dimanche 27 février 2011

Beefcake: la sexploitation des corps de mecs

Si vous n'avez jamais goûté de cheesecake, gâteau de fromage frais et gélatine sur fond de biscuit, vous connaissez pourtant l'autre sens de ce terme: photo de pin-up girl. L'équivalent au masculin est le beefcake. La recette est implicite dans les photos alentour.

Les deux genres sont apparus dès l'invention de la photographie il y a 170 ans. J'en parle souvent dans mes billets car chaque époque me fascine. Ici, nous sommes aux États-Unis, une centaine d'années plus tard. La couleur commence à s'imposer, avec les bleus intenses du Kodachrome et de l'Ektachrome, et les bronzages virant brique.

En Californie, à Chicago, à New York, des admirateurs de la plastique mâle se lancent dans l'industrie artisanale de la photo de nu ou presque nu. Ils vendent des fascicules noir/blanc et des tirages photo. Les jeunes musclors sont revêtus d'un cache-sexe mini. Sinon, on le peint sur la photo; ce qui laisse entendre aux amateurs prêts à y mettre les moyens qu'ils peuvent se procurer un "original".

Ce commerce vit de la vente par correspondance la plus discrète possible; et il emprunte les allures sportives du bodybuilding. Aux USA, toute pratique homosexuelle est interdite jusqu'en 1967 (elle a été dépénalisée en Suisse en 1942, en France en 1981). Et l'envoi de matériel "obscène" est dénoncé par la Poste américaine, réprimé par le FBI. Bob Mizer qui éditait la petite revue Athletic Model Guild -- avec des cache-sexes --, a pourtant passé six mois dans une ferme-prison de Californie en 1947. La Poste saisissait régulièrement les documents envoyés à l'Institute for Sex Research d'Alfred Kinsey. Une société "puritaine" ne conçoit pas qu'on "exploite" le corps masculin; alors qu'elle le pratique sans problème avec le féminin.

Pas besoin de cache-sexe.
Les gars qui posaient pour ces photos étaient recrutés dans les salles de culturisme et les bars. Beaucoup étaient soldats ou marins et arrondissaient leur pécule en acceptant des passes avec des homosexuels. Les photos créaient une demande. C'est ce qu'on appelle aujourd'hui gay for pay, gay pour de le fric. Cette posture mérite un billet. Une autre fois.

André

vendredi 25 février 2011

De jeunes mecs donnent leur sperme pour leurs camarades

Expert en fertilité humaine.
Un don du sperme vient de susciter de vives réactions en Grande-Bretagne. Le Lord et expert en fertilité humaine qui en est la cause s'est expliqué lundi dans The Times. Lord Winston, Robert de son prénom, compte parmi les volontaires qui donnent des cours à la Jamie's Dream School, une école fondée par le génial cuisinier Jamie Oliver.

Jamie Oliver, cuisinier millionnaire.
Génial 1) parce qu'il essaie de tirer la cuisine anglaise de son néant en instillant aux Brits des habitudes plus saines; 2) il s'adresse aussi avec succès aux enfants; 3) et tente de réformer les cantines scolaires américaines; 4) parce qu'il a lancé un concept de rattrapage pour les jeunes Anglais qui quittent l'école à 16 ans (47% d'entre eux) en n'ayant presque rien acquis des bases indispensables, comme cela s'est produit pour lui à cet âge. L'éducation traditionnelle n'ayant pas éveillé ces ados en difficulté, Jamie Oliver a fait appel à des enseignants non-conformistes et de haut niveau.

