lundi 20 mai 2013

Les hommes les plus aimants, je les ai rencontrés au hammam


Presque tous les hommes qui ont compté dans ma vie, je les ai rencontrés dans un hammam -- sauf mon père, bien sûr... Lorsque j'ai entrevu celui qui allait devenir mon géniteur, il était assis sur un rocher au bord de l'eau, en maillot de bain près de sa deuxième épouse. Je les voyais de dos et j'ai compris que j'allais être associé à leur destin. Ils m'ont conçu ce soir-là de septembre 1935...

Dans la brume des hammams, de Moscou à Bogota, j'ai connu des hommes qui, sur l'oreiller, m'ont raconté leur vie, leurs luttes, leur profession -- diplomate, couturier, attaché culturel, Monsignor, parolier, cuisinier, ancien agent de la CIA, hôte de l'air, éditeur, psy, acteur de cinéma, comptable, musicien de bar, banquier, danseur de comédie musicale, ou escort (platonique) collègue accompagnant comme moi des touristes à travers le monde pour une agence basée à Chicago.

Parmi ceux qui ont le plus compté, les lions de ma vie, j'ai quitté Philippe, séduisant chirurgien et chef de harem, lorsque sa deuxième épouse est devenue enceinte. Bernard, poilu irrésistible, roucoulait des mots de gourmet en faisant l'amour; il est retourné vers son ex avec lequel il a continué à se chamailler. J'ai fait la connaissance de Noël un soir d'octobre 1970. Un copain avec bénéfices (rencontré au sauna) nous a présentés. Il aura été ma plus grande passion, avant de me quitter pour vivre avec Nouri, un mec en or. Je savais néanmoins que notre fraternité durerait jusqu'à la mort. En effet j'étais à son chevet lorsqu'il a succombé à une agression homophobe; et à celui de Nouri décédé le lendemain, épuisé par le sida. Puis il y a eu Ernest, atteint lui aussi par le sida, qui s'est jeté dans le vide.



Beaucoup d'hommes plus tard, Olivier m'a dragué dans un hammam. Lui jeune homme de 51 ans, moi de 61 ans. Un amour puissant, tendre, accompagné d'une profonde amitié. Cinq ans, jusqu'à ce qu'un cancer nous sépare. L'observant dans son cercueil, squelettique, le teint brouillé par un maquillage obscène, j'étais persuadé que nous retournons tous au néant. Point final.

Ils étaient tous plus jeune que moi. (Time by Bark.)

La culpabilité du survivant.
En m'inscrivant à l'École de médiumnité [cliquez Médiumnité dans les Repères à droite], je voulais découvrir à quoi ressemblent les esprits qui visitent les médiums et si cet autre monde auquel je ne croyais pas existait néanmoins (sans mon autorisation...). Je n'imaginais pas y rencontrer mes "chers disparus". Or, durant notre week-end de cours en avril dernier, il s'est produit des retrouvailles... Deux jours avant, j'ai vu qu'un de mes mecs se présenterait devant la classe. Tim -- ancien coureur de Formule I  --,  prof venu d'Angleterre pour ces deux jours, a dit soudain: "J'ai un contact; il attend depuis une heure que je le présente." Tim commence à le décrire et trois d'entre les vingt étudiants lèvent la main pour signifier que cela pourrait les concerner. Tim poursuit sa description et je reste seul à lever la main. Avec tact, sans prononcer le mot gay parce qu'il ne sait pas si la classe est au parfum, Tim décrit la personnalité d'Olivier et les problèmes qu'il a rencontrés durant sa vie (de pédé et d'enseignant à une époque où la profession n'acceptait pas les homos déclarés). Puis sa maladie et la mort.

