Son entourage le contredit sur la conduite du projet. Selon la presse qui était favorable à Obama, l'équivoque et la procrastination règnent à la Maison-Blanche et mettent ses défenseurs en ébullition.

Sur son dos, les noms des camarades tombés.
Parmi eux, des activistes gay. Ils ont décidé d'appeler les LGBT à ne plus soutenir financièrement le Parti démocrate, ni la prochaine Campagne électorale du président, tant que les promesses d'avant l'élection ne seront pas appliquées. Entre autres: Obama a ajourné son engagement d'abroger le Don't Ask, Don't Tell discriminatoire qui menace le personnel militaire gay de renvoi dès que l'orientation sexuelle est connue. Il faudra attendre la fin des hostilités en Irak et en Afghanistan. Obama soigne son opposition... En moyenne, deux soldats sont congédiés quotidiennement pour "manquement à l'honneur". Si le boycott gay est suivi, la différence financière sera importante.
Casques, armes et bottes de deux Marines
après la cérémonie du souvenir
. Sud de l'Afghanistan, avril 2008.
Aucun soldat ne revient intact de la guerre. Son cadavre est ramené dans un sac. Blessé, il est transporté sur une civière. Et s'il est rapatrié ingambe, il porte en lui la charge de ce qu'il a vécu. L'ignorance des débuts, les choix effroyables, la culpabilité collective et personnelle, l'impuissance devant les événements... Ces gars qui offrent leur chair et leur conscience au grand corps aveugle de l'armée (ils n'ont pas d'autre choix professionnel), que reçoivent-ils en retour?
-- Depuis sept ans, le photographe David Guttenfelder (A.P.) a enregistré la dévastation ininterrompue de l'Afghanistan. Trois photos en témoignage.

Ulysse

mercredi 2 décembre 2009

"Les Boules du désir" (Der Pimmel über Berlin)

Le raide-en-chef de Bild.
En allemand le film de Wim Wenders s'appelle Der Himmel über Berlin (= Le ciel au-dessus de Berlin), en français Les Ailes du désir (1987). Depuis quelques jours, les médias d'outre-Rhin font leurs choux gras d'une guéguerre entre deux quotidiens et titrent finement: "Der Pimmel über Berlin" (= Le zizi au-dessus Berlin)... Au commencement, il y a un gros titre du quotidien de boulevard Bild (le plus grand tirage du pays) clamant que plus de 65% des mecs croient qu'ils ont un pénis trop court. C'est le 14 novembre 2002. [Depuis lors, je lis le Bild avec angoisse.] La taz (Die Tageszeitung), quotidien de gauche berlinois très estimé, décide de charrier Bild qui déverse des tonnes de people et de cul sur ses chers lecteurs. La taz annonce que le réd-en-chef de Bild se trouve en clinique à Miami où il se serait fait allonger la bite. C'est une pure invention de la rédaction, mais qui porte son lot de symbole.
L'artiste l'a intitulé "Que la paix soit avec toi".
Un procès s'ensuit. Le jugement de Salomon tombe en 2004: la taz ne devra plus jamais rapporter ce mensonge, mais le Bild ne recevra pas le dédommagement réclamé de 30'000€. Vive l'Allemagne! Cinq ans plus tard, le sculpteur Peter Lenk [cliquez pour voir d'autres oeuvres qui ont suscité la polémique!] entre en scène avec un bas-relief géant sur la façade de la taz, bien en vue de la rue Rudi-Dutschke où se trouve le siège de l'éditeur Springer, propriétaire de Bild. Qu'ajouter aux photos si ce n'est que: 1) le couillu personnage a bien la tête du réd-en-chef de Bild, pour les attributs, j'sais pas; 2) la bite s'élève à près de 16 mètres et se termine par une tête de cobra; 3) des gros titres de Bild sont également illustrés sur la façade, comme "Viagra boomt (= prospère) in Krise" (12.2.2009) ou "Émasculé par le basset de sa belle-mère".
Charles à poil; Ernst-August (Hanovre-Monaco),
surnommé le prince Pipi.