Lord Winston en fait partie. Avant sa leçon, il avait demandé à des volontaires de 17 et 18 ans de fournir un peu de leur propre sperme, avec le consentement écrit des parents, et de l'apporter au laboratoire de l'école. Un expert avait examiné chaque échantillon pour s'assurer qu'il était de bonne qualité. Durant la projection des images (produites par le microscope) du sperme encore vivant des donneurs anonymes, toute la classe était passionnée. Chahuteurs habituellement, ces ados apprenaient qu'il suffit d'un spermatozoïde et d'un ovule pour assurer la conception, alors que l'homme produit des millions de spermatozoïdes. Et qu'un mec en bonne santé en éjacule des quantités qui sont en mauvaise forme. "Mes jeunes étudiants ne portaient aucun intérêt à la science simplement parce qu'ils n'avaient jamais eu l'occasion de faire des expériences pratiques en classe," relève Lord Winston, qui ajoute: "En Europe, la Grande-Bretagne connaît l'un des taux les plus élevés de grossesses durant l'adolescence. Ma leçon a permis d'éveiller les jeunes à leurs responsabilités, et de leur faire mieux comprendre la science de la reproduction."
Ann Widdecombe.

Les critiques: "Il a encouragé des habitudes immorales", "C'est de très mauvais goût". Ancienne membre du Parlement, la Conservatrice Ann Widdecombe est montée aux barricades. Ministre des prisons, elle s'était prononcée en faveur du maintien des menottes et des chaînes pour les prisonnières enceintes devant se rendre à la maternité. Anti-avortement et négationniste concernant les changements climatiques, cette célibataire s'est aussi convertie au catholicisme (comme  Blair) pour protester contre l'ordination des femmes dans l'Église anglicane... Musulmane, elle prêcherait l'excision de toutes les Anglaises. Il ne leur manquerait plus que ça.

André

mercredi 23 février 2011

Les bordels de garçons: très fréquentés à l'époque victorienne

Télégraphiste le jour, gigolo la nuit.
Évoquez l'époque victorienne: vous pensez aux pieds de tables et chaises recouverts de tissu pour chasser les pensées lubriques... Pourtant la reine Victoria (1819-1901, 63 ans de règne) était  chaudement éprise de son cousin et mari Albert, prince de Saxe-Cobourg-Gotha, qui la laissa veuve trop tôt, avec neuf enfants. Il était très bien monté, dit-on, et l'anneau qu'on insère dans le gland lui doit son nom (il en portait un). Leur descendance de 42 petits-enfants s'est répandue sur dix maisons royales d'Europe. Il y a eu beaucoup de lesbiennes et d'homos parmi eux. Notamment leur petit-fils Albert-Victor (1864-1892), entouré de mystères et de scandales qui fréquentait les bordels de garçons. Leur petit-fils Edward VIII, roi durant l'année 1936, qui se faisait consoler de ses déboires avec les hommes par des dames mariées et se disait fasciné par le nazisme.

Plusieurs membres de la famille Windsor actuelle ont la réputation de ne pas cracher sur les amours masculines, ouvertement ou en cachette. C'est peut-être la raison pour laquelle la reine n'est pas pressée de transmettre sa couronne à qui de droit...

Dans un livre Pleasure Bound: Victorian Sex Rebels and the New Eroticism paru la semaine dernière (chez Norton), Deborah Lutz, prof de littérature et culture victorienne à l'Uni de Long Island, décrit comment des artistes, des voyageurs et des intellectuels de cette époque ont fait évoluer la perception de la sexualité en explorant ses zones liminaires et en reflétant dans leurs oeuvres la vie érotique qui se développait derrière la façade de respectabilité.


L'érotomanie victorienne était teintée de sadomasochisme. À travers l'Angleterre, les bordels offraient très légalement de la chair fraîche, voire très jeune -- l'exploitation du labeur des petits ouvriers était généralisée -- aux amateurs de femmes ou d'hommes. Les maisons les plus populaires offraient une spécialité: le fouet. Les mecs allaient se faire tanner par des femmes autoritaires ou de jeunes officiers. Ils en avaient pris le goût (ou le besoin) à l'école et jusque dans les universités, comme Eton, où les élèves étaient punis à coups de verges de bouleau appliqués sur leurs fesses dénudées, en présence de leurs camarades...
Albert Victor

Le personnel masculin des bordels était recruté parmi les télégraphistes de la Poste qui distribuaient les télégrammes à domicile; ils passaient la journée sur leur bicyclette, ce qui musclait leurs cuisses. D'autres employés étaient choisis dans l'armée ou la marine. Ils occupaient leurs nuits à ôter et remettre leur uniforme pour faire bander et s'agenouiller leurs clients. La drague était courante dans certains lieux de la ville; on levait un partenaire ou un prostitué et on faisait l'affaire dans une impasse sombre. Rien de nouveau sous la lune!

