dimanche 21 juin 2009

Le film "Outrage" (1): Sortie forcée du placard ou enquête?


Il y a deux ans, le sénateur américain Larry Craig (Idaho, républicain, marié, père de famille) a été arrêté dans des toilettes pour hommes de l'aéroport de Minneapolis. Ces W.-C. sont réputés lieu de rencontres anonymes dans le milieu gay; et donc assidûment fréquentés par des agents de police en civil chargés de piéger les couillons... En voyage loin de sa circonscription, Craig fait un petit détour par ces toilettes, voit un homme attirant pénétrer dans une cabine [la porte fermée sur la photo] et entre dans la suivante. Selon l'usage local, il tape discrètement du pied contre la partition; son voisin répond, puis sort. Le sénateur l'imite et se fait arrêter pour conduite obscène. Il nie, se défend d'être gay, mais l'affaire devient publique. Le quotidien Idaho Statesman publie les témoignages de trois hommes qui auraient eu des relations sexuelles, certaines tarifées, avec l'homme politique. Il est cuit.

La vie privée d'un politicien ne nous regarde pas; s'il se terre au fond d'un placard, c'est son problème et celui de son entourage. Mais voilà: le républicain Larry Craig était un défenseur des "valeurs familiales"; il avait publiquement soutenu l'Amendement fédéral proscrivant le mariage entre personnes du même sexe; il avait aussi voté con
tre la loi qui aurait inclus les personnes LGBT dans la protection contre diverses discriminations.

"Psst! Tu veux voir
mes valeurs familiales?"

Dans son documentaire Outrage sorti le mois dernier aux Etats-Unis, le réalisateur Kirby Dick (hétéro)
analyse la carrière de politiciens influents qui, bien qu'homosexuels ou bisexuels, mettent en avant épouse et enfants dans leur vie publique et prennent ouvertement position contre l'égalité des droits pour les personnes LGBT. Le cas Craig figure dans le film. La culture américaine, dit le réalisateur, nous a conditionnés à penser que certains hommes sont voués à diriger les affaires publiques, d'autres pas. Dans la caste dirigeante, les garçons sont éduqués très jeunes à prendre le pouvoir et devenir des leaders. Or certains se rendent compte plus tard qu'ils sont gay. Ils savent que cela les rendra très vulnérables et sont prêts à faire n'importe quoi pour se protéger, y compris d'attaquer les homosexuel/les. Une vie sexuelle épanouie est moins importante à leurs yeux que l'ambition politique de leur famille.

Peut-on comparer le film Outrage à un "outing" [la révélation/dénonciation de l'homosexualité d'une personne par une autre]? Non, répond Kirby Dick, l'orientation sexuelle des personnes mentionnées dans le film avait déjà fait l'objet de publications. Mais lorsqu'ils révèlent un scandale de ce type, les médias le traitent comme un sujet "people" de faits divers; ils n'analysent ni les implications politiques, ni la psychologie des sujets. À moins d'y être forcés par l'éclosion d'une affaire notoire, les éditeurs de journaux redoutent d'informer leurs lecteurs sur le double standard des hommes politiques (hétéros comme homos) de crainte de perdre l'accès ultérieur à des sources d'information ou d'entrer dans des conflits d'intérêt avec des personnages puissants et les compagnies sur lesquelles ils ont la haute main. C'est pourquoi ils n'envoient pas leurs reporters enquêter sur l'hypocrisie des hommes publics, malgré les rumeurs qui circulent et toutes les informations ou preuves dont ils disposent déjà.

Ulysse

4 commentaires:

Lison a dit…

A bas le mensonge! Oui MAIS! Le peuple américain n'élirait pas des politiciens ouvertement gays. En Allemagne, en France, en Suisse, des femmes et des hommes de votre orientation ont été élus parce que le public reconnaissait leurs grandes qualités. Les maires de Berlin, Hambourg, Zurich et Paris, par exemple. Oh! j'allais oublier Renens dans le canton de Vaud!

Chad, degoûté de ces types, a dit…

On dit que lorsque la clique de Bush s'est installé à Washington, le business des call-girls et encore plus celui des call-boys est montée en fléche.

Murdoch a dit…

Si je cache ma vie privée au public, non par pudeur mais pour attaquer politiquement d'autres personnes, je perds tout droit moral et légal au respect de mon intimité. Dans ce cas l'outing est un acte de salubrité publique. Il montre aux citoyens-électeurs combien on les manipule. Et il n'y a aucune raison de protéger les homos. Si nous voulons l'égalité, eh bien là aussi.

Robert a dit…

Sortez du placard: la naphtaline c'est mauvais pour les bronches!