vendredi 25 janvier 2019

Comment les saunas "gays" ont accompagné la révolution sexuelle



Avant l'avènement de la "révolution sexuelle" des années 1960 et les débuts de la libération gay, le lieu de rencontre le plus sûr pour nous était un établissement de bain, moins surveillé par la police que les bars et surtout que les pissoirs ou les parcs. Certes, les saunas n'étaient pas "gays" comme certains s'affichent aujourd'hui, mais une fraction grandissante de leur clientèle l'était. Aujourd'hui, c'est quasiment le contraire; un pourcentage important de familiers des saunas dits "gays" prétend ne pas l'être. Asexuels, bisexuels, flexisexuels, ambisexuels, tout est possible. Et certains redeviennent totalement hétéros dès qu'ils ont quitté l'établissement.






La première fois que je suis entré dans un sauna, c'était il y a 62 ans, à Genève où j'entamais des études. Je voulais passer un moment en compagnie d'hommes nus. Rien de plus. Pourtant, dans la salle de repos où j'étais allongé, un gars plus âgé a passé sa main sous ma serviette. Cela n'a pas duré trois minutes avant qu'un autre client n'entre. N'empêche, en quittant l'établissement pour prendre le train, j'avais l'impression que tout le monde dans la rue pouvait lire sur mon visage ce qui s'était passé. Je n'en étais pas gêné, c'était juste une nouvelle expérience. Et je savais désormais où trouver des complices.




À l'époque, pour se faire repérer par d'autres pédés sous la douche, on laissait tomber sa savonnette et celui qui la ramassait signalait son intérêt. C'est ainsi que j'ai fait la connaissance de mon premier grand amour, un chirurgien de 17 ans mon aîné. J'étais alors stagiaire dans un quotidien. Et c'est aussi dans des saunas que j'ai rencontré tous les autres gars -- sauf un -- qui ont vraiment compté dans ma vie: amis (avec ou sans bénéfices) et amants. Grâce à mes activités professionnelles, j'ai pu fréquenter des saunas, des bains de vapeur, hammams, YMCA, bains russes et japonais à travers l'Europe, l'Afrique du Nord, l'Asie et les Amériques.








La culture homo des saunas et hammams s'est développée à partir des années 1970 aux États-Unis et en Europe de l'Ouest. De lieux poisseux et sentant le moisi où des mecs se cachaient pour commettre des actes que la morale condamnait, ces établissements ont progressé avec les moeurs pour retrouver ce que la grande tradition des bains publics offrait: des sites de rencontre où des hommes préférant la compagnie d'autres hommes se retrouvent, transpirent ensemble, étanchent leur soif et conversent, peuvent lier des amitiés d'un soir ou d'une vie, des relations sensuelles, sexuelles et spirituelles. Comme dans l'Antiquité et tant d'autres siècles où l'on savait jouir des plaisirs charnels sans y attacher des anathèmes. Albrecht Dürer l'a illustré dans Le bain des hommes, gravure sur bois qui date de 1498 où il se met en scène avec quelques-uns de ses amis-amants, à voir ici dans Case des hommes. Aux alentours de 1850, en Égypte, Flaubert décrit ses aventures avec le masseur d'un hammam qui "étant arrivé aux parties nobles, a retroussé mes boules d'amour", c'est ici.




Face à cette plénitude de jouissance, on peut comprendre la réaction rageuse des chrétiens intégristes dont le Maître avait déclaré: "Je vous donne un commandement nouveau: aimez-vous les uns les autres." Dans leur manière détournée, ils nous ont accusés de détruire leur union traditionnelle lorsque les lois ont instauré le pacs ou le conjungo pour tous. S'ils nous aimaient selon le commandement de Jésus, ils seraient heureux de ce progrès vers l'égalité. Mais ils ont installé tant de barrières autour de leur sexualité et leur hymen qu'ils jalousent nos possibilité illimitées d'aimer notre prochain. Voilà, je voulais simplement raconter comment le développement des thermes qui nous sont consacrés a suivi l'évolution des LGBT.

André



Le couturier Tom Ford chauffe les fesses d'un camarade.



"J'aimerais tellement être gay"
"Cela me rend jalouse, j'ai l'impression de ne pas vivre ma vie au max," déclare Shoshana. "Qu'aimerais-tu faire ?" lui réplique Jeremy, "on ne peut pas changer notre fonctionnement de base !" "Même si c'était possible, il y aurait tant à apprendre..."