lundi 2 novembre 2009

La mort et l'amour des hommes





Hier matin je me suis réveillé alourdi d'automne et de deuil (alors que le 1er novembre me laisse indifférent), habité des souvenirs mêlés de deux hommes que j'ai aimés passionnément [ou passionnellement] et de l
'un de mes plus jeunes neveux, aussi beau qu'allumé. Ils ont quitté cette vie il y a plus ou moins longtemps, l'un en septembre, l'autre en octobre et le troisième en novembre... Pour honorer leur mémoire d'un "coeur tendre et mélancolique", j'ai retrouvé ces vers de Walt Whitman dans le recueil Leaves of Grass [Feuilles d'Herbe] publié à Boston entre 1855 et 1881. Poète de la camaraderie virile, Whitman a imaginé, fantasmé, une convergence entre le pur amour des hommes (celui qu'il a exalté, mais jamais nommé) et la démocratie la plus noble (pas celle "matérialiste et vulgaire" de son pays natal). Extrait de Scented Herbage of my Breast.


Senteur d'herbage de mon torse,

Je recueille tes feuilles et j'écris ce qu'on lira mieux plus tard,
Feuilles-tombes, feuilles-corps qui poussez sur moi, par-dessus la mort, [.
..]
Année après année vous resplendirez, surgissant
à nouveau d'où vous aviez dormi;
Oh j'ignore si beaucoup de passants vous dénicheront
ou respireront votre discrète odeur, quelques-uns je crois le feront;
Oh modestes feuilles! oh floraison de mon sang! racontez je vous prie le coeur que vous dominez, [...]
Vous êtes plus amères souvent que je ne le puis supporter, vous me brûlez et me blessez,
Pourtant vous me faites voir la beauté de vos racines finement teintées, vous m'évoquez la mort,
A vous regarder, la mort est belle (qu'est qui est beau finalement à part la mort et l'amour?)
Mon chant des amants, ce n'est point pour la vie, mais bien pour la mort que je le chante, me semble-t-il,
Qu'il est calme et combien solennel en s'élevant jusqu'à la compagnie des aimés,
Aussi, peu m'importe la mort ou la vie, mon âme refuse de choisir [...].

Traduction libre d'Ulysse.

3 commentaires:

Tadzio a dit…

De quelle série ce poème est-il tiré? Il me plaît beaucoup même si je ne comprends pas tout. Qu'est-ce que vous entendez par l'amour pur des hommes? Sans sexe? Merci de me répondre!

Ulysse, en réponse à Tadzio, a dit…

Ce poème fait partie de la séquence intitulée "Calamus" (le jonc, le roseau pour écrire). A l'époque, le recueil des "Feuilles d'herbes" était considéré comme une oeuvre obscène à cause de ses références franches à l'amour et à la sexualité.
Whitman s'était engagé comme infirmier volontaire durant la Guerre civile américaine; la souffrance des soldats le touchait d'autant plus qu'il était un homme à hommes, comme Henry Dunant, fondateur de la Croix-Rouge, qui avait vu le carnage de la guerre à Solferino.
Whitman est considéré aujourd'hui comme bisexuel avec prédominance homo. Les poèmes de "Calamus" célèbrent "l'amour viril entre camarades" présenté dans un contexte politique, spirituel et personnel.

Kevin a dit…

Je compare la traduction que je possède (Roger Asselineau), dans le vers 7, par exemple:
"O feuilles ténues! O fleurs de mon sang! je vous permets de parler à votre façon du coeur qui est au-dessous de vous"
à la tienne, plus libre et actuelle:
"Oh modestes feuilles! oh floraison de mon sang! racontez je vous prie le coeur que vous dominez"
et je commence à aimer Whitman, merci Ulysse que je tutoie à force de lire tes blogs!