André

lundi 21 février 2011

Les gars, mettez vos kiwis à l'abri: la neige revient!

Soldats sud-coréens en stage intensif le mois dernier.
Ces jours-ci, la neige tombe par petites touches  jusqu'à 600 mètres d'altitude, mais le jardin sous mes fenêtres est épargné, car il est situé à 450 m environ. Et bien protégé puisqu'y poussent même des figues et des kiwis. Actuellement, les perce-neige et les pensées sont en fleurs, les jonquilles les plus abritée en boutons.

Et je me réjouis de pouvoir bientôt ramasser du pissenlit pour la salade.

Heureusement, les fragiles crocus sauvages n'ont pas été déshabillés par la neige. À leur sujet, je ne peux m'empêcher d'évoquer le jeu de mot préféré lorsque j'étais enfant: les croque-culs-ses. Je le prononçais à haut voix, mais pas trop près des oreilles de notre mère qui avait l'habitude de nous frotter la langue avec du savon de Marseille lorsque nous disions des "vilains mots".

Ouverture devant et derrière.
Je suis sûr d'y avoir passé pour un "quelle connerie" quelconque, entendu et aussitôt répété à cause de son caractère sonnant et pétant. Sans savoir ce que cela signifiait, ni à quoi cela faisait référence... Mais, n'est-ce pas, l'inconscient travaille à l'insu de notre plein gré et c'est sûrement au moment de ce savon que s'est décidée mon orientation sexuelle irrémédiable.

À propos, les gars, la neige revient. Gardez vos kiwis au chaud! S'ils gèlent, ils sècheront puis tomberont. Mais ne repousseront pas comme les fruits qui pendent au-dessus de ma fenêtre.

André

samedi 19 février 2011

Le Berlin homo des années 30: Wilkommen, bienvenue, welcome!

"Christopher et Heinz", téléfilm.
Un peu de culture, les gars! Culture qui nous appartient en propre. Demain dimanche, soirée thématique sur Arte. Le Berlin des boîtes à garçons des années trente, tel que l'a vécu l'anglo-américain Christopher Isherwood. (Cet écrivain me tient à coeur -- je l'ai déjà mentionné au sujet du film Un homme au singulier [cliquez si vous voulez] -- parce qu'il m'a montré un chemin dans mes années de jeunesse.) Pour vous mettre dans l'ambiance des chansons de l'époque, Arte propose en prélude Max Raabe und Palast Orchester à 19h15: c'est plein d'humour pince-sans-rire et de nostalgie. Puis viendra l'indémodable Cabaret à 20h40, interprété par Liza Minelli, Michael York et Joel Grey. Enfin, à 22h40: un téléfilm anglais inédit, tourné l'an dernier, Christopher et Heinz (Christopher and his Kind en anglais, titre d'un récit d'Isherwood qui s'étend de 1929 à 1939 et signifie "Christopher et les gens de son espèce").

Berlin: 17 Nollendorfstrasse.
Le téléfilm retrace la vie d'Isherwood à Berlin. Comment ce jeune prof d'anglais, futur écrivain, qui a fui l'Angleterre pour trouver l'inspiration et vivre librement son homosexualité ("I went because of the boys"), rencontre la chanteuse et chercheuse d'or qui deviendra Sally Bowles dans le roman Adieu à Berlin et dans Cabaret, ainsi que d'autres personnages dont le destin va basculer avec l'arrivée des nazis au pouvoir. Accompagné de son comparse le poète Wystan Hugh Auden, Isherwood fréquente les bars berlinois et tombe amoureux du jeune Heinz. Le Cosy Corner à la Zossernerstrasse. Et le Kleist Casino à la Kleiststrasse (le bar gay le plus ancien d'Europe, dit-on) qui a réouvert ses portes après la guerre (j'y ai passé une soirée en 1966, à la fin d'un long voyage). En 2002, le Kleist est devenu le Bull.

