dimanche 6 mars 2011

John Galliano: l'empereur est nu. Pourquoi?

Deux maisons: "Dior" et "Galliano".
"Tandis que l'empereur cheminait fièrement, la foule aux fenêtres et dans la rue s'écriait : "Quel superbe costume ! Quelle traîne ! Quelle coupe!" Nul ne laissait deviner qu'il ne voyait rien, sous peine de passer pour un imbécile. Jamais les vêtements de l'empereur n'avaient excité autant d'admiration. Pourtant, un petit garçon observa: "Mais regardez: il n'a pas d'habit, il est tout nu!" Ainsi se conclut Les Habits neufs de l'empereur, conte de Hans Christian Andersen (grande folle danoise honteuse, laide et talentueuse) au sujet d'un monarque qui changeait de fringues à chaque heure et se pavanait comme une princesse en mal de mâle.

Galliano et Charlize Theron (2008).
Je ne connais rien de la vie, ni de la carrière du créateur de mode John Galliano que la maison de couture Dieu vient de mettre à pied. À Paris vendredi, avant le défilé de mode qui s'est déroulé en l'absence de Galliano, le pdg de Dieu a pris la parole pour déplorer (oh! la pauvre chérie): "Ce qui nous arrive aujourd'hui est une grande épreuve. [...] Le fait que le nom de Dieu ait pu être mêlé [...] à des propos intolérables nous est très douloureux." Galliano, paraît-il, aurait éructé des propos racistes, chambre à gaz-Hitler, au cours de quelques cuites en public. Il serait affecté par la mort de son compagnon, le suicide d'un autre couturier britannique.

La maison Dieu a beaucoup bénéficié de son talent fou, de sa vulgarité flamboyante qui plaît tant aux chercheuses d'or glanées par les nouveaux richissimes de Russie et les potentats arabes. John G. a donné une nouvelle vie à Dieu qui sombrait, mais Dieu s'est-il préoccupé à temps de la santé mentale de son petit génie? Comme on connaît les grandes entreprises aujourd'hui, elle ont aussi courte vue que leur rapace clientèle.

Ici, défilé Galliano.
Où qu'on se tourne on voit les effets de l'impréparation des troupes. Manque de prospective, d'anticipation. Les entrepreneurs à l'ancienne, comme mon grand-père maternel, fonctionnaient sur le mode patriarcal. Pourtant ils n'étaient pas plus durs que les pdg actuels, et ils avaient en principe le souci de donner du travail aux gens de leur région. Pas celui de "rationaliser" sans réfléchir aux implications humaines. Des pme travaillent aujourd'hui selon ce modèle et leurs affaires fleurissent. Sans être des saints, les patrons sont sains dans leur tête; ils savent qu'en s'intéressant à leurs forces de travail, ils bénéficieront d'une meilleure cohésion.

Sarkozy, très impliqué dans la couture.
Je porte deux hommes sur mon coeur parmi les patrons pour lesquels j'ai travaillé. Avec eux, ce n'était pas facile tous les jours, parce qu'ils portaient réellement une lourde charge -- et de façon constructive (= pas destructive); ils pouvaient être parfois de fort mauvais poil. Mais je respecte aujourd'hui encore leur ligne de conduite générale, j'admire leurs innovations. Et, lors de moments privilégiés, ils partageaient leurs expériences avec le débutant que j'étais; ils savaient aussi m'écouter et m'encourager.

Pris très tôt dans l'engrenage toxique de la célébrité à bon compte, John Galliano n'a peut-être pas eu cette chance.

André

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