dimanche 21 janvier 2018

Le jaguar et le pape François, en visite chez les Indiens d'Amazonie


 
Le récent voyage du pape François au Pérou et au Chili me rappelle un billet que j'avais publié le 22 mars 2013 ici. Je le reprends aujourd'hui avec d'autres photos.

Est-ce que vous avez fait une malaise, Très Saint Père? s'enquiert le Garde suisse chargé des tours d'inspection dans les jardins du Vatican. Ou bien... poursuit-il en tendant une poignée de mouchoirs en papier à François planqué derrière un buisson, nu et accroupi. [Gottfried Stutz (nom de dieu) pense le Garde, on vient à peine de dire Pfüat di (que Dieu t'accompagne) à la Tunte bavaroise (changez le u en a) qu'elle est remplacée par un exhibitionniste ou un branleur!]




Ni l'un ni l'autre, répond Sa sainteté qui s'est redressée. Quel est ton prénom, jeune homme? Peter! Ah, comme saint Pierre notre fondateur! D'où viens-tu? Des montagnes d'Appenzell. J'étais berger l'été et garçon d'écurie l'hiver. Comme moi, reprend le pape, berger en Argentine, en pleine écurie à Rome. Pour donner un coup de balai, Votre Sainteté? (Sur un ton d'espoir.) Comme Hercule lors de son cinquième épreuve chez Augias ousque les écuries n'avaient pas été nettoyés depuis 30 ans, pfui! Quelle culture, Peter! Oh, je m'intéresse pour les religions.



Puisque c'est ainsi, je vais t'expliquer. D'abord, un petit détour. Il y a deux ans, mon ami l'archevêque de Quito m'a invité pour que nous passions nos vacances ensemble. Un de ses cousins, guide touristique, nous a emmenés dans la forêt équatorienne, à la rencontre d'un petit groupe d'Indiens Huaorani. Nous avons remonté le fleuve Napo, affluent de l'Amazone, dans une modeste embarcation, avec des moustiquaires et des vivres pour une semaine. Les Indiens, qui connaissaient notre guide et sa discrétion, nous ont bien reçus: c'est-à-dire qu'ils ont poursuivi leurs activités habituelles, nus, sans faire attention à nous. Ils n'ont pas essayé de nous convertir! Et c'est là que j'ai appris combien le fait d'être nu, les fesses et les plantes des pieds posés à même la terre ou sur une pierre, apportait une dimension spirituelle et libératrice à mon incarnation. Je sentais l'énergie et les vibrations de la terre monter le long de ma colonne...





Depuis notre pirogue, nous avons vu briller les yeux d'un jaguar. Il nous surveillait. Notre guide a expliqué que les ancêtres Huaorani se réincarnent dans cet animal pour lequel ces Indiens ont un grand respect, malgré le danger qu'il représente. Et je me suis dit: comme notre Dieu qui fait pleuvoir sur nous amour et jugements! Ces Indiens et nous sommes frères dans la foi et les tribulations... Si vous permettez, Très Saint Père, il y a des spiritualités qu'on a importées de l'Orient qui libèrent les individus de la peur et des dépendances... Tu as raison Peter, mais je ne suis pas encore arrivé si loin, même si... J'ai un navire à gérer qui prend l'eau de toutes parts.





Je te raconte encore un souvenir et j'espère que nous pourrons reprendre notre conversation une autre fois. On raconte que pour pêcher, le jaguar s'installe sur une branche basse au bord de la rivière dans laquelle il laisse flotter sa queue. Ce qui nous a fait rire, mon collègue et moi. Le Seigneur n'a-t-il pas dit à ses premiers disciples: "Suivez-moi et je vous ferai pêcheurs d'hommes!" Or, en espagnol, pescador, pêcheur et pescator, pécheur sont si proches! Peter, est-ce pareil en allemand? Non, Votre Sainteté. Mais Schwantz, la queue, s'utilise aussi bien pour l'animal que l'homme. Que Dios te bendiga, Peter! Je vais continuer ma méditation.




En s'éloignant, Peter se disait, ce soir dans ma prière, à genoux au bord du lit, je remercierai le Bon Dieu de nous avoir enfin envoyé Son Serviteur. C'est à ce moment-là que la diane des Gardes suisses a retenti dans le cantonnement et que Peter a émergé brutalement de son rêve.

André