jeudi 26 février 2009
"Gran Torino": même les vieux mâles peuvent évoluer
Walt Kowalski est un de ces machos tendres (tout au fond de lui) tels qu'on les aime au cinéma et comme on les apprécie beaucoup moins dans la vie quotidienne. Un Ricain confronté à son racisme primaire et à sa misanthropie. Un vétéran de la guerre de Corée empoisonné par la culpabilité... Clint Eastwood est Kowalski. En même temps, il se met en scène dans Gran Torino. Ce film m'a ému. Les critiques ont déjà écrit tout le bien, ou le mal qu'ils en pensent.
Ce qui m'intéresse, ce sont les rapports entre les personnages masculins. Les femmes jouent aussi leur part; Eastwood ne les cantonne pas au rôle de repos du guerrier comme dans la majorité des films dits de mecs. Néanmoins, c'est de l'évolution de trois mâles dont il s'agit principalement. Et de la question éternelle pour nous: qu'est-ce qui fait qu'un homme est un homme et occupe sa case dans la société? Je n'ai pas vu Eastwood en cow-boy et flic impitoyable dans la première partie de sa carrière. Je m'intéresse aux films qu'il a mis en scène ultérieurement... Veuf âgé qui crache le sang, vide des bières et hait son voisinage dans Gran Torino, il est entraîné à son corps défendant dans la lutte contre une bande de jeunes Asiatiques qui terrorise son quartier.
Kowalski rencontre Thao, un adolescent timide menacé par la bande, et prend cette "face de citron" sous sa protection. A sa manière, il décide d'en faire un homme. Et l'on assiste à des scènes d'initiation impayables, celle notamment où il lui enseigne l'art de parler comme un mec en utilisant subtilement un type d'insulte qui est une preuve d'amitié. Avec Thao et sa soeur, Kowalski entre dans le monde de ses voisins "bridés" -- des Hmong originaires des montagnes entre Vietnam, Laos et Cambodge, persécutés par les communistes pour avoir combattu aux côté des Français et des Américains.
Avec le jeune curé de sa paroisse, "puceau suréduqué", c'est d'un autre affrontement qu'il s'agit. Sur la vie et la mort, la vengeance et la culpabilité. Tous les deux -- en lâchant le moins de terrain possible -- vont devenir des hommes aux idées plus larges, plus souples... On n'est jamais trop jeune, ou trop vieux, pour évoluer. C'est le bilan de Clint Eastwood, 78 ans.
Ulysse
samedi 21 février 2009
Le totem ne connaît plus de tabou
L'Omo est une rivière du plateau éthiopien qui suit un parcours sinueux proche des frontières du Soudan et du Kenya. La région est connue pour ses sites préhistoriques qui ont fourni des crânes et ossements du type Homo sapiens vieux de 195'000 ans. Le photographe Hans Silvester, originaire de Lörrach, près de Bâle, a publié Les peuples de l'Omo (La Martinière), deux ouvrages qui témoignent de la vie et de la peinture corporelle des peuples semi-nomades de la région. Selon Jean-Paul Mari, cette région volcanique "fournit une immense palette de pigments, ocre rouge, kaolin blanc, vert cuivré, jaune lumineux ou gris des cendres". Et la peinture corporelle ne serait pour ces tribus qu'un jeu de séduction spontané, sans signification à caractère sacré.
Jeune homme et jeune fille des
bords du fleuve. Totem: représentation de l'être mystique à l'origine du clan. Tabou: prohibition à caractère sacré.
Un proverbe dit: "A beau mentir qui vient de loin". Qui nous dit qu'à l'origine, ce décor du corps n'avait pas un sens totémique donc sacré? D'aucuns prétendent que le photographe aurait influencé les artistes pour "améliorer" le dessin de leurs tapisseries corporelles. En tous cas, maintenant qu'ils sont célèbres, les habitants de l'Omo rentrent dans leurs cases pour se maquiller dès qu'ils voient un 4X4 de touristes à l'horizon... Souvenir personnel: un conférencier français de Connaisance du Monde faisait mousser son film en racontant à l'auditoire sa difficile quête d'une tribu indienne cachée dont les membres peignaient aussi leur corps, en Amérique du Sud. Or, je me souvenais d'avoir amené des touristes nord-américains au même endroit, pour photographier la même famille, qui se tenait à disposition des agences de voyage... C'était dans les années 70.
Aujourd'hui, la peinture et la piqûre de la peau ont gagné l'Occident, accompagnées du piercing et de modifications corporelles plus profondes. Mode et "jeu de séduction spontané", ou phénomène plus profond, dans une quête imprécise de rite initiateur? Peut-on qualifier de manifestation passagère ("mode") des intrusions -- plus ou moins artistiques -- qui s'inscrivent sous la peau de manière définitive et qui transforment l'apparence du corps pour en faire un totem? Et totem de quelle(s) origine(s)?
