samedi 27 juin 2009

"Outrage" (3): les coureurs de jupons ou de caleçons et leurs victimes


Lorsqu'un homme politique d'envergure fait un faux pas, il y a derrière lui des gens prêts à prendre sa place et d'autres qui sont profondément humiliés. Dans le documentaire Outrage, on voit brièvement les épouses du sénateur Craig, des gouverneurs McGreevey et Crist, muettes, figées (bourrées de tranquillisants) à côté de leur mari homosexuel ou bi pendant sa "confession" devant les médias. L'épreuve n'est pas plus agréable pour les femmes de ceux qui ont fréquenté des prostituées de haut vol ou des maîtresses.

Alisa et David, photo
de Seyma Bayram.

Celles dont le mari gay a été sorti du placard (et se sent libéré du poids de sa double vie), elles entrent dans une phase de doute, d'abattement, de dépression et de colère, alors que le public peine à comprendre comment elles ont pu être pareillement dupées. Leurs enfants sont molestés par les camarades d'école. Leur communauté religieuse les rejette. Elles sont elles aussi victimes de l'homophobie ambiante. Dans leur majorité, les deux millions [estimation] d'épouses et époux d'homosexuel/s/les actuellement en ménage ou divorcés aux Etats-Unis n'ont ou n'avaient pas connaissance de l'orientation de leur conjoint/e. Aussi étrange que cela puisse paraître... Je suis bien placé pour penser que ce déni est aussi possible en Europe. Il y a encore du pain sur la planche de l'éducation sexuelle et sentimentale.

Revenons aux pénitents de notre histoire (homos et hétéros). Pourquoi les uns tremblent-ils dans leur froc et pourquoi se font-ils pincer (les uns et les autres) la braguette entrouverte ("zipper problem")? Ma génération et celles qui ont suivi, nous avons grandi pour la plupart dans un monde plein de mythes masculins conquérants, mais sans connaître de
s modèles (père, grand-père, oncle) qui nous auraient patiemment transmis le mode d'emploi. Nous avons grandi en imitant et simulant cette virilité impulsive, sans savoir quelle dose serait suffisante, ni quand. En quelque sorte, nous sommes des travestis -- pleins d'admiration et de crainte par rapport au mythe de la virilité, et honteux d'en posséder si peu -- hommes hétéros comme homos. Les coureurs irréfléchis et écervelés de jupons ou de caleçons sont, peut-être, ceux qui ont le plus souffert de ce manque... On m'affirme que les jeunes générations se débrouillent mieux, étape par étape; je m'en réjouis.
Mâles mythiques: les frères Klitschko, tous deux boxeurs et crédités
d'un doctorat en sciences sportives. Wladimir (à droite)
a battu Ruslan Chagaev en neuf reprises, samedi dernier à Gelsenkirchen.

Ulysse

jeudi 25 juin 2009

"Outrage" 2: la contrition des pa(l)pables



Dimanche, j'évoquais le documentaire Outrage et les politiciens américains qui brandissent la bannière des valeurs familiales traditionnelles alors qu'ils recherchent en secret des relations sexuelles avec des hommes. L'actualité apporte un complément hétéro à cette dénonciation de l'hypocrisie politique.

La semaine passée l'un des candidats papables à la prochaine élection présidentielle, le sénateur républicain du Nevada John Ensign a été obligé de passer par l'épreuve de la demande publique de pardon [on se souvient de l'air contrit et des larmes de Bill Clinton] et d'admettre une liaison extra-conjugale qui commençait à s'ébruiter. Darlene, l'épouse du sénateur, a déclaré que cette épreuve avait renforcé leur couple...
En septembre 2007, le même John Ensign avait demandé à son collègue Larry Craig -- arrêté par le flic en civil qu'il draguait dans les chiottes -- de démissionner pour avoir déshonoré le Sénat. La liaison d'Ensign a commencé peu après... Ce macho était très engagé dans le mouvement chrétien des Promise Keepers (mené par un ancien coach de football américain): des mecs qui s'engagent à tenir leur promesse de fidélité conjugale et à dominer leur famille comme les patriarches de l'Ancien testament.