1938. Isherwood et Auden: direction Chine.
Lorsque la situation en Allemagne devient intenable, Isherwood et Auden fuient. En 1938, ils se rendent en Chine et publient ensemble Journal de Guerre en Chine. Émigré aux États-Unis pendant la guerre, Isherwood, 48 ans, rencontrera Don Bachardy, 18 ans, sur la plage de Santa Monica. Ils resteront un couple jusqu'à la mort de l'écrivain. Il fallait un féroce courage, dans les années 50 et 60, pour défier ouvertement le milieu homophobe de Hollywood dans lequel évoluaient l'écrivain-scénariste et son jeune amant peintre. Les autres homosexuels sortaient en public avec des "fiancées"...

La soirée gay d'Arte se terminera par Mille baisers pour le Teddy à 0h15, retransmission différée de la cérémonie de clôture de la section Panorama de la Berlinale, où concourent des films LGBT depuis 25 ans.

André

mercredi 16 février 2011

La capote, le taureau et le droit universel au sexe sans risque

Ces derniers jours, j'ai vu plusieurs documentaires concernant l'élevage des animaux de rente dans les grandes exploitations. Le confinement des poulets et des truies. La castration à vif des porcelets. La récolte du sperme de taureau et les méthodes pour exciter l'animal afin qu'il produise une quantité maximum de semence à chaque éjac. La traite automatisée des vaches qui viennent prendre elles-mêmes place sur un carrousel.

Certaines de ces images reviennent forcément à l'esprit aux moments les plus incongrus. Lorsque vous cassez des oeufs pour préparer une omelette baveuse, ou que vous plantez le couteau dans la chair rosée d'un steak. Mieux encore: quand vous troussez une fine capote sur votre organe tumescent. À cet instant, vous pensez d'abord au puissant taureau dont on détourne le jet dans un long fourreau. La comparaison n'est pas à votre avantage. Vous vous consolez parce que l'acte n'a duré que quelques secondes, tandis que vous... Catastrophe, en revanche, si vous pensez à la succion machinale des pompes sur les tétons des vaches!

En ce XXIe siècle, les végétaliens peuvent jouir dans leur capote en toute bonne conscience. Car: 1) une alimentation équilibrée sans produits carnés augmente la production de testostérone, l'hormone mâle par excellence [les taureaux aussi sont végétariens]; 2) il existe des préservatifs sans caséine, même si la plupart d'entre eux contiennent cette phosphoprotéine du lait de vache, utilisée comme agent fixatif dans la fabrication du latex. Les végétaliens [qui renoncent à tout produit d'origine animale (y compris beurre, fromage, oeufs...)] ne sont plus condamnés à l'abstinence, à la monogamie éternelle, ni à l'exercice hasardeux de la rétention spermatique taoïste. Non! Des fabricants fair trade produisent des capotes végétaliennes, biologiques, éthiques. La caséine est remplacée par un extrait de chardon bio; les ouvriers des plantations d'hévéa reçoivent un salaire équitable; et, comble de bonheur, les saveurs dont sont enduits ces capuchons proviennent d'extraits de fruits biologiques.

Un distributeur américain va plus loin encore: pour chaque condom vendu sous sa marque, il en fait distribuer un autre gratuitement dans un pays défavorisé. Parce que, dit-il, le sexe sans risque est un droit humain fondamental dont ceux qui n'ont pas les moyens de s'acheter des présés devraient pouvoir bénéficier, autant que nous autres.