Ulysse
jeudi 19 février 2009
Au secours, Darwin! l'animalité humaine dérange...
Katharina Bosse expose et s'expose à la galerie parisienne Anne Barrault. Les lectrices et lecteurs du blogue Zoumzoum [cliquez pour voir plus de photos] n'apprécient pas -- comment dire? -- ce naturalisme, cette représentation sans apprêt de la nature humaine allaitante, évoquant la louve romaine. Née en Finlande il y a quarante ans, élevée en Allemagne, la photographe vit et enseigne à Bielefeld. Elle est connue pour sa série consacrée aux danseuses des théâtres de variétés dits Burlesques [ci-dessous], un genre de strip américain parodique et volontairement vulgaire. L'an dernier, elle a obtenu une mention du jury au Grand Prix de Photographie de Vevey. Depuis quatre ans, Katharina Bosse se met elle-même en scène, nue ou presque, avec l'un ou l'autre de ses deux enfants. Elle expose actuellement la série sous le titre A Portrait of the Artist as a Young Mother.
Et voilà, deux jours après parution, quelques commentaires critiques sous l'article de Zoumzoum ont disparu... Du genre: "Pour se faire remarquer, il faut montrer son cul..." "Inutile, inesthétique, presque vulgaire..." "C'est juste un déballage insipide de chairs..." Les photos de Mme Bosse se rangent-elles dans la catégories des Beaux-Arts? Je ne suis pas juge. Elles m'apportent des témoignages sur la vie telle qu'elle est, avec ou sans glamour à trois balles. Son réalisme m'intéresse, rien de plus. En revanche, ses mises en scène de "l'artiste en jeune mère" me touchent par leur "genre d'engagement", selon un commentaire de Zoumzoum. Elles soulignent la part d'animalité [salut Darwin!] dans la maternité que les artistes et les magazines féminin préfèrent ignorer. Pensez aux madones des peintres; pensez aux ventres nus des futures mères mannequines ou chanteuses pop, beaux comme des oeufs de Pâques. On rencontre le même déni dans les scènes d'amour au cinéma: chastes et encadrées du plissé des draps. Peu de réalisateurs osent ou savent dépeindre la bestialité fumante d'une vraie bonne baise.
Katharina Bosse s'expliquait dans Die Welt am Sonntag du 11 janvier. "Pour moi, l'expérience de la maternité était entourée de non-dits. Ce fut l'événement le plus bouleversant de ma vie: comme d'entrer dans un pays nouveau, sans retour possible. Ce thème qui tient une telle place dans la vie d'une femme n'est pourtant pas souvent abordé. Au cours de mon éducation, j'ai été préparée à toutes sortes de situations, mais tout ce qui touchait à la maternité est demeuré une énigme. Il fallait que je m'attaque à ce sujet..."
Ulysse
samedi 14 février 2009
St-Valentin: la vie des célibataires est un chemin de misère
Mais oui, il y a des gars dans ce bas monde à qui sont refusés la fierté et le bonheur de repasser la lessive d'une grande et belle famille. Des gars qui ne ronflent pour presque personne. Et personne ne ronfle non plus pour eux. En tous cas pas toutes les nuits.
Des gars qui doivent décider eux-même ce qu'ils prépareront ce soir à dîner. Et qui sont obligés d'inviter les copains pour manger le poisson qu'ils ont pêché peinard et en abondance...
Adressez une petit pensée de compassion à ces solitaires, alors que vous célébrez la St-Valentin chaleureusement entouré/e de tous ceux que vous ne pouvez plus supporter!
Ulysse -- Photos empruntées à Hommes naturistes du Toulousain Mcnat31.
mercredi 11 février 2009
C'est la Saint-Capotin qu'il faudrait célébrer
Comme les autres femmes et hommes vertueux qui ont atteint la perfection catholique durant leur vie, saint Valentin n'a jamais connu l'amour charnel. Il est temps qu'on le remplace par un expert. Je propose que l'on fête saint Capotin. C'est lui le réel protecteur des amoureux. Son invention, la capote, a préservé l'amour, l'harmonie (par la planification des naissances sans médication), la santé et la vie de milliards d'amants sur cette terre.