Le plus drôle est pour la fin. Lors de l'élection du pape Jojo, Bild avait titré: "Wir sind Papst" (= Nous sommes pape). Eh bien! une fausse page Une de la taz est sortie l'autre jour, avec ce titre: "Wir sind Schwanz" (= Nous sommes queue)... On en a finalement découvert l'auteur: Kai Diekmann, le raide-en-chef de Bild. Chapeau! Mais la taz est un journal à l'orientation féministe appuyée, dirigé par une réd-en-chef qui n'apprécie pas la vulgarité du bas-relief. Plusieurs de ses rédactrices sont de mauvaise humeur parce qu'elles doivent travailler à l'ombre d'un phallus. Et nous, on voit des nichons partout dans les journaux et le long des rues. Est-ce qu'on s'en plaint? Il paraît qu'on devrait.

Ulysse

lundi 30 novembre 2009

Le voile de l'ignorance est tombé sur la Suisse


A
insi donc, le peuple de veaux auquel j'appartiens -- cette bande de cloches qui tient à ses clochers comme les vieilles couilles pendent à leur prostate -- a voté contre l'érection de nouveaux minarets. Comme le clamait hier un Kabarettist autrichien, les Suisses ont réussi l'exploit de rester neutres dans les conflits mondiaux tout en comptant quand même des criminels de guerre. "Et le parti populiste de l'UDC nous envie encore Jörg Haider, pour son charme masculin irrésistible et son amour de la musique alpestre." Typique suisse: on veut bien des mosquées, mais rien qui dépasse. On veut bien, mais faudrait pas exagérer quand même... Du reste, L'Union démocratique fédérale, le parti des "valeurs chrétiennes, valeurs d'avenir", nous a tous rassurés: "Les minarets sont superflus à l'exercice de l'Islam". La même UDF nous avait prévenus, en 2005, que la légitimation du partenariat enregistré entraînerait "la banalisation de l'homosexualité" et qu'il fallait "préserver l'institution du mariage". Pourquoi? Parce que, "contrairement à ce que certains croient, le mariage a encore de beaux
jours devant lui."

Cela fait de nombreuses années que les citoyens suisses perdent un pan après l'autre de leurs illusions sur la l'efficacité de leurs entrepreneurs et de leurs dirigeants. Et se demandent: y a-t-il un pilote à bord? Ou plutôt: qu'est-ce qu'y foutent dans le cockpit? Alors: les minarets, c'est juste une manière d'exprimer notre mauvaise humeur. On s'escuse qu'ça tombe sur vous, faut pas trop nous en vouloir...

Les femmes et les hommes qui se sont installés dans les cabines de pilotage, dans les conseils des entreprises et des banques, dans les intendances gouvernementales, ils sont tous taillés dans le même bois que le reste de la population. Médiocres, myopes, pressés et paresseux comme des lavements, ne prenant pas le temps d'exercer un esprit prospectif, rongés de petites rognes les uns contre les autres. Et surtout: incapables de comprendre que la générosité (de pensée et d'action) multiplie les bénéfices pour chacun. C'est comme ça!

Dans le numéro d'automne d'Hétérographe, "revue des homolittératures ou pas" [cliquez!], Maxime Cervulle qui vient de traduire le livre clé d'Eve Kosofsky Sedgwick Épistémologie du placard [cliquez!] parle de cette grande penseuse du queer. Il écrit: "Le bal de l'ignorance, où les mensonges par omission sont cousus main, apparaissait parfois sous sa plume tel un mode de légitimation informel de la violence sociale: lorsque le voile de l'inconnaissance sert à fermer les yeux sur les formes ordinaires de l'homophobie, du sexisme, de l'antisémitisme ou du racisme. Elle parlait ainsi d'un privilège de l'ignorance pour désigner l'acceptation tacite de la reconduction des processus d'oppression."

Ulysse

samedi 28 novembre 2009

"La honte de faire souffrir ma famille, la peur d'être abandonné"


C'
est une lettre reprise sur plusieurs sites alémaniques et allemands; je n'en ai pas trouvé la source, mais la traduis.