André

dimanche 13 février 2011

Le livre des torturés, des disparus et des morts égyptiens

«Les portes du ciel se sont ouvertes pour moi, les portes de la terre se sont ouvertes [...] Celui qui me gardait m'a délié [...] J'ai de nouveau l'usage de mon coeur, [...] l'usage de mes bras, l'usage de mes jambes, l'usage de ma bouche, l'usage de tous mes membres et je peux profiter de l'eau, bénéficier de la brise, du fleuve, me libérer de ceux et celles qui agissaient contre moi dans l'empire des morts, des ordres édictés contre moi sur terre [...] Je me soulève sur mon côté gauche et je me mets sur mon côté droit; je me soulève sur mon côté droit et je me mets sur mon côté gauche. Je m'assieds, je me lève, je secoue ma poussière. Ma langue et ma bouche sont des guides habiles. Celui qui connaît ce livre, il peut sortir au jour et se promener sur terre parmi les vivants...»
 
J'ai choisi cette citation du Livre des Morts -- rouleau de papyrus que les vivants déposaient dans les tombes égyptiennes il y a plus de 4000 ans -- et ces peintures sur bois qui datent du début de notre ère pour honorer les centaines et centaines de personnes qui ont été tuées par balles ces derniers jours dans les rues et les prisons d'Égypte. Pour évoquer les très nombreuses détentions arbitraires, souvent accompagnées de torture, ainsi que le drame des personnes disparues que recherchent leurs familles. Au détour de la liesse populaire: les sacrifiés.
Portrait de deux amants trouvé à Antinoë (vers 130 a.d.),
ville que l'empereur Hadrien avait construite en l'honneur de son éphèbe favori,
Antinoüs, noyé dans le Nil. 

Préservés grâce à la sécheresse du désert, les tableaux découverts dans les tombes de la région du Fayoum et d'Antinoë nous offrent les plus anciens portraits de l'Antiquité. Un reflet de la société des trois premiers siècles de notre ère où les Romains, les Grecs, les Bithyniens, les Syriens et les Libyens se mêlaient à la bourgeoisie urbaine égyptienne. Peints à la détrempe ou à l'encaustique (sur du bois de sycomore, tilleul, figuier, chêne ou hêtre), les portraits étaient déposés dans les sarcophages. Sortis de leur grand sommeil, ces visages nous regardent droit dans les yeux. Ils nous disent qu'ils ont vécu comme nous sur cette terre et que la vie était précieuse alors, comme elle l'est aujourd'hui.

André

vendredi 11 février 2011

La boule à zéro, les boules en danger, le chibre aussi

Cette publicité n'a pas été acceptée pour la diffusion du Super Bowl à la télé américaine.



Un casque remplace la lame et le miroir.


Ce détecteur décèle les bombes à retardement.



Et heureusement qu'il y a You Tube!

mercredi 9 février 2011

Le pasteur Haggard et la rage des intégristes américains

À la fin du précédent épisode [ci-dessous], le prédicateur christianiste Ted Haggard estime qu'il est bisexuel. La suite dira s'il maintient sa position ou s'affirme gay. (Le portable de son épouse est muni d'un gadget qui lui permet de le traquer par GPS.) En fait, son orientation ne devrait concerner que ses proches. Mais il a attaqué publiquement les homosexuels au cours d'une campagne politique violente, ne respectant ni la séparation de l'Église et de l'État inscrite dans la Constitution des États-Unis, ni la parole de Jésus: "Rendez à César [à l'État] ce qui est à César" (Matt. 22,21). Ce faisant, il a abusé de sa position de leader fondamentaliste et renforcé le sentiment de rejet des jeunes croyants gay. Et, après sa déchéance, il ne leur a pas clairement demandé pardon pour la souffrance et les drames familiaux qu'il a causés.