Cet autre monde peuplé de respect et d'amour.
Nous passons aux travaux pratiques. Par couples, l'un/e médium et l'autre "client/e", nous laissons venir des êtres de l'au-delà désireux de transmettre un message. Nous ne les choisissons pas. Une camarade me décrit une vieille dame, ses occupations sur la terre et me dit en posant sa main sur la poitrine qu'elle ressent une grande chaleur venant de cette personne: ma mère qui m'encourage dans ce que j'entreprends actuellement. Je vous jure que, du temps où elle régnait dans sa maison, ma pieuse mère aurait été horrifiée par le blogue que vous lisez actuellement et encore plus par la médiumnité, activité "diabolique". Mais elle était une femme sincère, honnête, et elle a changé d'opinion dans l'autre monde où règne la clarté. D'autres, paraît-il, s'y refusent.

Une autre camarade médium entrevoit un homme jeune, plein d'affection envers moi. Est-ce que mon père ou un frère est mort jeune? Elle n'a pas encore pigé que je suis gay et que ce pourrait être l'un de mes amoureux. En fait, c'est de nouveau Olivier. On n'en saura pas plus car Tim siffle la fin de l'exercice. Le lendemain, un camarade me décrit aussi un homme, dans un lit d'hôpital (Olivier), voyageant aux États-Unis (Noël), aimant la voiture (Olivier), avec un problème de vue (Noël). Tim nous explique que si plusieurs visiteurs se présentent, il faut y mettre de l'ordre: "Pas tous à la fois, les mecs: l'un après l'autre!" Je fais ensuite le médium pour ce camarade et lui décris un vieillard avec barbichette et redingote, sa petite femme penchée contre lui à sa droite; puis quelques détails de sa vie, certains pertinents d'autres imprécis. Il est l'arrière-grand-père et la description correspond parfaitement à la seule photo que possède mon consultant. Le message du vieux monsieur, émouvant et important, reste entre ce camarade et moi.

Olivier apparaît encore une fois et il trouve enfin une médium capable de transmettre son message: il se tient à ma disposition pour m'inspirer et m'orienter dans toutes mes activités d'écriture. La médium ne me connaît pas assez pour inventer cela. Elle est étonnée, puis émue par l'amour qu'elle perçoit entre nous, si vif, si enveloppant de la part d'Olivier... Peu d'hétéros imaginent que le lien entre deux mâles peut être aussi puissant que celui qui unit parfois une femme et un homme.

Tous les mecs qui ont compté dans ma vie, à part mon père et mes mentors, je les ai rencontrés au hammam. Qu'est-ce qu'ils m'ont fait suer, rire et pleurer! C'est ça l'amour.

André

5 commentaires:

Morphéus Dark a dit…

moi c'est l'inverse en sauna j'y vais pour le côté bestial, j'adore les black room, mais toujours protégé ;)

unnu a dit…

les lumières de l'amour m'éblouissent et me surprennent toujours. La bienveillance de nos proches nous accompagnent dans nos recoins les plus secrets.Nous ne sommes pas que chair et os, nous sommes vibrations qui résonnent au dela de nos murs.

André a dit…

Morphéus! Dans ma jeunesse le sauna était un refuge. Les parcs étaient dangereux, les rares bars bruyants. Au sauna on se parlait, on flirtait, on se donnait rendez-vous parce qu'on n'avait pas d'autre lieu. C'était rare d'avoir un studio ou un appart.

Unnu! Tu es plus évolué que moi. Oui, je découvre ces vibrations de manière concrète. Et ma relation à la mort, à ma mort, est en train de changer parce que j'ai maintenant la preuve que c'est un passage et non une condamnation.

lovedreamer a dit…

Salut André. Ton texte résonne chez moi, en moi et même si ça peut sembler doux-dingue, je sais que je ne le lis pas par hasard, je suis moi-même dans un questionnement très fort au sujet des "puissances" qui m'entourent et c'est comme un (énième) clin d’œil de plus dans ma vie pour me dire "non tu ne rêves pas".
Merci de partager :)

RPH a dit…

Hummm. Je suis toujours aussi peu convaincu.. Envoie moi un message....