"J'ai bientôt seize ans et je me demande si cela vaut la peine de vivre. J'ai trouvé votre blogue qui me donne espoir, alors je vous écris. Ma famille appartient à l'église pentecôtiste et j'ai la foi, mais je ne supporte plus d'aller au culte et d'entendre que j'irai en enfer pour une chose dont je me sens pas responsable. J'avais préparé ma lettre de suicide dans ma tête pour leur dire que je les aimais tous, mais que c'était trop difficile, et je voulais prendre des somnifères quand j'ai trouvé votre blogue. J'ai lu que vous aussi vous avez passé de mauvais moments dans votre jeunesse, et
les commentaires de certains de vos lecteurs qui ont été maltraités durant leur enfance. Après avoir subi ces difficultés ils ont quand même une vie d'adultes satisfaisante et épanouie.

"Ils me jetteront dehors."
"Je sais que je suis différent des autres gens dans ma famille et mon église. Cela ne me dérange pas. Je suis comme je suis. Je crois maintenant puisque vous l'écrivez qu'on peut trouver quelqu'un avec qui on s'entend et qu'on peut aimer. Mais le problème c'est ma famille. Je ne vois pas comment je pourrais vivre sans eux. Et je sais que si je leur dis la vérité me concernant, ils penseront que je suis du diable et ils me jetteront dehors et ne me parleront plus jamais, sauf peut-être ma soeur la plus proche. Je suis le septième et nous sommes une famille unie. Mais j'ai entendu mon père dire un jour: "J'ai traversé bien des choses avec l'aide du Seigneur, mais si je découvrais qu'un de mes fils était un homo je ne pourrais pas le supporter à cause de la honte". Cela m'a brisé le coeur. Et puis j'ai cherché sur internet. Mais ce que je lisais et voyais me faisait peur, c'est pas ça que je veux pour ma vie. D'où l'idée de mourir pour que je trouve enfin le repos. Jusqu'au jour où je suis tombé sur votre blogue où vous parlez de votre jeunesse difficile et comment vous vous en êtes sorti.

"Maintenant j'ai comme un espoir qu'un jour je n'aurai plus la honte de faire souffrir ma famille ni la peur d'être abandonné. Pouvez-vous me faire un mail pour me donner des conseils sur mes problèmes?"

jeudi 26 novembre 2009

L'amitié à l'épreuve de la sexualité


L'
amitié -- et seulement elle -- entre une femme et un homme hétéros est-elle possible? La met-on en péril si l'on passe à l'acte sexuel? Et qu'en est-il entre deux mecs, l'un gay et l'autre hétéro? Ce cas -- avec quelques complications en cours de route -- est discuté dans le courrier de Savage Love cette semaine.

--Q
uestion.
"Je suis un hétéro de 29 ans. Depuis l'année dernière, j'ai un ami très proche, même tranche d'âge, qui est gay. Cela colle parfaitement entre nous, j'apprécie beaucoup son amitié. Il y a quatre mois, il m'a dit qu'il était tombé amoureux de moi et qu'il avait besoin de prendre de la distance pour conserver notre amitié. Pendant deux mois, nous ne nous sommes vus qu'en présence d'amis communs. Puis nous avons repris nos habitudes et il me semble de nouveau à l'aise avec moi. Mais maintenant j'ai envie de lui sexuellement! Je n'ai jamais couché avec un homme et je suis très attiré pa
r les femmes, pourtant ce nouveau sentiment ne me gêne pas... J'envisage de lui proposer l'expérience; je crois qu'il accepterait... Une relation amoureuse qui se prolongerait ne m'intéresse pas; je l'aime comme ami et je ne voudrais pas le perdre. Est-ce qu'un plan d'un soir nous rapprocherait, ou cela va-t-il détruire notre amitié? Il est le seul gars à m'avoir attiré, j'ai très envie d'essayer."

Wes Hempel (Etats-Unis):
Study for Morality Play.
--Réponse. "Alors que vous êtes prêt à tenter une expérience sans suite, votre ami préférerait, j'imagine, entretenir une relation romantique suivie avec un mec. Et comme c'est impossible avec vous (vous n'allez pas "l'épouser") il se pourrait qu'il hésite à vous la mettre au cul. Vous baiser raviverait des sentiments qu'il s'est efforcé d'oublier pour sauver votre belle amitié virile. Et lorsque l'inévitable se produira, lorsque vous vous mettrez en ménage avec une femme, ne se sentirait-il pas encore plus mis à l'écart?

