vendredi 4 février 2011

Le Suisse tire deux coups, sinon rien

...excuser l'usage exceptionnel de...
Pour protéger les frontières contre l'envahisseur allemand, mon père a participé à deux mobs (mobilisations). Il avait 19 ans en 1914, 44 en 1939 (et moi trois). Grâce à la puissance incontestée de son armée, la Suisse est restée invaincue durant le siècle dernier. Ce 13 février 2011, les Helvètes -- du moins celles et ceux qui se rendent aux urnes -- diront s'ils veulent prolonger la coutume de planquer leur arme militaire à domicile.
Les lecteurs de ce blogue voudront bien...

Enfant, lorsque mon père n'était pas sous les drapeaux, il m'arrivait d'ouvrir le placard où il rangeait son arme, les munitions, le paquetage et ses habits militaires. Ces derniers ne me faisaient pas rêver: mal taillés (fond de pantalon assez ample pour emporter trois jours de ravitaillement), dans un tissu rugueux similaire au modèle allemand, d'où le danger d'être pris pour l'ennemi -- faut-il encore prouver l'imbécilité des fashion designers et des stratèges militaires? Le fusil me fascinait avec son garde-main et sa longue poignée en bois un peu plus clair que les cigares de papa, avec ses parties métalliques bien graissées, du canon jusqu'à la détente, en passant par la boîte de culasse. Mais, bondiou, qu'il était lourd! Un détail encore: je n'avais aucune idée à quoi pouvait servir un fusil, si ce n'est à signaler la spécificité bien virile du soldat. Durant ces deux guerres, les mâles helvètes n'ont jamais tiré sur une cible humaine. Mais ils avaient une arme à la maison, toujours prêts à intervenir illico.

...porno hétéro pour l'illustration.
Mon père a souvent raconté ce mythe fabriqué pour booster le moral des troupes. Peu avant la Première Guerre, l'Empereur Guillaume II, en visite officielle, assiste à des manoeuvres militaires. Il s'adresse à un soldat: "Vous êtes un fin tireur et votre armée compte près de 300'000 hommes; mais que feriez-vous si j'envoyais le double de soldats allemands pour envahir la Suisse?" Le soldat répond du tac au tac: "Nous tirerions deux coups!" À la fin de l'histoire, je demandais immanquablement à papa: "Mais alors, pourquoi as-tu plus de deux balles dans ta cartouchière?" Il répondait immanquablement: "Shut up, you chatterbox!" (ferme-la, moulin à paroles!). Il était né de l'autre côté de la Manche.

À lire les pauvres arguments des politichiens et politichiennes (eh oui, elles aussi!) qui combattent le projet de ranger toutes les armes militaires dans les arsenaux, je me dis qu'ils sont bien peu sûrs de leur manche (ou celui de leur mari) s'ils ont besoin de ce symbole phallique dans leur placard. D'autant plus si c'est pour ne tirer que deux coups...

André

2 commentaires:

Maxime a dit…

L'arme à la maison, c'était valable au siècle dernier lorsque les soldats devaient être à pied d'oeuvre dans la journée en cas d'attaque. Aujourd'hui, le niveau d'instruction familial, scolaire et militaire est en moyenne si bas dans le domaine de la sécurité, sans parler de la criminalité popularisée chaque jour par la TV, qu'il est impensable de laisser des armes à la maison. Vous étiez un enfant curieux mais sage et élevé dans le respect. De plus, votre père ne laissait pas son arme chargée. Je suis membre d'une société de tir. Il faut voir comment certains collègues déposent leur arme à la maison, culasse montée dans le fusil et pas sous clé! Des arguments comme celui de la liberté individuelle, un verset de la bible ou une citation de Hitler versés par les opposants à l'initiative sont irrecevables. Vous avez raison d'y voir un problème d'identité sexuelle. Nous autres mecs perdons une à une nos prérogatives machistes. Il nous faut maintenant devenir des êtres humains à la hauteur des autres.

Serge a dit…

Les populistes suisses (UDC) veulent que les femmes restent à la maison, et les armes aussi. Des gens plus évolués verraient bien les hommes passer plus de temps à la maison, par ex. pour s'occuper des enfants (plutôt qu'astiquer leur fusil). On verra quelle mentalité gagne.