Darlene et John. Le vétérinaire et sénateur
défend le "mariage traditionnel",
fondement i
ncontournable de notre société.
Cette semaine un autre candidat républicain aux présidentielles de 2012, le gouverneur de Caroline du Sud Mark Sanford, a lui aussi demandé pardon au peuple américain, à ses amis, à son épouse et ses quatre fils. Il avait disparu quelques jours. On le disait en retraite sur le Sentier des Appalaches, mais il se trouvait en Argentine chez sa maîtresse. Là aussi, pressé par les rumeurs, il a lâché le morceau. C'était émouvant, pas le genre de texte préparé par une équipe d'avocats. Son aveu ré
sonnait comme celui d'un homme profondément amoureux et troublé... Jusqu'à cette semaine, Mark Sandorf était très engagé dans plusieurs mouvements qui, sous couvert de préservation des valeurs religieuses et familiales, veulent rallier des électeurs influençables au parti républicain.
Les larmes amères de Mark Sandorf (Getty Images)
Ces types citent l'Ancien testament plus souvent qu'ils ne le lisent. Sinon, ils sauraient que les valeurs familiales sont un euphémisme pour le patriarcat qui, fondé sur l'autorité mâle et l'ambition politique, est incompatible avec un semblant de monogamie.

Ulysse

dimanche 21 juin 2009

Le film "Outrage" (1): Sortie forcée du placard ou enquête?


Il y a deux ans, le sénateur américain Larry Craig (Idaho, républicain, marié, père de famille) a été arrêté dans des toilettes pour hommes de l'aéroport de Minneapolis. Ces W.-C. sont réputés lieu de rencontres anonymes dans le milieu gay; et donc assidûment fréquentés par des agents de police en civil chargés de piéger les couillons... En voyage loin de sa circonscription, Craig fait un petit détour par ces toilettes, voit un homme attirant pénétrer dans une cabine [la porte fermée sur la photo] et entre dans la suivante. Selon l'usage local, il tape discrètement du pied contre la partition; son voisin répond, puis sort. Le sénateur l'imite et se fait arrêter pour conduite obscène. Il nie, se défend d'être gay, mais l'affaire devient publique. Le quotidien Idaho Statesman publie les témoignages de trois hommes qui auraient eu des relations sexuelles, certaines tarifées, avec l'homme politique. Il est cuit.

La vie privée d'un politicien ne nous regarde pas; s'il se terre au fond d'un placard, c'est son problème et celui de son entourage. Mais voilà: le républicain Larry Craig était un défenseur des "valeurs familiales"; il avait publiquement soutenu l'Amendement fédéral proscrivant le mariage entre personnes du même sexe; il avait aussi voté con
tre la loi qui aurait inclus les personnes LGBT dans la protection contre diverses discriminations.

"Psst! Tu veux voir
mes valeurs familiales?"

Dans son documentaire Outrage sorti le mois dernier aux Etats-Unis, le réalisateur Kirby Dick (hétéro)
analyse la carrière de politiciens influents qui, bien qu'homosexuels ou bisexuels, mettent en avant épouse et enfants dans leur vie publique et prennent ouvertement position contre l'égalité des droits pour les personnes LGBT. Le cas Craig figure dans le film. La culture américaine, dit le réalisateur, nous a conditionnés à penser que certains hommes sont voués à diriger les affaires publiques, d'autres pas. Dans la caste dirigeante, les garçons sont éduqués très jeunes à prendre le pouvoir et devenir des leaders. Or certains se rendent compte plus tard qu'ils sont gay. Ils savent que cela les rendra très vulnérables et sont prêts à faire n'importe quoi pour se protéger, y compris d'attaquer les homosexuel/les. Une vie sexuelle épanouie est moins importante à leurs yeux que l'ambition politique de leur famille.

Peut-on comparer le film Outrage à un "outing" [la révélation/dénonciation de l'homosexualité d'une personne par une autre]? Non, répond Kirby Dick, l'orientation sexuelle des personnes mentionnées dans le film avait déjà fait l'objet de publications. Mais lorsqu'ils révèlent un scandale de ce type, les médias le traitent comme un sujet "people" de faits divers; ils n'analysent ni les implications politiques, ni la psychologie des sujets. À moins d'y être forcés par l'éclosion d'une affaire notoire, les éditeurs de journaux redoutent d'informer leurs lecteurs sur le double standard des hommes politiques (hétéros comme homos) de crainte de perdre l'accès ultérieur à des sources d'information ou d'entrer dans des conflits d'intérêt avec des personnages puissants et les compagnies sur lesquelles ils ont la haute main. C'est pourquoi ils n'envoient pas leurs reporters enquêter sur l'hypocrisie des hommes publics, malgré les rumeurs qui circulent et toutes les informations ou preuves dont ils disposent déjà.