"Ceci dit, je vous fais une confidence. Nous, les gay, nous sommes des hommes, des vrais comme les hétéros. Nous sommes capables de baiser sans nous attacher -- même un peu trop doués dans ce domaine -- et un célibataire gay, comme un hétéro, passe rarement à côté d'une bonne occasion, même s'il aurait envie de plus que ce que cette personne ne peut lui offrir. Dans un seul domaine, les gay surpassent à coup sûr les hétéros (à part les pipes profondes): nous restons amis avec nos ex, avec nos conquêtes d'un soir, nos copains de baise, et tous les autres... Communiquez votre envie à votre ami et voyez ce qu'il en dit. Vous êtes restés amis lorsqu'il vous a fait part de son attirance envers vous; alors, pourquoi pas quand vous lui avouerez votre désir."

Quelle est votre opinion, lecteur? Votre expérience? N'est-ce pas manquer d'égard envers celui qui est tombé amoureux? Ou, au contraire, faire preuve d'une "amitié virile", franche et à toutes épreuves?

Ulysse

lundi 23 novembre 2009

Pourquoi dit-on une barbe et un sein?


Copier-coller: Adrian et Joris Conquet,
acteurs et athlètes. L'un est gay, l'autre hétéro.
Lequel? Photo: Fred Goudon.

C'est un cours du soir en Grande-Bretagne. Des adultes apprennent le français dans une classe de débutants. La prof explique cette chose incroyable: en francophonie, on divise les objets entre féminin et masculin. House par exemple est du genre féminin: la maison. Et pour les ébahir encore plus, en allemand c'est neutre: das Haus. Les élèves jouent à deviner. Barbe, sein, chemise -- où est la logique? Et computer, féminin ou masculin? Au lieu de répondre, la prof divise la classe en deux groupes: les femmes d'un côté, les hommes de l'autre, en leur demandant de se mettre d'accord sur quatre raisons selon lesquelles l'ordi devrait être féminin ou masculin.

Copier-coller: les Vénézuéliens
Pedro et Ramon. Photo:Thomas Synnamon.

Le groupe des mecs décide que computer devrait être "la ordinateur" en français. Parce que:
-- pers
onne à part l'inventeur ne comprend la logique des ordinateurs,
-- le langage que les ordi utilisent pour communiquer entre elles est incomp
réhensible,
-- même la plus petite erreur de manipulation est enregistrée dans l
a mémoire à long terme et peut se retourner contre vous,
-- dès que vous vous décidez pour une ordi, vous dépensez la moitié de
votre salaire dans des accessoires.

Copier-coller. Carl et Greg: oui,
c'est ce que vous vouliez vérifier.

Le groupe des femmes arrive à la conclusion inverse, "le ordinateur" est masculin, c'est sûr, car:
-- avant de pouvoir entreprendre quoi que ce soit avec le ordinateur, vous devez l'allumer,
-- l'ordi est bourré de données et pourtant n'arrive pas à penser par lui-même,
-- il devrait vous aider à résoudre des tas de problèmes, mais c'est souvent lui le problème,
-- dès que vous avez jeté votre dévolu sur un ordi, vous vous rendez compte
qu'en attendant quelques semaines de plus, vous auriez pu vous procurer un modèle plus excitant.

Les femmes ont toujours raison.

Ulysse

samedi 21 novembre 2009

L'accélérateur de testicules réactivé après des mois de pannes


C'
était le doigt de Dieu pour rappeler les chercheurs du CERN à plus d'humilité: après 14 mois de panne et de miettes de pain, l'accélérateur de particules a été relancé à la frontière franco-suisse. En foute
aussi, l'accélérateur de testicules a été réactivé ces jours derniers au Nigeria pour les Suisses, en Égypte et au Soudan pour les Algériens et en Irlande pour... Car, à l'insu de son plein gré, la France a envoyé une équipe de handball affronter l'équipe de foute d'Irlande. Et tous ceux qui se piquent de sport ou de politique ne parlent plus que de la main de Dieu.

