jeudi 27 février 2014

Splendeur de la peau noire, de l'esclavage à la présidence


 Pour les descendants des esclaves aux États-Unis, février est le mois de l'Histoire des Noirs, consacré au souvenir et à la réflexion. Quelle a été la contribution de la diaspora africaine à la société américaine durant les années d'esclavage; quel est son apport aujourd'hui? Cette main d'oeuvre gratuite -- mal logée, mal nourrie, maltraitée -- a douloureusement et grandement participé à l'essor économique du pays. Peu de gens veulent s'en souvenir. Aujourd'hui, le bilan est riche. La musique des Noirs a enrichi la culture nord-américaine; leur réussite sportive est brillante; en politique ils ont conquis -- comment dire? -- la moitié de la présidence du pays avec un métis que les racistes blancs considèrent comme Noir, communiste, musulman. Mais pas pédé, pas encore... À propos de gays, des champions noirs de grande stature ont eu le courage de sortir du placard, c'est nouveau, alors que les blancs continuent à gratter leurs couilles molles en hésitant.



J'ai vu le film Twelve Years a Slave (Douze ans d'esclavage), basé sur l'histoire réelle du Noir Salomon Northup. Né libre en 1808 dans l'État de New York, il avait été capturé par des trafiquants pour être vendu dans le Sud. Les mauvais traitements subis par les esclaves dans certaines plantations étaient ahurissants. Salomon fut battu jusqu'au sang. Un patron l'obligea à fouetter une congénère; il obéit pour sauver sa peau, parce qu'il voulait revoir ses enfants. Nous vivons avec lui ce problème de conscience dont on ne peut jamais guérir. C'est universel. Néanmoins certains commentateurs américains écrivent sur la toile: "On en a marre de ces films de Noirs, ce serait le moment qu'ils arrêtent de jouer aux victimes." "Si le racisme continue, c'est parce qu'ils sont toujours en train d'en parler."



Autre opinion, celle de Chikonzi, originaire du Zimbabwe, prof de psychologie et de sociologie à Londres. Dans le blogue Kaos, il traite ce film -- qu'il n'a pas vu, écrit-il -- de "torture porn". Sa thèse: les gens vont au cinéma pour se distraire, parce que c'est à la fois émouvant et sexy. Or le thème de l'esclavage ne devrait pas être exploité dans ce but ni dans celui de ramasser des Oscars. Du reste, les spectateurs ne changent pas d'avis. Soit ils sont déjà convaincus, soit ils aiment la torture, poursuit Chikonzi. Je respecte son point de vue sans le partager entièrement. D'abord parce que la torture n'est pas filmée de manière hollywoodienne dans ce film, ensuite parce qu'il n'y a pas suffisamment "d'action" pour retenir l'intérêt des amateurs de violence. Je suis convaincu que ce n'était pas l'intention du réalisateur britannique Steve McQueen, Noir et descendant d'esclaves, qui engrange beaucoup plus d'entrées avec ses films "blancs".

Je comprends néanmoins la sensibilité à vif de Chikonzi. Sans vouloir nous comparer aux opprimés de la terre, anciens ou actuels -- y compris à nos soeurs et frères LGBT persécutés, torturés et menacés de mort -- ce débat me rappelle ce qui se dit autour et dans notre milieu. "De quoi vous plaignez-vous encore?" "Pourquoi réclamer le mariage alors que vous ne pouvez pas procréer naturellement?" "Vous n'êtes pas normaux, faites vous soigner!" "Dieu vous condamne à l'enfer éternel!"... Traités comme des humains de second rang, celles et ceux qui subissent l'homophobie au quotidien, particulièrement les jeunes à l'école ou dans leur famille, peuvent tomber dans le pire des désespoirs s'ils ne trouvent pas de soutien, puis d'aide pour guérir. C'est aussi le cas de jeunes étrangers méprisés pour la couleur de leur peau ou le contour de leurs yeux...

André
Hollywood only values black people when they're being degraded, when it's plundering our history of suffering and pain. Octavia Spencer bagged an Oscar for being a maid, and Halle Berry for being shafted by a white man. Now Chiwetel Ejiofor is likely to get one for being a slave.

How can anyone think it's right for people to go into a cinema to be entertained, to be "moved" by this story of degradation? If it shocks and appalls them - so what? What does that achieve, what does that fix? This film achieves nothing, and it's a lie to pretend otherwise. It is torture porn.

Then there's the sense of competing with Idris Elba in Mandela: Long Walk To Freedom, that whiff of "how do we top that?" Oh yeah - slavery! There are stories to be told of human suffering around the world now, of Zimbabwe and the Central African Republic and South Africa's townships, but movie goers aren't interested in these tales. They aren't sexy stories. Slavery is sexy, and it's in vogue. Disagree? Did you go to see 12 Years A Slave? Why? Really, ask yourself why, and try to pretend that there wasn't some part of you that didn't find it exciting and sexy.

There is something inherently evil in the total lack of responsibility, to history, and to their suffering. I won't be watching 12 Years a Slave. I don't need to be told how horrific slavery was; I already know. Enjoy your Oscars guys, I hope their pain was worth it.
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mardi 25 février 2014

Le futur mari d'un roi d'Angleterre ne pourra plus devenir reine


Fin d'un grand rêve, mes chéries! Dès le mois prochain la loi sur
les titres royaux change en Grande-Bretagne. Étant donné 1) que le mariage est devenu possible entre personnes du même sexe, 2) que l'hétérosexualité des Windsor a toujours été vacillante, les législateurs britanniques ont nettoyé  différents décrets dont certains remontent à 1285, afin d'empêcher qu'un homme épousant le roi d'Angleterre soit nommé reine, ou même prince consort.