Ulysse

vendredi 19 juin 2009

"On existe, on est bizarres et il va falloir t'y faire!"


C
'est la saison des marches de la visibilité des transpédébigouines. Avec plus ou moins de fierté (dignité?), de fraîcheur, de transgression, de poncifs, de violences ou de lassitude. Samedi dernier, à Sao Paulo, le défilé s'est déroulé devant deux à trois millions de personnes... Demain, les Tchèques concernés -- celles et ceux qui osent se montrer -- marcheront à Tabor, au sud de Prague. Dans Rue89 du 14 juin, Camille interrogeait Solène, l'une des organisatrices de la deuxième Queer Pride tchèque. D
ans ce pays, l'équivalent du pacs est acquis; alors que demander de plus?

Viril et farceur: même la guêpe (pas folle)
s'est prise au jeu. Participant
au défilé de Brno en 2008. (Reuters)

"Je lutte, répond Solène, pour la destruction du cadre hétéronormatif, pour que chacun/e puisse baiser et aimer qui elle/il veut, de toutes les façons qui lui passent par la tête. [...] Parce que toutes les mises dans des cases vont par essence avec un système d'oppression et de discrimination." "Et puis, on n'oubliera pas de penser aux... allez, entre 399'000 et 999'000 pédales, gouines, bi, trans -- et tout ça tchèques -- qui ne seront pas là parce qu'ils/elles ont peur: des nazis, des chrétiens radicaux, de le dire à leur mère ou à leurs enfants, d'être licencié/e/s, vu/e/s à la télé, parce qu'elles/ils ne sont pas prêts à lutter pour leurs droits ou parce qu'ils ont rendez-vous à la piscine." Quant aux femmes et aux hommes présents, ils diront: "On existe, on est bizarres et il va falloir t'y faire".

Dans son blogue The Daily Dish, le chroniqueur conservateur américain Andrew Sullivan publiait, une fois de plus ces dernières semaines, sa recette (contestée/approuvée par ses lecteurs) pour faire avancer la cause. "Donnez de l'argent, faites campagne et bloguez. Mais pour tous ceux d'entre vous qui êtes gay et ne faites rien de cela, un acte politique très simple est à votre portée et sera le plus efficace: faites connaître à votre famille, vos amis et collègues qui vous êtes réellement." La majorité des personnes qui ont observé comment vivent et travaillent des lesbiennes et des gay sont (plus) favorables à l'égalité des droits. "Mon message aux jeunes hommes et femmes gay: affrontez votre peur! Soyez honnête envers vous-même. C'est parfois le seul chemin vers la liberté."

Ulysse

lundi 15 juin 2009

David Carradine, le tao et la strangulation


L'acteur, réalisateur, scénariste et compositeur David Carradine est mort au début du mois dans un hôtel suisse à Bangkok, apparemment d'un accident de strangulation auto-érotique. Il avait illuminé le petit écran dans la série Kung-Fu (1972 à 1975) dont on peut revoir quelques scènes sur Youtube. Dans l'une d'entre elles, son personnage dit, inspiré par le poète Lao-tseu (ou Lao Zi, 6ème siècle avant notre ère): "Quand on cesse d'essayer de comprendre, alors on connaît sans comprendre". C'est une attitude taoïste que nous pourrions appliquer au mystère de sa mort.

Peut-ê
tre était-il rassasié d'ans (73) et de films (des centaines); peut-être avait-il oublié le précepte taoïste selon lequel il n'y a ni gloire ni honneur à supprimer une vie; peut-être le démon du risque a-t-il finalement vaincu ses mesures de précaution...

Dans la pratique de strangulation érotique -- aussi appelée jeu du foulard ou jeu de contrôle de la respiration -- le risque est beaucoup plus grand lorsqu'on n'est pas accompagné par un/e partenaire fiable. La mort peut survenir à cause de la perte de conscience provoquée par l'asphyxie: la personne perd le contrôle et n'arrête pas la strangulation à temps. Le plaisir sexuel que l'on voulait tirer de l'asphyxie érotique en privant momentanément le cerveau d'oxygène devient fatal.

Une corde reliait le cou au sexe du défunt qui était suspendu par cette corde. Dans les jeux sexuels "raisonnables" de contrôle de la respiration, on évite de nouer quoi que ce soit autour du cou. La/le partenaire empêche momentanément la respiration de se faire par le nez et la bouche pour que le soumis / la soumise ressente cette impression d'étouffement. Mais attention: des études ont démontré que le cerveau est endommagé dès que la personne manque d'oxygène au point d'en arriver à perdre conscience. Le dommage est irréparable.