"Matteo": trois photos de Brenton Parry.
Depuis la présidence de Georges W, les christianistes (protestants fondamentalistes, intégristes) ont pris la haute main dans la direction du parti républicain. Leur conduite ressemble à celle de Bush lui-même; ils se comportent comme des personnes affectées par des années d'alcoolisme: ils sont bourrés de phobies, d'animosité, de violence; leur mythomanie est irréductible. Face à eux, on ne peut plus réagir en politicien car ils dysfonctionnent gravement. La conduite honorable des affaires du pays leur est devenue étrangère. Ils ne pensent qu'aux intérêts du clan et, derrière leur sainteté apparente, sont obsédés par la sexualité, la pornographie et l'existence des gay. Il ne supportent pas l'égalité entre femmes et hommes -- pas plus qu'entre hétéros et homos -- et puisent dans la bible de quoi la réprimer. Gros consommateurs de pornographie en cachette, beaucoup sont bi ou gay et le camouflent dans des mariages bancals. Et la rage de ces impuissants de l'éros est à son comble lors des manifestations dites de "fierté" gay.

Comme la droite populiste en Europe, les christianistes ricains ont l'effort intellectuel en horreur. L'analyse de l'histoire, des mouvements politiques et des religions leur paraît superflue pour exercer le pouvoir. Ceux d'en face qui s'instruisent forment à leurs yeux une élite (insulte dans leur bouche) antipatriotique prête à vendre le pays aux socialistes (communistes) et aux terroristes. Comme des malades mentaux, ils voient des complots partout. Leur monde infantilisé opère sur le mode binaire, le bien contre le mal, le ciel et l'enfer, le salut ou la damnation éternelle, ceux qui sont avec nous et ceux qui sont contre. Les ennemis qu'ils veulent abattre sont les mêmes que ceux du FN en France ou de l'UDC en Suisse (complétez à votre guise): la gauche, les "libéraux", les féministes, les "islamistes", les gens de couleur, les homosexuel/le/s. Nous sommes leurs boucs émissaires -- plutôt mille fois qu'une. Imaginez, par exemple, une lesbienne qui serait socialiste, féministe, africaine et musulmane et aurait avorté après un viol...

Dites-moi: d'où vient leur panique, pourquoi refusent-ils de se soigner, pourquoi s'empêchent-ils de cueillir les bonheurs de la vie présente?

André
-- Brenton Parry, graphiste et nudiste, expose actuellement ses photos dans une galerie de Chippendale, une banlieue de Sydney. Son blogue Aussielicious figure sur la toile depuis 2005.

dimanche 6 février 2011

Carrière brisée pour quelques gouttes de sperme et beaucoup de tartuferie

Le pasteur évangélique au sommet de sa gloire.
Parfois la main de Dieu dans la vie d'un pasteur vedette se fait aussi pressante que celle du masseur érotique lors des finitions. Et ça gicle! Le jeune Ted Haggard projetait d'étudier le journalisme dans une université laïque. Son père avait décidé de l'envoyer dans une université fondamentaliste protestante et, pour le convaincre, lui a offert un coupé Pontiac LeMans avec sièges en cuir blond. Cela rejoignait le plan de Dieu puisque Celui-ci apparut à Ted un soir sur le parking, le persuadant de devenir prédicateur.

Vingt-deux ans plus tard à Colorado Springs, marié à Gayle(!), cinq enfants, Ted Haggard est à la tête d'une mégaparoisse qui a coûté $50 millions et compte 10'000 membres. Il préside The National Association of Evangelicals qui représente 30 millions d'Américains. Il est en contact régulier avec la Maison Blanche ("Le seul désaccord entre George W. et moi porte sur le choix d'un pickup; lui est Ford, moi Chevrolet"). Il soutient aussi la campagne des Républicains pour inscrire l'interdiction du mariage gay dans la constitution du Colorado. On est en 2006 et Mike Jones -- le masseur auquel le pasteur rend visite depuis trois ans pour se faire masturber ($200 cash, plus pourboire) et s'approvisionner en amphéts -- découvre que son client "Art" est en réalité le prédicateur qui mène campagne contre les homos. Conflit: son métier est fondé sur la discrétion, mais Mike est aussi un militant gay. Il dénonce l'hypocrisie de Ted Haggard dans les médias et bousille en même temps sa propre carrière.

