dimanche 4 octobre 2009

Le frisson de la nudité pour une cause (presque) désespérée

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P
our montrer combien la fragilité du corps humain est liée à celle des éco-systèmes, 713 militants de Greenpeace ont posé hier sans voile devant
l'appareil photographique de Spencer Tunick. C'était en Saône-et-Loire, dans le vignoble bourguignon particulièrement exposé à la grêle et aux pics de chaleur. Ces volontaires voulaient attirer l'attention du monde sur les problèmes que le réchauffement climatique cause dans la viticulture. Afin d'encourager les plus timides figurants, le directeur de Greenpeace France leur a déclaré: "Ce que vous faites là est à mi-chemin entre une oeuvre d'art et une mobilisation citoyenne." Notamment en faveur du patrimoine oenologique, car "les changements les plus infimes au niveau des températures feront des ravages [en détruisant] la finesse du goût."
Hier dans les vignes, photo pudique
pour les médias français. (Reuters)

Parmi les militants à poil, un viticulteur bio qui produit du Mâcon blanc depuis 25 ans a remarqué: "Je me rends compte qu'on vendange de plus en plus tôt..." De plus en plus, dans le monde évolué, des personnes revendiquent en faveur d'une cause en se singularisant afin de marquer l'opinion... Pour nous faire entendre il y a plus de trente ans, il fallait être vus. C'est ce qu'ont pigé les pédés, puis les gouines qui sont sortis de l'anonymat et ont défilé dans les villes. Des gens nous ont critiqués (et parmi eux des personnes "concernées") parce que ces manifestations manquaient de "dignité" (à cause, par exemple, de quelques travestis marrants qui attiraient l'attention des médias). N'empêche, mes chéris, que notre message a passé! Vous ne vous en rendez peut-être pas compte, parce que vous ignorez le proche passé. Dommage, mais pas grave!

Sur le glacier d'Aletsch en 2007. (Afp)
Tant et si bien que pour se faire entendre aujourd'hui, les défenseurs de la nature doivent trouver mieux que le déguisement: le dépouillement qui scandalise ou amuse encore un peu. Les gay s'incarnaient en se montrant sans masques devant la foule curieuse; la revendication d'aujourd'hui se sert aussi du corps comme impact. La nudité, pourtant muette, est devenue un discours d'autant plus surprenant qu'il n'est lié ni à la sexualité ni au grotesque, déclencheur du rire.

Les militants de samedi, en même temps qu'ils mobilisaient l'attention sur l'environnement, ont fait passer un autre message: le corps nu ce n'est pas que du cul, c'est aussi "un marqueur de la liberté" de l'être, comme disent les sociologues. Marqueur pas uniquement de la liberté sexuelle, mais d'une pleine libération intérieure qui dérange (un peu) l'ordre général et nous fait progresser vers une plus heureuse hardiesse politique, idéologique, voire religieuse.Ajouter une image
18'000 personnes à Mexico en 2007.
Photo de Spencer Tunick.

Se mettre ainsi à nu est un acte courageux et sain. Un jour peut-être, il faudra trouver autre chose pour stimuler la curiosité.

Ulysse

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