vendredi 4 mars 2011

Mapplethorpe: autoportrait de l'artiste nu avec un fouet au lieu d'un gode

Portrait de Louise Bourgeois et sa "Fillette".
Le photographe américain Robert Mapplethorpe (1946-1989) est mort à l'âge de 43 ans, laissant derrière lui une collection de plus de 2000 tirages et 120'000 négatifs. À Berlin, le Forum international des dialogues visuels présente 187 photos de Mapplethorpe jusqu'à la fin du mois.

Dans ses portraits d'artistes, ses compositions florales dépouillées, ses nus d'athlètes femmes et hommes, ses images d'expériences sado-masochistes, il s'est inspiré des sculpteurs classiques. Sous les éclairages sans concession de son studio, les plantes et les corps se transformaient en objets parfaits et figés. Ils suscitèrent les controverses les plus violentes de la part des associations conservatrices américaines, à cause du caractère homosexuel et/ou S/M d'une partie de l'oeuvre.

En 1992, l'exposition Mapplethorpe présentée dans un musée éphémère de Pully-Lausanne m'avait déçu. Je m'attendais à ressentir la brûlure de son art. Il m'a ému par la prémonition de sa mort (sida) qui traversait les dernières oeuvres. J'ai admiré la beauté froide de sa vision, mais sans frisson. En revanche, son portrait de Louise Bourgeois m'a touché. Car cette plasticienne franco-américaine (morte l'an dernier à l'âge de 98 ans) m'atteint au plus profond par l'acuité de sa vision sur les corps, l'architecture et l'inconscient. Regardez-la, pétillante de malice, serrant une de ses créations sous le bras: cet immense phallus couillu qu'elle nomme "Fillette"!

À propos de phallus, ou de godemiché, l'un des autoportraits de Mapplethorpe les plus inattendus est celui où il insère le manche d'un fouet dans son anus. On comprend que cela dérange les masos et les sodos refoulés; les autres connaissent la sensation ou se détournent de la photo sans en faire un fromage.

Au siècle dernier, plusieurs artistes avaient réalisé leur autoportrait en se représentant un pistolet à la main, visant l'oeil ou la tempe, jouant avec l'idée de leur propre destruction. Comme s'ils étaient tentés de se lancer dans un duel avec eux-mêmes pour adversaire -- une sorte de seppuku (hara-kiri), de suicide photographique. C'est peut-être l'une des interprétations possibles de la mise en scène intime que nous offre Robert Mapplethorpe

André

2 commentaires:

Jim X a dit…

Avec la photo du fouet, Mapplethorpe se situe à la frontière entre l'art et le porno, il pousse le bouchon et cela nous fait réfléchir à nos pratiques cachées. A celles dont nous avons honte et celles dont nous n'avons pas honte, mais que nous gardons quand même secrètes pour ne pas qu'on nous juge.
Je songe aussi à l'étude de Susan Sontag: "Devant la douleur des autres" où elle écrit que la plupart des représentations de corps torturés ou mutilés suscitent un intérêt sensuel. Pourquoi n'osons-nous pas en parler ouvertement puisque nous partageons presque tous cette attirance à un certain degré? Honte d'être des êtres humains? voulant faire l'ange?

Hauts - Maux ! a dit…

Toujours intéressant tes articles!