samedi 7 novembre 2009

"Tatoués sous le feu": des soldats américains racontent...




Lorsqu'ils entraient dans l'arène romaine, les gladiateurs s'exclamaient: "Ave Caesar, morituri te salutant, (Bonjour à toi Empereur, ceux qui s'apprêtent à mourir te saluent!)". La tuerie perpétrée cette semaine à Fort Hood (Texas), la plus grande base militaire américaine (65'000 personnes), a laissé 13 morts et 30 blessés sur le carreau. L'auteur, un major de l'armée, accumule les mauvais karmas: 1) fils de parents immigrés de Palestine, 2) citoyen américain, 3) citoyen américain musulman, 4) psychiatre militaire, 5) en partance pour l'Irak ou l'Afghanistan. Dans la ville de Killeen (sic!), proche de la base, il avait acheté un FN 5.7 et des munitions capables de transpercer les gilets pare-balles.

A partir de demain, des stations de TV américaines vont diffuse
r "Tattooed Under Fire" (Tatoués sous le feu) un documentaire tourné à Killeen en 2005. Il a été réalisé par une cinéaste britannique dans un salon de tatouage dont les clients sont des soldats en partance pour l'Irak, ou entre deux déploiements. J'ai vu quelques segments de ce reportage. C'est saisissant, hallucinant de voir et écouter ces types de 19 à 23 ans, marqués par la fatalité, par l'irréversibilité de leur engagement. La patronne du salon River City raconte: "Ils mettent leur coeur et leur âme dans ces tatouages; ils disent: c'est mon corps, c'est ma vie, c'est mon moyen d'expression... Vous savez: ces gamins sont terrifiés par la guerre." Un tatoueur paternel explique: "Ils viennent parce qu'ils ont besoin de parler... Ils transfèrent les problèmes qui les préoccupent sur leur peau, pour les sortir de leur tête." Un autre ajoute: "Ceux qui en sont revenus physiquement indemnes ont quand même de gros problèmes psychologiques dont personne ne se préoccupe. Personne. On les met à la rue et basta..."

Le tatouage d'Anthony: un sablier
au milieu de la tempête.

Anthony, infirmier, 22 ans, en partance pour l'Irak. "En uniforme, je dois être exactement comme tous les autres. Alors, le tatouage est une manière d'exprimer ma singularité." Travis explique: "J'avais fait une connerie, on m'a donné le choix: soit la prison, soit la guerre; j'ai choisi la guerre." Sur son biceps, il a fait tatouer un fétus dans un mixer qui le réduira en purée: "Et j'imagine que cela pourrait m'arriver". Josh, avant son deuxième déploiement: "Les charges glorieuses que vous voyez dans les films, et toutes ces conneries, c'est pas ça... Deux de mes copains ont été grillés au fond de leur blindé. Comme fondus dans la structure du char. Vous regardez les nouvelles, on dit deux pauvres soldats ont été mortellement touchés. Mais un autre pauvre gars, qui les connaissait, a dû racler ce qui restait d'eux au fond du véhicule."

Charles (ci-contre), en partance, a fait tatouer ce constat sur son bras: "Les rats s'engraissent pendant que les braves soldats meurent". C'est l'expression de sa colère face aux grandes entreprises comme Haliburton [multinationale texane dont le vice-président Dick Cheney était président et actionnaire] qui se font du pognon avec la guerre pendant que les hommes de la troupe se font tuer.

Ulysse -- Photos: Ave Bonar.

2 commentaires:

Fabienne a dit…

Quelle lucidité! Emouvant, terrifiant.

Rob a dit…

La motivation est toute différente de l'acteur de porno Logan! Quelle saloperie de pays qui envoie ses jeunes gars faire une guerre qui ne devrait pas avoir lieu.