N'y comprenant rien, je cède le clavier à beru_von_88 qui s'exprime en ligne dans Le bar des sports de Libé. "Un joueur fait une main, ne prend même pas la peine de dire à l'arbitre qu'il a merdu (il a peut-être pas fait exprès, mais merde! il y a des limites), parce qu'il a quand même bien merdu quand même le gonze, fait vaguement mine de s'excuser ensuite et surtout bien après le match puisqu'il sait bien que ça ne changera rien à rien, parce que l'arbitre n'a rien vu. [...] Mais pire encore: un joueur, français, plusieurs fois capé, qui dis, bonhomme, rigolard même, que le foot c'est ça, c'est être plus filou que les autres... À ce jeu, l'italien qui a fait sortir de ses gonds Zizou a donc eu bien raison de se comporter en fils de p... maman travaille. [...] Vous le dites si je suis psychorigide. [...] Et leur entraineur! Ah! leur entraineur! "euh... vous nous gâchez la fête!". Ou comment couvrir les conneries de ses joueurs en ne comprenant même pas qu'il y a quand même l'éthique du sport qui s'en ai pris un bien costaud dans les roustons! Nan, pour lui, c'est normal..."
L'arbitre était occupé ailleurs.
"Dans le genre inaceptable aussi un truc bien, bien con: une équipe gagne, super! content pour eux! youpi! Sauf qu'en fait non, pas youpi. Parce qu'avant l'équipe s'est fait littéralement caillassée (...c'est encore du sport...), et qu'ensuite les supporters (de l'équipe victorieuse donc) font les cons et s'adonne aux pillages... [...] Questions à deux balles: 1) -- si le coup de la main était au détriment des français, que se serait-il passé? (chapeau aux Irlandais d'ailleurs! amers mais dignes!) 2) -- si l'équipe d'Algérie avait perdue (ce qui somme toute peut aussi arriver), que se serait-il passé? -- Et le pire (si y a pire...), le pire donc, ce sont le lendemain les conversations de bistrot... et l'avis de Finkielkraut. À devenir un passionné du curling, juste histoire d'échapper à cette bêtise crasse."
L'Algérie ira en Afrique du Sud.
Barbara Ehrenreich, l'activiste du changement social, écrit que la plupart des gens aujourd'hui recherchent l'extase collective non plus à l'église ou dans un concert, mais autour des stades. Les évènements sportifs nous donnent la possibilité d'exprimer nos émotions sans limite, ce qui n'est pas possible ailleurs. Les fêtes que nos ancêtres chasseurs-cueilleurs organisaient après une campagne de chasse se déroulent aujourd'hui à l'issue de matchs où "on a gagné!". Là, les spectateurs se lâchent et laissent libre cours aux énergies sauvages qu'ils pourraient dépenser dans des activités réelles -- le bricolage, le jardinage, la pêche, la chasse ou un vrai sport...

Ulysse

jeudi 19 novembre 2009

De l'île de la tentation jusqu'au chemin de pureté... et retour


L
a vie d'un mâle bien burné est un exercice de trapèze entre la pureté et la tentation. Dans ce blogue, désormais, on ne verra plus les bomecs que j'allais pêcher sur le net pour attirer des lecteurs. Une petite voix m'accusait: tu passes ta vie à écumer les sites érotiques et tu ne blogues plus que d'une main!
Des corn flakes pour étouffer la libido.
Mais "où le péché s'est multiplié, la grâce a surabondé" (Rom. 5.20): le net est comme l'hôpital, on y chope d'horribles maladies et, parfois, on y trouve aussi la guérison. Un site m'a sauvé de la tentation pornographique. Covenant Eyes [C.E.] me permet de déléguer le contrôle de mes surfs à des personnes responsables, selon qu'il est écrit: "J'avais fait un pacte avec mes yeux, au point de ne fixer aucune vierge" (Job 31.1). Dorénavant, un logiciel de C.E. enregistre l'adresse de tout ce que je consulte sur le net et envoie un relevé aux personnes de grande qualité morale que j'ai sélectionnées. Elles me passent un savon si j'ai fauté.