Opération "famille unie" pour le magazine: enfants pris en otages.
Ted Haggard nie en bloc. Puis admet par bribes. Et se fait jeter de la paroisse qu'il a fondée. Tout cela dans la honte des confessions publiques dont l'Amérique a le secret -- Bill Clinton n'y a pas échappé; pour quelques gouttes de sperme. L'épouse du pasteur le suit dans la disgrâce, comme elle l'avait fait dans la gloire. Son livre Pourquoi je suis restée l'explique: "On ne peut pas jeter les gens parce qu'ils ont péché, car ils sont valables aux yeux de Dieu, Il les aime". La famille s'exile. Ted suit une thérapie de trois semaines qui met en évidence: 1) qu'il a été abusé à l'âge de 7 ans, 2) qu'il est complètement hétéro.
Mike Jones, le masseur du pasteur.

Dans son édition US de février 2011, le magazine GQ publie une interview de Ted Haggard. Le pasteur a ouvert une nouvelle paroisse dans le voisinage de l'ancienne. Il maintient, comme le faisait Clinton, qu'il n'a jamais eu de relation sexuelle avec son masseur. (Entre temps, un jeune paroissien a déclaré que Ted s'était masturbé devant lui en 2006 et a reçu $180'000 pour la boucler.) Enfin, Haggard affirme: "Si j'avais 21 ans dans la société d'aujourd'hui, je m'identifierais comme bisexuel." Il ajoute que sa femme et lui vivent un existence normale. "Parce que j'ai 54 ans, des enfants, et une conviction spirituelle, je peux marquer des limites dans ma vie. Comme un hétérosexuel qui n'aura pas une relation avec toutes les femmes qui lui plaisent, je puis être celui que je suis et n'avoir de sexe qu'avec mon épouse, tout en étant parfaitement satisfait."

Citation: "Que celui d'entre vous qui est sans péché lui jette la première pierre." (Év. selon Jean 8.7)

André

vendredi 4 février 2011

Le Suisse tire deux coups, sinon rien

...excuser l'usage exceptionnel de...
Pour protéger les frontières contre l'envahisseur allemand, mon père a participé à deux mobs (mobilisations). Il avait 19 ans en 1914, 44 en 1939 (et moi trois). Grâce à la puissance incontestée de son armée, la Suisse est restée invaincue durant le siècle dernier. Ce 13 février 2011, les Helvètes -- du moins celles et ceux qui se rendent aux urnes -- diront s'ils veulent prolonger la coutume de planquer leur arme militaire à domicile.
Les lecteurs de ce blogue voudront bien...

Enfant, lorsque mon père n'était pas sous les drapeaux, il m'arrivait d'ouvrir le placard où il rangeait son arme, les munitions, le paquetage et ses habits militaires. Ces derniers ne me faisaient pas rêver: mal taillés (fond de pantalon assez ample pour emporter trois jours de ravitaillement), dans un tissu rugueux similaire au modèle allemand, d'où le danger d'être pris pour l'ennemi -- faut-il encore prouver l'imbécilité des fashion designers et des stratèges militaires? Le fusil me fascinait avec son garde-main et sa longue poignée en bois un peu plus clair que les cigares de papa, avec ses parties métalliques bien graissées, du canon jusqu'à la détente, en passant par la boîte de culasse. Mais, bondiou, qu'il était lourd! Un détail encore: je n'avais aucune idée à quoi pouvait servir un fusil, si ce n'est à signaler la spécificité bien virile du soldat. Durant ces deux guerres, les mâles helvètes n'ont jamais tiré sur une cible humaine. Mais ils avaient une arme à la maison, toujours prêts à intervenir illico.

