jeudi 13 octobre 2011

Le corps-à-corps sado-maso de la boxe et son homoérotisme


Ce tableau du peintre américain George Bellows (1882-1925) résume à grands coups de pinceau le dilemme masculin entre virilité, sensualité et intimité. Et ce dans un cadre de franche exhibition sado-masochiste. À gauche, le combattant est à peine vêtu, sans protection où elle s'imposerait. Le genou de son adversaire va lui défoncer le paquet dans deux secondes. L'oeuvre s'intitule Stag at Sharkey's (1909). J'imagine qu'il s'agit d'un stag blow (coup de massue). Quant à Sharkey's, c'était une salle de boxe new-yorkaise où se déroulaient des matchs interdits, parce que ne respectant pas les règles de ce sport.

Bellows: Dempsey et Firpo, litho (1924).
Le peintre nous place dans la position du spectateur excité par la promesse d'affrontements sanglants, illégaux et probablement au finish. Une sauvage décharge d'adrénaline après la journée en usine. À l'époque, l'anxiété masculine de ne pas être assez viril se manifestait par rapport au corps dont la force musculaire était exploitée au travail. Aujourd'hui, notre inquiétude est plus métaphysique et se centre autour de notre rôle dans la société. Dans les deux cas, un match entre deux mecs en cage, mais puissants, résistants à la douleur et teigneux purge le spectateur de ses faiblesses.

Élèves du peintre Eakins posant pour lui (1883).
Et puis -- mais ne le répétez pas -- ces combats et autres affrontements encore plus dangereux sont les seules occasions de contempler des corps masculins presque nus dans un contexte de sauvagerie musclée. Retour à la caverne, à la lutte contre les bêtes sauvages. Retour à Rome et ses gladiateurs qui vaincront ou mourront. George Bellows écrit: "Je peins simplement deux hommes qui essaient chacun de tuer l'autre."

Muybridge: le lutteur Bill Bailey (1887).
En anatomie, le boxeur connaît les zones vulnérables et celles qu'il ne devrait pas frapper. Cette géographie du corps-à-corps comporte une note de sensualité, voire d'expression sado-maso qui magnifie le plaisir bestial du spectateur. Les fantasmes sont permis autour du ring: l'attrait envers le corps du frappeur et la répulsion que suscite la viande ensanglantée du vaincu, étendu par terre, sont mis au compte du sport. Le short des combattants marque l'endroit du plaisir et des mauvais coups, comme le met en évidence le tableau de Bellows. Le perdant sera châtré moralement.

N'oublions pas ces moments où les deux hommes, à bout de souffle, cherchent à se protéger et gagner du temps en se collant corps contre corps. Où ils embrassent l'autre pour capter son énergie et lui filer de nouveaux coups. Un splendide mélange de sensualité et de brutalité dont l'homosensualité est parfaitement acceptée puisque l'effacement du désir suit immédiatement ces secondes d'extrême intimité.

André -- Concernant le peintre et photographe Thomas Eakins, lire mon blogue "Un jeune boxeur nu et musclé face à des bourgeois" (cliquer).

3 commentaires:

unnu a dit…

cet article me rappel une question que je me pose régulièrement, l' homophobie, n' est elle pas un refoulement de son homosexualité, comme la misogynie celle de sa féminité?

Art LeMat a dit…

C'est vraiment beau cette peinture de boxeur. Je suis content d'avoir fait cette découverte. SI tu veux venir voir mon blog http://hunksofart.blogspot.com/

Anonyme a dit…

sè ski sdi unnu...