lundi 8 décembre 2008
Du dernier au premier orgasme, à reculons
Un de mes potes revient du Népal. Retraité, il a passé quelques semaines en tant que volontaire, envoyé par une ONG suisse dans une haute école technique, dans une fabrique de glaces et... une boulangerie. Son domaine: l'hygiène dans l'élaboration des produits alimentaires. Au retour, il s'est arrêté une courte semaine en Inde. S'il avait choisi de faire escale à Mumbai/Bombay au lieu de La Nouvelle-Delhi, et une semaine plus tôt, il aurait été témoin des attentats, voire plus. Si... La vie n'offre aucune garantie d'être encore ma vie demain. C'est une évidence qu'on préfère oublier.
Mumbai/Bombay. A un jet de pierre de l'hôtel Taj-Mahal (où le feu a de nouveau éclaté aujourd'hui), les amoureux de l'art et de la beauté prennent le bateau pour l'île d'Elephanta dans la mer d'Oman. Ils vont visiter un ensemble de grottes vouées au culte shivaïte dont les hauts-reliefs comptent parmi les expressions les plus parfaites de l'art indien (entre les Ve et VIe siècles).
La première fois que j'y ai accompagné un groupe de touristes, les principales sculptures étaient éclairées depuis l'extérieur par des panneaux réfléchissants; une équipe de cinéma y tournait une scène de comédie... musicale. Voyez ce buste haut de 6 mètres dont les visages représentent les trois formes du dieu Shiva. L'aimable Brahma à droite, peut-être dans son rôle de créateur; le méditatif Vishnou au centre, le conservateur selon certaines interprétations; et Shiva lui-même à gauche, effrayant, le destructeur. Résumé de notre existence, du début à la fin.
Un humoriste américain, George Carlin si je ne fais erreur, se plaignait de la vie en disant que le pire, c'est la façon dont elle se termine. Quel trophée gagne-t-on à la fin? Une mort. On devrait, disait-il, inverser le cycle. On commencerait par mourir pour ne plus avoir à y penser. Puis on séjournerait dans une institution de personnes âgées dont on serait expulsé en devenant trop jeune. On recevrait une montre ou un bon de voyage et on irait travailler. Après 35 à 40 ans, on serait remercié et on commencerait à fumer, à boire et à sortir la nuit. Ensuite, ce serait le temps des études et des dernières amours. Alors, on deviendrait un enfant, on pourrait enfin jouer, on serait libéré de toute responsabilité jusqu'au berceau. Viendrait le moment de s'introduire dans le ventre de sa mère et d'attendre neuf mois jusqu'au big bang où l'on finirait l'existence dans un orgasme!
Le cycle de la vie raconté par les trois visages du dieu, mais dans une lecture de gauche à droite. La grande éjaculation de la mort pour commencer, l'orgasme parental pour finir. Bingo! Ci-contre, toujours dans les mêmes grottes: symbole phallique de Shiva, le lingam se détache dans la fenêtre comme la victoire de la création renouvellée. Les fidèles l'entourent de révérence et de fleurs, l'oignent d'huile. On devrait traiter les lingams de chair avec la même dévotion.
Ulysse
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