mercredi 12 janvier 2011

Mangas SM: des positions obscènes, pourtant c'est une initiation

Prisonnier de guerre.
Alors que la bande dessinée occidentale suit une narration plan-plan de case en case [c'est pourquoi elle est si chiante, à mon goût], le manga japonais ordonne ses pages une à une comme des tableaux chargés d'émotions qui saisissent le lecteur-spectateur aux tripes. Le manga se distancie ainsi du roman pour devenir un moyen d'expression à part... Débordant de violence et de sexe, les albums de Gengoroh Tagame me paraissent néanmoins très loin de la simple pornographie qui, elle, ne se soucie pas de sens profond. Car, au-delà de l'excitation que les images peuvent procurer à ceux que les malabars poilus allument, on entrevoit ce que le dessinateur nous raconte du Japon, du malaise personnel et politique de ses compatriotes qui n'ont pas achevé l'examen de leur passé (seuls les Allemands s'y sont vraiment crochés après la IIe Guerre mondiale); ils vivent à califourchon entre les règles et coutumes anciennes et leur super-modernité.

Un proverbe japonais dit que lorsque le crapaud ouvre sa bouche, on voit tout ce qu'il a au fond du ventre. Fin malin, Gengoroh Tagame reste très secret dans cette interview.



Yakusa bear: membre de la mafia.
Dans le blogue de Libé Les 400 culs consacré le 29 avril 2009 à Gengoroh Tagame, Agnès Giard écrivait: "À l'ombre de ses mythiques ancêtres, il apprend à aimer les vertus du sacrifice, le don de soi jusque dans ses plus ultimes conséquences. Ce qui donne à ses bandes dessinées toute leur puissance, voire leur violence: Gengoroh Tagame publie dès 1986 des récits d'initiation hardcore, qui mettent systématiquement en scène les épreuves qu'un homme accepte de traverser, par amour pour son seigneur et maître." Ses personnages, les "voilà réduits à l'état de prises de guerre, jouets sexuels entre les mains de leurs aînés ou de leurs ennemis. Au Japon, nous avons appris à tirer parti des épreuves, explique Gengoroh. C'est peut-être la caractéristique première de notre culture: l'art de s'adapter à un environnement hostile."

Et ces épreuves, autant initiatiques qu'expiatoires, permettent aux participants qui s'y donnent à fond de dépasser la douleur en entrant dans la zone secrète du plaisir. Pour y découvrir, peut-être, un nouvelle voie existentielle. Librement choisie, la torture du SM est une école de vie; certains y trouvent leur libération, d'autres un enfermement encore plus grand. L'argent, cet autre grand poison, offre également la possibilité de s'émanciper ou de s'enfoncer -- aux esclaves de devenir maîtres de leur destin, comme aux possédants de se faire finalement posséder. Voilà ce que l'on peut lire, entre beaucoup d'autres choses, derrière les traits précis du dessin.

André

5 commentaires:

Zak a dit…

Pas sûr d'avoir compris ce qui m'attire et répulse dans le SM, mais Gengoroh Tagame est trop cool. On dirait jamais qu'il dessine de pareilles histoires.

François a dit…

Les mangas trouvent aussi leur inspiration dans les estampes, un sommet de l'art japonais.

7unfait a dit…

Je lis aujourd'hui que les ados japonais se désintéressent du sexe: 36% des garçons et 58% des filles de 16 à 19 ans. Et chez les couples plus âgés 40% affirment n'avoir pas eu de rapport sexuel durant le mois précédant l'enquête. Par contre ils sont studieux et préoccupés par leur profession. Qu'est-ce qu'il leur faut à ces robots pour leur redonner le goût de la vraie vie?

Orion a dit…

j'aime beaucoup les mangas de cet artiste; j'en ai plusieurs à la maison :)

Damstounet a dit…

Son travail a l'air intéressant. À découvrir.

À zak, tu sais ce qu'on dit : c'est toujours ceux qui n'en ont pas l'air qui le sont le plus... lol

À 7unfait, " Chacun trouve son plaisir... là où il le prend ! " (Jules Renard).