J'ai
découvert que mon vice n'était ni original ni solitaire! C.E. affirme que plus de 70 pour 100 des mecs succombent au porno. Chez les femmes, c'est 21 pour 100. (Si vous n'aviez pas compris pourquoi le couple est en crise...) Je verse $ 7.99 par mois à C.E., encouragé par les témoignages spontanés de clients satisfaits. "Je suis un homme de 61 ans. J'ai donné mon coeur à Jésus dans mon enfance. Mais cela faisait plus de 50 ans que j'étais esclave de la pornographie..." "C.E. a non seulement sauvé mon mariage, il m'a réhabilité en tant qu'homme." "J'ai retrouvé la confiance en mon mari: il a installé C.E. sur notre ordinateur." "La plupart des gars de notre groupe de soutien sont en bonne voie de guérison, excepté certains qui utilisent des logiciels de contrôle gratuits."
"J'ai avoué à ma femme que je suis accro au porno..."
L
e logiciel de C.E. me
fout la honte chaque fois que je retombe. Et il me fait gagner des dizaines d'heures chaque semaine puisque j'ai renoncé aux sites coquins. Donc il soigne ma surdité... Je passe néanmoins du temps sur l'internet à lire des journaux et des documents pour approvisionner ce blogue. Alors, les relevés que reçoivent mes directeurs de conscience sont considérables. L'un d'eux s'est vengé en me faisant livrer ses propres listes de surf: la-croix.com; jeunes-vierges-en-folie.com; garcon.desobeissant.com; fessee.blogspot.com; amours-cuisantes.net; vatican.net, etc. J'en fais des cauchemars.
"Alors que Rome brûle": comme les politiciens suisses,
Néron médite sur la suite à donner à sa carrière.

Cela me donne une idée. Je vais adopter de nouveaux contrôleurs: nos politiciens les plus bouffons et toquards. Je choisirai mes lectures en fonction de leurs obsessions-- la phobie de l'Union européenne; le culte des Valeurs chrétiennes, du nucléaire et du matériel de guerre; leur hantise de se faire pénétrer par un minaret; le mépris que leur inspirent les minorités de tous poils... J'irai jusqu'à sacrifier ma vertu retrouvée en surfant sur une flopée de sites X. Afin qu'ils s'y noient corps et âme.

Ulysse

samedi 14 novembre 2009

Les hommes en noir de Jérusalem


P
lus d'un millier de manifestants ultra-orthodoxes ont protesté aujourd'hui, dans les rues de Jérusalem, contre Intel qu'ils accusent de ne pas respecter le jour du r
epos en faisant tourner son usine de microprocesseurs sept jours sur sept en Israël. Quelques excités ont même attaqué les journalistes présents à coups de pierres et de crachats... La tradition interdit toute activité durant le shabbat (même la préparation des repas); allumer la lumière si l'on a oublié de le faire avant le coucher du soleil vendredi est un péché, il faut demander ce geste à une personne non-croyante...
L'apprenti et son patron boucher
dans Eyes Wide Open.
Les hommes en noir que l'on voit dans le film Eyes Wide Open [texte précédent] sont très actifs à Jérusalem. Depuis des mois, ils descendent dans la rue pour combattre une autre violation de la tradition: l'ouverture d'un nouveau parking également le jour du shabbat. Ils caillassent la police en criant "Nazis!", mettent le feu aux poubelles et bloquent les rues. Ces extrémistes profitent de la faiblesse des autorités pour étendre leur pouvoir, non seulement sur les consciences comme dans le film, mais sur le social et le politique.

