Cet homme accroupi que tu regardes, fasciné par son paquet...

Mon père accroupi devant moi pour rattacher les lacets de mes chaussures; j'ai trois ou quatre ans et je ne les noue pas assez serré. Un "grand" qui se penche vers moi, alors que je me repose étendu dans l'herbe: "Tu dors André?" Je me tourne sur le côté, les yeux mi-clos, pour mieux contempler la bosse de son slip et les poils nouveaux qui s'échappent de son entrejambe. "Allez, réveille-toi, on va nager!"

La photo de l'équipe de foot, les joueurs
du premier rang accroupis, jambes écartées. Les mecs, en Inde, qui conversent durant des heures dans cette position, le dos contre un mur. Pour refaire le monde, comme on dit, ou imaginer une vie meilleure.

L'homme qui s'isole, la tête appuyée sur ses bras, plongé dans une rêverie, relié à la force tellurique par son périnée.

Nu, installé dans cette position sur un rocher au bord de l'eau, silhouette de mouette dilatée, je me sens ramené à l'état des premiers humains qui communiquaient avec les esprits de l'eau, des pierres et de l'air. Je tangue d'arrière en avant et mes balloches remuent comme un balancier, mes joyeuses exultent de leur liberté retrouvée. Je bourlingue entre deux mondes, je suis poney, zèbre, girafe. Mon père que je connaissais triste est un étalon bai qui pète le feu, mon grand-père un éléphant prêt à me guider. Je file à la vitesse du guépard, je m'envole en compagnie des milans, je suis un rapace vorace d'étendues nouvelles. Puis je retourne vers mes pères...
À la fin de l'été, j'entrerai à l'École suisse de médiumnité. J'ai présenté ma candidature et elle a été acceptée après entretien avec les directeurs. J'en suis étonné et reconnaissant car les candidatures étaient plus nombreuses que les places disponibles. Et que je n'y songeais nullement trois mois plus tôt! La vie ouvre des voies auxquelles on n'avait jamais songé... Pour l'écouter, rien ne vaut la position du foetus accroupi dans la détente totale, jusqu'au bas du dos, pieds et genoux joints si c'est possible.

André