Notre société accepte mal les pratiques à risque. Elle les couvre de honte. Or l
a honte ne permet pas d'aborder les problèmes ouvertement. De la honte naît la solitude; celle ou celui qui est attiré par ces pratiques craint d'en parler à son/sa partenaire sexuel/le ou à d'autres personnes de l'entourage. Ses possibilités de s'informer sont donc rares, les bons partenaires de jeux érotiques aussi. David Carradine est-il mort victime de cette solitude? A-t-il joué tout seul dans ce placard de l'hôtel parce qu'il n'avait pas trouvé de partenaire fiable pour le contrôler? Ceux qui n'imaginent pas la souffrance que peut causer la honte, ceux qui ne comprennent pas l'attrait de ces jeux devraient pourtant le respecter. Il a été un explorateur.

Comme le dit Lao-tseu dans un poème: "L'argile prend forme, elle est passée au four; / Ainsi naît la tasse. / Mais c'est de l'intérieur invisible / Que nous vient la boisson."

Ulysse

jeudi 11 juin 2009

Paluchage: un Japonais champion mondial d'endurance




Le mois dernier, Masanobu Sato a remporté le 9ème Masturbate-A-Thon annuel qui s'est déroulé au Center for Sex and Culture de San Francisco. Déjà tenant du titre en 2008 avec 9 heures et 33 minutes de masturbation ininterrompue, il a amélioré son record cette année en l'amenant à 9h58. Des compétitions de ce type se déroulent dans d'autres pays. La règle est la même: les participants se font parrainer par des donateurs, l'argent recueilli est versé à des oeuvres caritatives. Dans l'esprit des organisateurs, l'autre intérêt de la manifestation consiste à inciter le public à améliorer son rapport au corps. Les participant/e/s peuvent aussi concourir dans les catégories "nombre d'orgasmes" (femmes ou hommes) et portée de l'éjaculation (hommes seulement, pour l'instant). Une femme a enregistré 49 orgasmes d'affilée, un homme 31!

On peut affirmer que pour le Federer de la flûte enchantée, le succès tient à la maîtrise du mental. "Je dois mon triomphe à mon imagination sans limite, a-t-il déclaré au San Francisco Weekly. Et, depuis mon record de l'an dernier, je me suis beaucoup entraîné au J
apon. J'ai nagé deux fois par semaine et gagné cinq kilos de muscles. Cela m'a aidé en terme d'endurance. Enfin, la variété des sensations que procurent les jouets sexuels Tenga est idéale pour tenir le coup dans un marathon. Sans cette diversité, ma pine serait vite engourdie et indifférente." Masanobu Sato travaille pour un concepteur japonais de jouets sexuels haut de gamme -- tant par l'efficacité, le choix des composants (l'élastomère, par exemple) que le design élégant. Il s'agit d'étuis de masturbation garnis de différentes textures à l'intérieur et de lubrifiants à viscosité variable.

On pouvait concourir au sein d'un peloton
ou retiré dans un coin, contre la montre

Comment le champion fait-il pour transformer les passages à vide en a
vantage psychologique face à ses concurrents? "Cette année, par deux fois j'ai senti que je n'en pouvais plus. Mais j'avais fait une provision mentale de pornos japonais pendant mon entraînement et cela m'a permis de dépasser cette situation négative. En plus, j'ai pensé à mes nombreux supporters au Japon, y compris mon amie, ma famille, mes collègues de travail... je ne pouvais pas les décevoir."

Ed Ehrgott, coach érotique, a gagné en 2007.
Depuis, il participe juste pour le plaisir
Sato a-t-il éjaculé durant l'épreuve? "Oui, une fois, mais j'ai continué à me masturber sans prendre de repos ni perdre mon érection." Aurait-il pu prolonger l'exercice? "Non, j'étais complètement crevé, c'était ma limite. J'espère dépasser les dix heures dans une prochaine compétition." Qu'en pense sa famille? "Ma famille me comprend et me soutient, elle est fière de moi. Cette attitude n'est pas courante au Japon!" Ce que la journaliste a oublié de demander: 1) Comment le champion prévient-il l'abrasion de son bambou, tant à l'entraînement qu'en compétition? 2) Est-ce que sa petite amie apprécie son endurance à sa juste valeur?

