vendredi 30 mars 2018

Le #Me too du Christ torturé est aussi politique et L.G.B.T.Q.I...


Vétéran de la guerre en Irak. Photo Michael Stokes.

Marbre de Benvenuto Cellini, entre 1559 et 1562.

Les traitements dégradants que les femmes dénoncent avec #Me too (Moi aussi), peu d'hommes qui en ont aussi souffert trouvent la force de l'annoncer. Ce qui est très humiliant pour elles, l'est différemment pour eux, pas besoin de l'expliquer. Pour devenir mondial, le mouvement qui s'est engagé devrait inclure les femmes victimes de tortures et viols commis par des armées en Afrique et au Proche-Orient. N'oublions pas non plus les enlèvements, supplices et disparitions inscrits au programme des dictatures sud-américaines du siècle passé comme, actuellement, dans de nombreux régimes musulmans et en Russie.





Pourquoi devrait-on remplacer l'écriteau INRI (Jésus le Nazaréen, roi des Juif) par un #Me too aujourd'hui ? Parce que la mise à nu des adversaires politiques, avant leur crucifixion, était déjà considérée par les Romains (qui occupaient la Palestine) comme une mesure d'humiliation publique efficace. Les ennemis des occupants allaient se tenir tranquilles... Les États-Unis aussi ont installé des prisons à travers le monde pour soumettre leurs captifs à la question en les dénudant et feignant de les noyer. Souvenez-vous des photos que les soldat-e-s américain-e-s avaient prises de leurs prisonniers irakiens torturés et dénudés en 2004 près de Bagdad...



Sévices sur les captifs, Abou Ghraïb, Irak.

Dans sa parution de février, Réformés (mensuel des Églises protestantes de Suisse romande) titrait: "Orientation sexuelle, accueillir la différence". Un dossier illustré de l'oeuvre [ci-dessous] d'Elisabeth Ohlson Wallin, photographe suédoise que j'avais présentée ici en avril 2010. Le geste de tendresse du brigand crucifié au côté du Christ nous concerne. Ce gars a tout compris de l'universalité d'un tel moment. Le Iéshoua qu'il tient dans ses bras vient de prononcer: "Tout est accompli". On entre dans un temps nouveau où Dieu est Africain; il est métèque ou réfugié; il est Îsâ, prophète de l'islam; il est le juif Iéshoua; il est Jésus, Fils du Dieu des chrétiens; il est aussi membre honoraire de la communauté LGBT. À ce compagnon qui l'entoure durant son agonie, il déclare: "Tu es de ceux qui sont demeurés avec moi dans mes épreuves, [...] tu mangeras et boiras à ma table en mon royaume." [Luc 22.28].


À l'époque, la mort du Christ eut lieu durant la Pâque juive. En 2018, Pâque et Pâques coïncident aussi.

L'introduction du dossier de Réformés ne le cache pas: "Aujourd'hui encore, l'orientation affective et sexuelle peut être un facteur d'exclusion dans les communautés chrétiennes. Pourtant, en Suisse romande, les Églises réformées professent l'accueil de chacun tel qu'il est. Un discours qui s'effrite lorsque se pose la question de l'union des personnes du même sexe." Dans le numéro suivant (mars), les extraits des plus de 300 commentaires de lecteurs reçus sur ce sujet le démontrent. "Cette photo est pour beaucoup choquante (elle le serait tout autant s'il s'agissait d'un couple hétérosexuel). Son sujet ravive des blessures non encore cicatrisées. Nous n'acceptons pas ce que nous ressentons comme une provocation." (Lettre signée pas une vingtaine de paroissiens.) Des blessures provoquées par l'ouverture aux  LGBT ? "Je suis profondément choqué et furieux par cette photo [qui] s'apparente plus à un site pornographique gay qu'à un journal d'Église. Je suis moi-même gay..."


Le baptême de Jésus. Elisabeth Ohlson Wallin.

Sermon sur la montagne. Elisabeth Ohlson Wallin.

"Je suis peiné de voir [qu'en] vous servant du Christ de cette façon, vous piétinez mes convictions et celles de nombreux chrétiens." "Votre dossier constitue une attaque frontale contre la mouvance dite évangélique ou conservatrice." Mais aussi: "Le dossier est excellent, et la reproduction de l'oeuvre photographique est pertinente et bienvenue."


"Le dernier repas" et "Le dimanche des Rameaux" où Elisabeth Ohlson Wallin a remplacé l'âne par la bicyclette.


Selon le Nouveau testament, peu avant son dernier repas en compagnie de ses disciples, Jésus s'était rendu à dos d'âne jusqu'au temple qui dominait la ville de Jérusalem. La foule l'avait accompagné triomphalement. On peut comparer le temple aux super-églises pleines de boutiques des intégristes évangéliques américains qui rassemblent des milliers de fidèles-consommateurs. À Jérusalem, on y vendait même des animaux vivants pour les sacrifices, alors qu'aux USA on propose des barbecues après le culte. La bible retient deux gestes de Jésus dans le temple: il renverse les stands des changeurs de monnaie et des vendeurs de colombes. Puis il guérit des aveugles et des boiteux qui s'approchent de lui. S'il revenait aujourd'hui et entrait dans une église, il devrait guérir les aveugles et les sourds qui n'ont ni lu ni entendu ses paroles.


"Que tu sois venu en aide à l'un de mes frères..." Photo d'Elisabeth Ohlson Wallin.

C'est peut-être trop tard ! L'Église catholique s'enfonce dans sa pourriture. L'Église protestante, en état d'immobilité, n'a pas suscité de nouveau réformateur. D'autres spiritualités plus ouvertes sont en train de fleurir -- par exemple le chamanisme (sans plumes ni défonce) que je pratique. Quant au Christ [selon Matthieu 25], il annonce qu'il départagera son troupeau: les moutons (les humbles) à droite, les boucs (les propres en ordre) à gauche. À ceux de sa droite, il promet l'héritage du royaume des cieux: "J'étais nu -- #Me too -- et vous m'avez habillé. J'étais étranger et affamé, vous m'avez ouvert votre porte." Mais à chaque bouc il déclare: va te faire foutre ! Mais le propre juste se défend: "Si je t'avais vu étranger, je t'aurais ouvert ma porte; malade ou en prison, je t'aurais rendu visite; nu, je t'aurais acheté un pantalon chez H&M. Mais quand t'ai-je vu métèque ou infirme ?" La réponse du Christ est ouverte: "Pour autant que tu sois venu en aide à l'un de mes frères, même le plus méprisé, tu l'as fait à moi-même."

André