D'autres excités, l
es kahanistes, sont également en conflit avec l'État. Le mois dernier, la police a interpelé l'un d'entre eux à Jérusalem. Il collait des affiches de soutien à l'agresseur (encore inconnu) qui a tué deux personnes et en a blessé quinze autres dans un lieu gay de Tel Aviv. Durant son interrogatoire, l'homme (un colon américano-israélien, père de quatre enfants) a avoué être l'auteur de deux meurtres et de plusieurs attentats à la bombe. Il avait tué deux Palestiniens en 1997 et posé des bombes près d'un monastère, chez un intellectuel de gauche et une famille de juifs messianiques, enfin contre des commissariats ainsi que des voitures de police, lors d'une gay pride, parce que les forces de l'ordre protégeaient les participants violemment pris à parti par des ultra-orthodoxes. Les kahanistes veulent instaurer une théocratie en Israël.
Au festival de Cannes: les acteurs entourant
leur metteur en scène. (Sauf erreur, trois hétéros, bravo!)

Ces ultras vivent en contradiction avec les préceptes de leur "foi". Dans le film, le rabbin qui enseigne le Talmud déclare: "Dieu [l'Innommable] ne veut pas que l'homme s'inflige des peines. Il veut qu'il jouisse de la vie. Celui qui a succombé au péché ne doit nullement désespérer car Dieu lui offrira une nouvelle épreuve. Quand il la surmontera, même son échec passé comptera pour un mérite." Un superbe panoramique sur les têtes des hommes en noir, y compris le boucher et son amant apprenti, accompagne cette tirade dans la salle d'étude et de prière. Le spectateur ressent l'affection qui unit ces hommes; un lien plus chaleureux que leur relation aux épouses, car l'impureté (les règles) les oblige régulièrement à faire lit à part. Mais, lorsque la rumeur d'homosexualité s'insinue dans le cercle, l'amour viril et fraternel se transforme en haine mortelle.

Ulysse

mercredi 11 novembre 2009

La souffrance des mecs face à la religion


L
es films israéliens qui parviennent jusqu'à nous frappent par leur liberté de ton, leur capacité de traiter les problèmes de société par le biais d'une vie privée, en donnant au spectateur la possibilité de s'identifier, même s'il nourrit des préjugés contre ce pays en pleine crise d'adolescence prolongée. Hier j'ai vu The Bubble d'Eytan Fox [séance de rattrapage, j'y reviendrai] et aujourd'hui Tu n'aimeras point [traduction
stupide pour Eyes Wide Open].

Eyes Wide Open (= Les Yeux grands ouverts), premier long métrage de Haïm Tabakman, raconte quelques semaines de la vie d'Aaron Fleischmann [l'homme de la chair ou de la viande -- nomen est omen...] qui vient de reprendre la boucherie casher de son père dans le quartier ultra-orthodoxe de Jérusalem. Pour le seconder il engage Ezri, jeune étudiant talmudique, et le loge dans le magasin. La méfiance entre eux fait bientôt place à la curiosité, à l'affection, au désir... Aaron, homme très pieux, bon époux et père, déclare à Ezri qui s'approche pour l'embrasser: "Retiens-toi! Nous avons la capacité de nous élever; de remplir notre mission dans ce monde. Cette épreuve ne nous serait pas envoyée si nous ne pouvions pas la surmonter." Car c'est dans la nature de Dieu d'offrir des exercices spirituels... Sauf que la chair est plus forte... Lorsqu'Aaron est mis au pied du mur par ses coréligionaires menaçants et son rabbin, il reconnaît la puissance de l'amour: "J'étais mort, maintenant je revis." Et dans un moment de vérité empreint de délicatesse envers son épouse, il admet sa faiblesse, en silence.

Le réalisateur décrit le milieu religieux avec respect et lucidité -- et c'est fascinant. Il en fait de même pour l'amour qui brûle ces deux hommes et les vivifie, que
ce soit dans la chambre froide de la boucherie, lors d'un bain purificateur en plein air, ou au lit. Nous passons subtilement d'un monde à l'autre; ils sont irréconciliables pour les juifs orthodoxes... Haïm Tabakman place le spectateur à la croisée du "pur" et de "l'impur". A chacun de décider où ces éléments se situent. Le film est clair à ce sujet: la liberté de choisir est lourde de conséquences. Et la dernière image me laisse... le bec dans l'eau.