Ulysse

dimanche 7 juin 2009

Bigots contre pédés: match nul à Zurich


G
ott mit uns oder gegen uns? Tel était le dilemme hier durant le défilé de l'EuroPride à Zurich. L'Union chrétienne -- proche du parti UDF (Union démocratique fédérale) -- avait tenté de faire interdire la manifestation. Elle avait finalement confié sa mission de défense de la famille chrétienne à "Dieu" lui-même puisque les météorologues prévoyaient du mauvais temps. Ainsi, la pluie empêcherait les poules
mouillées de défiler. Nous avons défilé dans la grisaille, puis sous le soleil. Et une trombe nous a trempés en fin de parcours. Donc: match nul. "Dieu" n'intervient pas dans les petites querelles de clochers... Mais nous n'étions que dix à quinze mille (et la moitié se contentant de nous regarder passer), bien au-dessous des attentes des organisateurs... Zurich a raté son coup européen...

Avant de marcher derrière le char d'Amnesty (qui compte aussi une section gay), j'ai fait un petit tour des participants. Il y avait quelques dames fort maquillées et couillues, des lapines et lapins roses, des géants sur leurs bottes de sept lieues, des soeurs de la Perpétuelle Indulgence (qui font un remarquable travail de prévention du sida, avec humour), des enfants dans les landaus ou sur les épaules et même de vrais chevaux. Les chrétiens homos: "I am gay -- and I pray" -- je suis gay sur le devant de leur maillot et je prie au verso. Venus d'Allemagne, des représentants de la Bundeswehr; et leurs pendants suisses, les Queer Officers Switzerland. Les hommes d'affaires de Network affichant "Mein Chef steht auf Männer" -- mon chef préfère les hommes. Les gars du foot: "Fussball ist alles, auch schwul [pédé]" Les femmes de We Are Family: "La famille c'est où il y a des enfants". Et les pères homos: "Ich bin Vater / und bin gay / für mich normal / und ganz ok".

"Dieu", un père célibataire.
En fait,
"Dieu" était un célibataire qui partageait sa demeure avec le Saint-Esprit. En quête de paternité, il envoya un suppléant choisir une mère porteuse. Et la petite graine? "Dieu" l'avait vraisemblablement déposée sur une hostie que l'envoyé présenta à la jeune Marie (qui n'était pas mariée). Les fidèles commémorent cette insémination -- et le drame qui suivit -- lors de l'eucharistie dont les espèces contiennent le corps, le sang, l'âme et la divinité du Fils, donc aussi du Père... Alors pourquoi les membres de l'Union chrétienne ne veulent-ils pas partager "la famille" avec des gens qui s'aiment autant qu'eux? Le thème de la marche d'hier était: "L'amour, un droit humain".

Ulysse

vendredi 5 juin 2009

Daniel Cohn-Bendit traîne encore sa casserole de "pédophile"



Demain après-midi, des milliers de représentants des communautés LGBT (lesbi-gay-bi-trans) d'Europe participeront à la marche l'EuroPride au coeur de Zurich. Parmi les orateurs annoncés, Daniel Cohn-Bendit que je me réjouissais de voir et entendre s'est désisté. N'avait-il pas prévu qu'il serait très engagé -- et chahuté -- dans la campagne européenne? Hier soir, dans l'émission bordélique de France_2 "A vous de juger", François Bayrou a accusé le député européen des Verts d'avoir défendu la pédophilie, faisant référence à son livre "Le Grand bazar" paru en 1975. On a refait le procès de Mai 68. Quel lien avec les Européennes?

Dans ce livre, Cohn-Bendit évoquait son activité d'éducateur dans un ja
rdin d'enfants autogéré à Francfort. Extrait qui sent beaucoup plus le soufre aujourd'hui qu'en 1975, où il n'avait soulevé aucune réaction. (En France, la polémique n'avait surgi qu'en 2001, alimentée par la fille de la terroriste Ulrike Meinhof.)

"Il m'était arrivé plusieurs fois que certains gosses ouvrent ma braguette et commencent à me chatouiller. Je réagissais de manière différente selon les circonstances, mais leur désir me posait un problème. Je leur demandais: 'Pourquoi ne jouez-vous pas ensemble,
pourquoi m'avez-vous choisi moi, et pas d'autres gosses?' Mais s'ils insistaient, je les caressais quand même. [...] J'avais besoin d'être inconditionnellement accepté par eux. Je voulais que les gosses aient envie de moi, et je faisais tout pour qu'ils dépendent de moi."