Saint Capotin protège votre amour d'un voile léger
Lectrice, lecteur, faites abstraction de tout ce que vous pensez de raisonnable et de casse-couilles au sujet de la capote. La prochaine fois, déchirez son enveloppe dans un geste sacré préludant à l'étreinte. Et voyez en elle, par transfiguration, l'eucharistie qui prélude à la magnétique communion de deux chairs sous l'emprise du désir. Quoi de plus merveilleux que cette hostie pour signifier: par cela je te respecte et nous nous protégeons mutuellement contre les suites indésirables de notre acte!La capote est modeste: tu peux la mépriser tout en l'utilisant, et elle continuera à faire des miracles pour toi! Mais tu peux aussi la transformer en une alliée excitante et la fétichiser... Tu recrutes, par exemple, les services amicaux d'un/e artiste en fellation qui, après une splendide mise en train pour te faire la fête et donner l'ampleur nécessaire à ta verge, déroulera délicatement le latex avec ses lèvres et le bout de ses doigts. La suite te regarde... Répété lors de plusieurs ébats, ce rituel établira une relation plus érotique entre le préservatif et toi. Tu apprendras à introduire le plaisir dans la mise en place qui ne sera plus ressentie comme une baisse de tension ou un moment de maladresse.
Ensuite, même si tes autres partenaires ne sont pas diplômé/es en fellation, le déroulage de la capote se fera au milieu d'un échange de caresses. Et l'on n'oubliera pas de câliner la peau nue des valseuses pour détourner une attention trop fixée sur le latex. Ce tout petit capuchon sur un grand corps nu.
Ulysse
samedi 7 février 2009
De l'encrage à l'ancrage (3): le fouet contre l'addiction
Bien qu'il s'agisse une fois encore de fouet et de fessée, ce n'est pas de pratiques sado-masos dont il est question ici. A Novosibirsk (Sibérie), il y a quelques années, un chercheur en biologie a testé une méthode de thérapie par le fouet sur lui-même et sur un groupe de toxicomanes qui avaient accepté de s'y soumettre. En effet, sans adhésion totale, pas de résultat.
Thérapie de choc plus ludique que le fouet:
rouler dans la neige ou sauter à l'eau
en sortant du sauna.
Le Professeur Sergeï Speransky était tombé en dépression. Il s'est soigné par la flagellation. Non pas celle que pratiquent les musulmans ou les catholiques en quête de punition ou d'expérience mystique. Il a choisi une application thérapeutique du fouet. L'absence de volonté dont il souffrait était causée, pensait-il, par une diminution de la production d'endorphines, ces substances qui induisent une sensation de bien-être. Speransky supposait qu'en se faisant fouetter, il arriverait à réactiver le processus. Le traitement a fonctionné au-delà de ses attentes. Le professeur a alors lancé sa recherche sur une plus large échelle, proposant à des toxicomanes de se faire soigner selon cette méthode.en sortant du sauna.
Point de départ: la conviction que certaines addictions à l'alcool ou à d'autres stupéfiants s'installent lorsque l'individu perd la volonté et le bonheur de vivre. Comme le chercheur l'avait éprouvé dans sa dépression... A l'usage, la forme de thérapie qui s'est imposée consistait en trente séances de soixante coups de fouet sur les fesses, appliqués par une personne du sexe opposé (afin que les sujets, en majorité des hommes, ne se retrouvent pas dans la situation du garçon étrillé par un père violent). Que ressentaient-ils? Après l'échauffement progressif, ils commençaient à percevoir tout un monde en couleurs brillantes. Le Professeur Speransky a jugé les résultats de satisfaisants à bons. Et lui-même a de nouveau utilisé la méthode après avoir souffert de deux attaques cardiaques.
Dans l'histoire de la médecine, on relève aussi que des moines tibétains soignaient différentes maladies par le fouet. La conclusion toute provisoire que je tire, c'est que ces traitements de choc auraient la capacité de réveiller l'aptitude d'un individu à vivre en acceptant le manque et la frustration. Et la faculté de s'inscrire dans l'ici et le maintenant de l'existence courante, avec ses nécessités et ses promesses, ses dons, ses joies et ses privations qui changent d'une période à l'autre.
Ulysse
jeudi 5 février 2009
De l'encrage à l'ancrage (2): le trip des chevaux de feu
Dans le premier épisode j'ai décrit le stage auquel j'ai participé en Pologne et ma recherche pour comprendre la fascination/répulsion que je ressens face aux vagues de violence... Pendant que j'écris, la radio diffuse Élie, le dernier oratorio de Felix Mendelssohn Bartholdy. L'Ancien testament raconte que le prophète Élie a été enlevé au ciel dans un chariot de feu auquel étaient attelés des chevaux en flammes. Qu'est-ce qu'il avait pris, le vieux fou, pour faire un pareil trip?
J'avais aussi ressenti le feu de dieu en me faisant fouetter. A la fin de l'expérience, le fouetteur-chorégraphe m'avait pris dans ses bras, jubilant tout autant que moi pendant que les autres participants du stage, qui s'étaient assis en demi-cercle à mon insu, applaudissaient. Felix n'avait jamais écrit une chorégraphie pour faire danser et rugir un soliste aussi âgé... Écriture chorégraphique, encrage de la peau, ancrage: nous revoilà en pleine mer!