Je suis non-croyant; je respecte la foi des gens qui me respectent. Je pense que l'appartenance à un système religieux ou éthique fait partie des besoins humains de base. [Et me demande ce qui conduit beaucoup d'athées à dénigrer la foi; ce doit être une fixation sur un démêlé ancien, non résolu... Une rigidité que je m'efforce de désarmer en moi.] J'ai connu des hommes mariés (et/ou religieux) amoureux, j'ai vu leur désir, leur souffrance et leur difficulté à envisager leur existence les yeux grands ouverts face à l'inconciliable (selon eux): la famille hétéro (et/ou la foi) d'une part, leur homosexualité de l'autre. Ce film éclaire le dilemme de manière magistrale et poignante.

Ulysse

samedi 7 novembre 2009

"Tatoués sous le feu": des soldats américains racontent...




Lorsqu'ils entraient dans l'arène romaine, les gladiateurs s'exclamaient: "Ave Caesar, morituri te salutant, (Bonjour à toi Empereur, ceux qui s'apprêtent à mourir te saluent!)". La tuerie perpétrée cette semaine à Fort Hood (Texas), la plus grande base militaire américaine (65'000 personnes), a laissé 13 morts et 30 blessés sur le carreau. L'auteur, un major de l'armée, accumule les mauvais karmas: 1) fils de parents immigrés de Palestine, 2) citoyen américain, 3) citoyen américain musulman, 4) psychiatre militaire, 5) en partance pour l'Irak ou l'Afghanistan. Dans la ville de Killeen (sic!), proche de la base, il avait acheté un FN 5.7 et des munitions capables de transpercer les gilets pare-balles.

A partir de demain, des stations de TV américaines vont diffuse
r "Tattooed Under Fire" (Tatoués sous le feu) un documentaire tourné à Killeen en 2005. Il a été réalisé par une cinéaste britannique dans un salon de tatouage dont les clients sont des soldats en partance pour l'Irak, ou entre deux déploiements. J'ai vu quelques segments de ce reportage. C'est saisissant, hallucinant de voir et écouter ces types de 19 à 23 ans, marqués par la fatalité, par l'irréversibilité de leur engagement. La patronne du salon River City raconte: "Ils mettent leur coeur et leur âme dans ces tatouages; ils disent: c'est mon corps, c'est ma vie, c'est mon moyen d'expression... Vous savez: ces gamins sont terrifiés par la guerre." Un tatoueur paternel explique: "Ils viennent parce qu'ils ont besoin de parler... Ils transfèrent les problèmes qui les préoccupent sur leur peau, pour les sortir de leur tête." Un autre ajoute: "Ceux qui en sont revenus physiquement indemnes ont quand même de gros problèmes psychologiques dont personne ne se préoccupe. Personne. On les met à la rue et basta..."

Le tatouage d'Anthony: un sablier
au milieu de la tempête.

Anthony, infirmier, 22 ans, en partance pour l'Irak. "En uniforme, je dois être exactement comme tous les autres. Alors, le tatouage est une manière d'exprimer ma singularité." Travis explique: "J'avais fait une connerie, on m'a donné le choix: soit la prison, soit la guerre; j'ai choisi la guerre." Sur son biceps, il a fait tatouer un fétus dans un mixer qui le réduira en purée: "Et j'imagine que cela pourrait m'arriver". Josh, avant son deuxième déploiement: "Les charges glorieuses que vous voyez dans les films, et toutes ces conneries, c'est pas ça... Deux de mes copains ont été grillés au fond de leur blindé. Comme fondus dans la structure du char. Vous regardez les nouvelles, on dit deux pauvres soldats ont été mortellement touchés. Mais un autre pauvre gars, qui les connaissait, a dû racler ce qui restait d'eux au fond du véhicule."

Charles (ci-contre), en partance, a fait tatouer ce constat sur son bras: "Les rats s'engraissent pendant que les braves soldats meurent". C'est l'expression de sa colère face aux grandes entreprises comme Haliburton [multinationale texane dont le vice-président Dick Cheney était président et actionnaire] qui se font du pognon avec la guerre pendant que les hommes de la troupe se font tuer.

Ulysse -- Photos: Ave Bonar.