Alors, vous la reine du Marais, la princesse des Backrooms, ou vous the Duchess of Vancouver: sortez vos queen-ex et pleurez un bon coup! Même les titres inférieurs de prince, duc, comte et pair du royaume sont passés au karcher matrimonial. Vous ne serez plus que le mari qu'ont sort dans les grandes occasions. Comme quoi, l'égalité des droits n'est pas encore acquise, on savait bien qu'ils trouveraient un truc...




Pour illustrer nos rêves et nos fantasmes, j'ai choisi des oeuvres d'Hector de Gregorio qui figuraient dans mes archives depuis quelques mois, en attente du sujet adéquat. Diplômé du Royal College of Art en 2009 à Londres, l'artiste travaille à partir de photographies de lui-même et de ses amis qu'il habille ou déshabille -- les amis et les photos -- de ses propres créations vestimentaires, graphiques et picturales.

Derrière ce travail complexe, on sent une grande recherche à travers les arts qui nous ont précédés, ainsi que dans les mythologies, la religion catholique et les traditions médiévales. Dieux et héros antiques, saints, mystiques, figures du Tarot, personnages de contes, martyres, dévots du SM et même castrats se retrouvent dans son inspiration. C'est ainsi qu'il crée, dit-il, un portrait subjectif de son modèle. Il le représente dans une partie de son histoire intime, mais ne l'expose pas.

André



dimanche 23 février 2014

Aimez-moi, à genoux -- Confidence pour confidence de Schultheiss














Je me fous, fous de vous
Vous m'aimez
Mais pas moi
Moi je vous voulais mais
Confidence pour confidence
C'est moi que j'aime à travers vous
[...]
Mais aimez-moi, à genoux
J'en suis fou
Mais de vous à moi je vous avoue
Que je peux vivre sans vous





vendredi 21 février 2014

La chaude camaraderie d'un bain de vapeur soviétique en 1965





En 1965, pour se rendre en Union soviétique, il fallait passer par une agence agréée. Le 7 novembre mon siège était réservé sur la Place Rouge, devant le mausolée de Lénine, pour voir le défilé militaire commémorant l'anniversaire de la Révolution d'Octobre ainsi que le début de la bataille de Moscou. En effet, le 7 novembre 1941, Staline avait ordonné à ses troupes qui se rendaient au front de passer par la Place Rouge, devant le Kremlin. La capitale était assiégée par les forces nazies.


Pendant la parade, je pensais aux soldats partis se battre dans l'hiver glacial, prêts à sacrifier leur vie pour repousser un ennemi qui, pourtant, avait signé un pacte de non-agression deux ans plus tôt... Et en regardant défiler -- durant des heures, me semble-t-il aujourd'hui -- le matériel de guerre que l'Union soviétique de 1965 exhibait: chars, canons et fusées, je me demandais sur quelles têtes tout cela exploserait bientôt.



Après le défilé, tout Moscou glandait dans les rues enneigées. Écroulés par terre, des mecs ivres. Debout, les familles, un cône de glace à la main. Quand il fait moins cinq degrés, chouette la crème ne coule pas! Je me suis rendu au баня, au bain de vapeur. Les gars faisaient la queue dans l'escalier, un savon et des branches de saule séché à la main. L'air gris, prolétaire, pas de salle d'eau à la maison. Mais une fois à poil au vestiaire (vêtements accrochés à un clou): des statues de marbre blanc, très camarades, musclés. On se savonne et se frotte mutuellement. Les pieds dans l'eau, on s'escalade pour former des pyramides de trois étages qui s'effondrent en tas, tout ça tout nu, grosse rigolade. Dans un cagibi où la vapeur atteint 80 à 90 degrés, un gars propose de me fouetter. Il me coiffe d'un chapeau de feutre plein d'eau pour protéger la tête, je m'étends sur le ventre et serre les dents. En fait, ses branches effleurent ma peau, mais c'est le déplacement d'air qui me torture. Quand je n'en peux plus, le coeur en pagaille, je le remercie et vais me doucher en m'appuyant au mur.



À la sortie trois types ragaillardis par la vapeur m'emmènent dans un bateau-restaurant sur la rivière. L'établissement est bondé. À une table, des gars se serrent et nous nous retrouvons fraternellement à huit. Ils commandent de la vodka, des bières, des blinis garnis de chou et oignon accompagnés de saumon fumé. Le touriste est riche. À l'époque, le saumon était une denrée rare chez nous, un mets de fête pour eux. Nous nous gobergeons, rions et communiquons tant bien que mal. Un accordéoniste vient jouer pour nous qui l'accompagnons en braillant. Plus tard, un poète ivre déclame des vers d'Alexandre Issaïevitch Soljenitsyne en pleurant. Je suis sur mes gardes: le grand auteur a été condamné au goulag en 1945, puis à l'exil perpétuel, puis gracié sous Khrouchtchev. Maintenant Brejnev, premier secrétaire du parti, l'a à la mauvaise. Et ça ne manque pas: des coups de sifflets retentissent, un flic fait évacuer tous les étages du bateau. Le serveur me présente l'addition. À la sortie du ponton, un autre flic examine chacun et donne des ordres. "Toi, tu es trop soûl pour rentrer seul; toi tu tiens debout, alors tu l'accompagne."

Fausse alerte, André! C'était l'heure de police. Il neige, j'ai 29 ans, et l'an prochain je repasserai par Moscou pour me rendre en train à Pékin. Les compagnons d'un soir me quittent à une certaine distance de l'hôtel. C'est plus prudent.

André