Ancrage est une expression de mon thérapeute psycho-corporel. La méthode qu'il applique consiste à libérer l'individu des scories qui le lient inutilement au passé. En chimie, les scories sont des rebuts solides provenant de la combustion de minerais. Dans la vie d'un être humain, les épreuves laissent aussi des résidus toxiques (solidement implantés) à côté des connaissances positives. La thérapie consiste à faire remonter ces scories à la surface, en stimulant des points du corps qui vont envoyer les informations nécessaires afin que se produise l'élimination des blocages. Lorsque l'opération a abouti, l'ancrage (pareil à l'action du fouet) marque l'aboutissement en libérant des endorphines qui vont fixer la nouvelle réalité. C'est brutal, cela rougit la peau et cela fonctionne; je peux témoigner de l'efficacité thérapeutique. L'inconfort disparaît immédiatement. Deux à trois jours plus tard, mon activité créatrice se situe un cran plus haut.
Ulysse
La Bibliothèque nationale de France expose actuellement des estampes japonaises du style ukiyo-e qui est apparu à la fin du 17e siècle. Site Richelieu, Paris jusqu'au 15 février.
lundi 2 février 2009
De l'encrage à l'ancrage (1): les piqûres du tatoueur et du fouetteur
C'est une quête de sens qui passe de l'encrage à l'ancrage. Le champion de combat total ci-contre a fait inscrire usque ad finem à la hauteur de ses clavicules: jusqu'aux dernières limites. Un défi qu'il se lance, un avertissement à son adversaire. En free-fight, l'affrontement est sanglant: dans une cage, deux hommes luttent jusqu'au k.o. ou jusqu'à l'abandon. Presque tous les coups sont permis. La couleur que le tatoueur introduit sous l'épiderme au moyen de piqûres est indélébile; le défi ne s'éteindra qu'à la mort. Ainsi passe-t-on de l'encrage du tatouage à l'ancrage d'une volonté inflexible.
Je suis fasciné par cette violence. En même temps, elle me rebute. Je n'ai jamais été victime de violences, mais plusieurs personnes de mon entourage très proche l'ont été, jusqu'au meurtre. Parmi les démarches que j'ai entreprises pour comprendre (non pas le mystère, mais ses effets sur moi), j'ai participé à un stage de BDSM il y a deux ans. Bande dessinée? Non: bondage, discipline et sado-masochisme. Quinze jours autour de Noël dans un lieu perdu des montagnes polonaises, sous la direction du chorégraphe allemand réputé (et hétéro) Felix Ruckert. Une trentaine de femmes et d'hommes allemands, finlandais, suisses... Au programme quotidien: du yoga le matin; une sensibilisation pratique à la rencontre rapprochée (corps et âme) l'après-midi; des applications à tout-va la nuit... Cris et chuchotements.
J'ai compris que les jeux, les règles et les accoutrements des cérémonials SM ne m'intéressaient pas. Je n'ai aucune envie de m'y plier. Ensuite: j'ai aimé les échanges intellectuels et amicaux, durant la journée, avec les ballerines, architectes, philosophes et dominas qui formaient notre groupe...
Et puis, une nuit, j'ai demandé au chorégraphe de me fouetter, en précisant que je n'en tirerais aucun plaisir maso, mais que je voulais vivre cette expérience. Après une sorte de méditation -- lui par le bondage en mains féminines, moi en autosuggestion -- nous nous sommes mis à l'ouvrage. J'étais debout en croix, les mains suspendues et attachées, les jambes écartées, les yeux fermés, nu à part un jock-strap. Lui, il disposait d'une quarantaine de fouets. Fouets à échauffer le corps, fouets en crins, en cordages, à lanières; fléau, martinet, cravache, ceinture de cuir, knout. Et mains nues... Crescendo, Felix m'a flagellé le dos, les fesses, les cuisses, les mollets, la plante des pieds, le torse, le ventre. Sans jamais que je sache d'où allaient partir les coups; ni quand; ni s'ils seraient caressants ou cinglants, en série ou passagers... J'ai respiré profondément, ri, grogné, poussé des barrissements et rugi dans la jubilation. La douleur? Elle se dissipait puisque que Felix ne me fouettait pas jusqu'au sang. Les endorphines remplissaient leur tâche en me baignant d'euphorie... Rien de masochiste, ni de sexuel dans ce match qui a duré plus d'une demi-heure; juste le sadisme sublimé de Felix, et ma disponibilité.
Comment cette expérience a fait évoluer ma perception des liens qui unissent le corps et le cerveau, l'incarnation et la spiritualité; comment on peut utiliser cette technique d'ancrage pour soigner différentes affections et/ou renaître: tel est le sujet de ma prochaine note. Je ne sais pas encore ce que j'écrirai...
Ulysse