En 2001, Daniel Cohn-Bendit a nié toute interprétation d'acte pédophilique que l'on aurait pu tirer de ce texte. Il a précisé qu'il s'agissait d'une "provocation contre le bourgeois" qui reflétait l'esprit de l'époque. "J'ai raconté cela par pure provocation [...] et sachant ce que je sais aujourd'hui des abus sexuels, j'ai des remords d'avoir écrit tout cela."


Il est vrai que dans les années 1970, l'inceste dans les familles et les institutions religieuses était connu, mais on ne faisait rien pour protéger les enfants. Et la permissivité pédagogique affichée par Cohn-Bendit était bien plus affirmée encore par les auteurs ouvertement pédophiles. Un cran plus haut dans l'échelle des âges, les pédérastes (attirés par les très jeunes adolescents) pouvaient eux aussi s'exprimer ouvertement. Lors de la première marche gay en Suisse, à Berne en 1979, l'orateur romand avait revendiqué cette liberté. J'en avais été choqué -- pas tellement à cause de ses moeurs que de notre réputation auprès des médias et du public hétérosexuel présent. J'imaginais encore que les pédérastes, dans leur majorité, étaient capables de respecter les limites des adolescents... A la complaisance des intellectuels branchés de cette époque a succédé aujourd'hui une obsession pathologique: on voit des pédophiles partout, on prend les "pédés" (= gay) pour des pédophiles.

Et moi, comment ai-je réagi au discours pédérastique de Berne? En demandant de pouvoir tenir le crachoir l'année suivante à Gay 80 qui se tenait à Bâle. Là, j'ai insisté sur le parallélisme des causes féministe et gay soulignant l'exemple que nous donnaient les femmes dans leur lutte pacifique envers l'égalité des droits.

Ulysse

lundi 1 juin 2009

Tant pis pour San Francisco, on ira à Katmandou


F
rancesco D'Macho [à gauche] et Damien Crosse ont passé la bague au doigt samedi 23 mai à Madrid. Crosse écri
t dans son blogue: "Moi et l'homme le plus étonnant au monde nous sommes mariés. Jamais dans ma vie je n'ai été aussi submergé de joie que lorsque nous avons déclaré notre amour et nous sommes promis d'appartenir l'un à l'autre pour toujours, avec l'aide de nos meilleurs amis et de la famille. Avant de rencontrer Francesco, je ne savais pas sourire, pas aimer ni vivre. Il est la plus belle pièce de l'Univers et pour moi il est l'Univers. Francesco, super mec, je suis amoureux de toi pour l'éternité!" D'Macho et Crosse [leurs noms de scène] travaillent dans l'industrie pornographique en Californie et en Espagne. Leur mariage n'est pas une fiction.

Ils n'auraient pas pu s'unir en Californie puisque la Cour suprême de cet État a maintenu le résultat du référendum interdisant les mariages entre personnes du même genre. Certains jugeaient que cette interdiction, passée au vote le 4 novembre dernier en même temps que l'élection présidentielle, était anticonstitutionnelle. La Cour en a décidé autrement.

A ce sujet, le journaliste Sandip Roy -- qui avait quitté l'Inde pour s'installer en Californie et vivre librement sa vie de gay -- écrit dans Salon:
"Lorsque j'ai décidé de déménager à San Francisco, ma tante en Inde m'a averti: Sois prudent, c'est plein d'homosexuels, et il y a des tremblements de terre!" Aujourd'hui, poursuit-il, un petit pays conservateur comme le Népal envisage de légaliser le mariage entre personnes du même sexe. Il y a peu, les Maoïstes népalais prétendaient encore que l'homosexualité était un phénomène bourgeois. En 2008, le premier ministre (maoïste) a envoyé Sunil Pant -- fondateur du premier groupe gay népalais et membre du parlement -- à New York, pour signer la résolution de l'ONU appelant à une décriminalisation de l'homosexualité dans le monde. (Les Etats-Unis n'ont pas signé.)

Mais le Népal traverse de nouveau une crise; la plus jeune démocratie du Sud-Est asiatique se cherche. On ne sait pas si les acquis sociaux, notamment l'égalité de traitement pour les gay, seront perdus. Pourtant, selon le journaliste indien qui se trouvait à Katmandou au début du mois, ce ne sera qu'un recul momentané. Et dans quelques années, sa tante lui dira: "Ne déménages pas à Katamandou, c'est plein de Maoïstes et de gay!"

Ulysse