jeudi 31 mai 2012

Ces jeunes mecs envoyés au casse-pipe au nom de la liberté...

Pour Cann, fin de l'opération "Liberté en Iraq."


Le Marine Adam L. Cann en Iraq.
Cette année, le Memorial Day des Américains coïncidait avec le pont de la Pentecôte. Instauré après la guerre de Sécession pour commémorer le souvenir des morts des deux camps, il a été étendu à tous les faits de guerre ultérieurs. Services religieux, discours patriotiques, shopping et barbecues. Depuis que les États-Unis n'engagent plus que des guerres d'ingérence, à quelques exceptions près, le patriotisme bêlant et bondieusard de la majorité des citoyens me fait gerber. Je n'en admire que plus la minorité qui nage à contre-courant.

Après son intervention sur MSCBC ce week-end, le commentateur politique Chris Hayes en a pris plein la gueule. Sur le ton du gars qui mesure ses termes, il a déclaré: "Il est bien difficile commémorer les victimes de la guerre, ceux qui sont tombés, sans évoquer leur courage et parler de héros. [...] Je suis mal à l'aise au sujet de ce mot parce qu'à mon avis il nous amène forcément à justifier encore plus de guerres. Je ne veux pas manquer de respect envers la mémoire de ceux qui sont morts, car évidemment on trouve des actes héroïques dans certaines circonstances: par exemple sous le feu des armes ou pour sauver un camarade blessé. Mais il me semble que nous utilisons ce mot de manière problématique."

Dans son blogue Whiskey Fire, Thers est plus direct: "Aucun membre actuel des forces armées des États-Unis ne protège votre liberté dans quelque sens que ce soit. Je suis certain qu'ils seraient d'accord de le faire. Mais en réalité ils ne font rien dans ce domaine. Bon appétit autour de votre barbecue!"

La dépouille de James Cathey arrive à l'aéroport de Reno. (2005)

Katherine Cathey veille auprès du cercueil.

"Je te remets ce drapeau de la part de notre nation reconnaissante..."

J'ai déjà publié la photo du petit mec auquel un gradé explique que son père est mort en héros, par dévouement envers sa patrie reconnaissante. Elle me brise le coeur. À son âge, on ne sait pas que la mort est une séparation pour beaucoup plus longtemps qu'on ne l'imagine, une douleur qui ne s'éteint qu'à notre propre mort.

Je suis en larme devant chacune des photos de ce billet. Celle de  Katherine Cathey, qui n'a pas quitté le cercueil de son mari, réclamant le droit de passer une dernière nuit à côté du corps. Le Marine qui monte la garde derrière elle a d'abord installé un matelas pneumatique, puis il a déployé des couvertures pour le confort de la jeune veuve. Il se tient discrètement dans l'ombre, veillant sur elle, comme le guerrier en vigie, figé dans son uniforme d'apparat. Elle se cramponne à son ordinateur portable, le témoin de tous les échanges qu'ils ont eu, elle et son mari alors qu'il était au front. Et maintenant que les pires craintes de l'épouse se sont réalisées, le portable ne peut plus rien pour elle, sinon lui restituer les images et les textes que le couple a échangés.

André

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour André,

Le mot "héros".

1.Comparaison n'est pas totalement raison. Mais il se trouve que je suis en train de lire l'ouvrage de Viktor Klemperer :"Lingua Tertii Imperii, la langue du Troisième Reich". Philologue, de formation, professeur d'Université, avant d'en être exclu ( d'origine juive, bien que converti) mais non promis, durant un temps, aux camps d'éxtermination car marié à une "aryenne". Il y analyse le vocabulaire forgé par l'Empire Nationaliste Socialiste. Et montre, du reste, ce que ce vocabulaire doit au langage américain. Il a tout un chapitre sur le mot "héros", et aussi (de mémoire) la valorisarion du mot "fanatique" . La façon dont sont mises en valeur, les "morts héroiques" et "l'obéissance fanatique".

2. Et la merveilleuse phrase de B.B. (non ; pas Brigitte Bardot, mais Bertold Brecht) : "Malheur au pays qui a besoin de héros". Malheureusement, comme on a découvert, qu'il avait pas mal de "nègres" - qui écrivaient pour lui ; on n'est pas certain de pouvoir lui attribuer la phrase. Je la trouve, néanmoins, fort belle.

Bien cordialement.

Frenchanonymous

André a dit…

Salut Frenchanonymous!
Si c'est un "nègre" qui a écrit cette phrase célèbre, honneur à lui. Mais B.B. était en accord avec elle, car j'y lis le résumé de sa pièce "Mère Courage et ses enfants". Il y montre que l'héroïsme est manufacturé par les dirigeants pour maquiller la monstruosité de la guerre. Et il nous incite à nous indigner, nous révolter, dire "non". Comme Catherine, la muette, qui bat le tambour.
Merci de ton intérêt, F.A.