...porno hétéro pour l'illustration.
Mon père a souvent raconté ce mythe fabriqué pour booster le moral des troupes. Peu avant la Première Guerre, l'Empereur Guillaume II, en visite officielle, assiste à des manoeuvres militaires. Il s'adresse à un soldat: "Vous êtes un fin tireur et votre armée compte près de 300'000 hommes; mais que feriez-vous si j'envoyais le double de soldats allemands pour envahir la Suisse?" Le soldat répond du tac au tac: "Nous tirerions deux coups!" À la fin de l'histoire, je demandais immanquablement à papa: "Mais alors, pourquoi as-tu plus de deux balles dans ta cartouchière?" Il répondait immanquablement: "Shut up, you chatterbox!" (ferme-la, moulin à paroles!). Il était né de l'autre côté de la Manche.

À lire les pauvres arguments des politichiens et politichiennes (eh oui, elles aussi!) qui combattent le projet de ranger toutes les armes militaires dans les arsenaux, je me dis qu'ils sont bien peu sûrs de leur manche (ou celui de leur mari) s'ils ont besoin de ce symbole phallique dans leur placard. D'autant plus si c'est pour ne tirer que deux coups...

André

mercredi 2 février 2011

Western fumetti: où les héros éjaculent plus loin que leur ombre

Indien Lakota à la douche.

On a connu d'excellents westerns spaghetti. Le dessinateur et plombier italien Mauro Padovani s'est lancé dans le western fumetti; son album Winter's Moon a été publié en septembre dernier par l'éditeur français H & O. Les fumetti sont les petites fumées, les bulles des bd. L'action se déroule chez les indiens Lakota où il n'est pas question pour Lune d'Hiver, le fils du chef de tribu, de déclarer à son père qu'il est amoureux de David, un visage pâle... Je suis arrivé à Le frontiere dei martiri, le site Mauro Padovani, en surfant d'un blogue gay à l'autre. Le dessinateur participe actuellement à une exposition collective intitulée San Sebastiano qui se tient jusqu'au 26 février à l'espace art de la boutique gay Pier Pour Hom (librairie, sous-vêts, sex toys) à Milan.
Fatboy LA en saint Sébastien.

Le saint Sébastien que j'ai choisi est un hommage que Padovani rend à un certain Bill de Los Angeles, alias FatboyLA, mort en avril dernier à l'âge de 43 ans. Bill, 123kg pour 173cm, avait exercé successivement les professions de routier, puis de couvreur. Durant son temps libre, il faisait l'acteur dans des pornos gay, au rayon ours joufflus. Ses amis ours le regrettent beaucoup, foi de Fessebook.

Poursuivant ma pollinisation croisée sur la toile, j'ai découvert un "éditeur iconoclaste", le Français H & O, au Triadou, qui publie des bd et mangas gay (dont Winter's Moon), ainsi que des romans de même orientation, de la poésie et... des études sur "l'athéisme", dont La Construction de Jésus (aux sources de la religion chrétienne) de l'historien des religions américain Bart Ehrman. Vulgarisateur apprécié -- ou détesté -- Ehrman se pose la question de la souffrance dans le monde, la théodicée, depuis sa jeunesse. [Théodicée: "Justification de la bonté de Dieu par la réfutation des arguments tirés de l'existence du mal".] Il a cru trouver la réponse en adhérant à la foi protestante évangélique et en devenant pasteur. Mais sans arriver à se convaincre. Comment ce Dieu qui prétendait aimer l'humanité -- d'après ce qu'en disait ses prophètes -- pouvait-il tolérer les catastrophes, les guerres et les exterminations, la malnutrition et la mort des enfants? Ces épreuves avaient-elles un pouvoir rédempteur?
Winter's Moon.

Ehrman a quitté le milieu fondamentaliste pour s'engager dans des études universitaires plus fouillées. Il a écrit plusieurs ouvrages sur les chrétiens des deux premiers siècles et mis le doigt sur les contradictions qu'offrent les sources concernant la construction du christianisme. Il s'agit d'une période passionnante; les recherches d'Ehrman (aujourd'hui agnostique) et d'autres auteurs nous permettent de mieux saisir d'où nous venons cultu(r)ellement... Voilà comment, en errant sur la toile, on passe du porno à la théodicée, le coeur battant et la curiosité toujours plus affûtée.

André