jeudi 18 octobre 2012

Le blogueur francophone les plus couronné a passé l'arme à gauche


Le blogueur francophone le plus couronné, le plus âgé aussi, Norodom Sihanouk est mort à 89 ans lundi à Pékin. Il a vécu entre plusieurs cultures, a scellé et rompu des alliances aux quatre coins du monde avec l'Axe (via Vichy), avec la France de de Gaulle, Washington, avec les différents clans communistes (Moscou, Pékin, Pyongyang, Hanoï, puis brièvement avec le régime du Kampuchéa démocratique (Khmers rouges) coupable du massacre de 20% à 40% de la population. La première fois qu'il est monté sur le trône royal du Cambodge pour succéder à son grand-père, il avait 19 ans et une éducation française comme toutes les élites indochinoises.

Le couronnement à l'âge de 19 ans.
Vichy l'avait nommé, imaginant que ce jeune homme souriant deviendrait sa marionnette docile. Erreur! Durant toute sa vie, Sihanouk a exercé l'art de la manipulation, encaissant les échecs du pot de terre qui s'attaque au pot de fer, puis revenant à la charge par une autre voie. Prince insubmersible dont les sourires figés, les courbettes profondes et la voix aigrelette agaçaient l'Occident, il aurait pu passer pour l'incarnation parfaite de la tapette [du gay] asiatique.
La France de Vichy.

Erreur! Il a mené la vie d'un playboy, affirmant que "la monogamie est monotone": plusieurs concubines et quelques épouses (entre deux et sept suivant les sources), quatorze enfants dont cinq ont péri sous les Khmers rouges. En 2004, il a abdiqué en faveur de son fils Sihamoni. Et ce dernier n'a pas changé son état de célibataire pour l'occasion. Personne n'ignore que l'ancien danseur classique, formé à l'école de Prague, est gay. [On y reviendra dans un prochain billet.]

Inspection dans les villages.
Selon le Livre des records, Norodom Sihanouk est le politicien qui a assumé le plus grand nombre de fonctions: roi de 1941 à 1955 et de 1993 à 2004, puis Père-Roi jusqu'à sa mort cette semaine. Prince régnant: deux fois. Président (1 fois), premier ministre (2 fois). À la tête de plusieurs gouvernements en exil, chef du gouvernement fantoche des Khmers rouges durant un an. À part cela, il a été cinéaste (jamais invité à Cannes), historien, a plongé dans le jazz et soutenu la danse folklorique avec son Ballet royal avant de devenir un blogueur narcissique -- comme la plupart d'entre nous -- récrivant la grande et la petite histoire à sa manière. Derrière le dilettante, il y avait le monarque féodal intraitable qui lançait les forces de sécurité à la poursuite de ses adversaires politiques.

En 1975 avec Deng Xiaoping à Beijing.
Dans la langue des premiers textes bouddhiques, Sihanouk signifie machoire de lion, l'un des noms du Bouddha. Les premiers rois du Cambodge étaient considérés comme des êtres divins et, encore au siècle dernier, les paysans révéraient leur souverain entouré de moines de haut rang et d'un astrologue l'aidant à prendre ses décisions et à accorder les pardons. Lorsque Sihanouk se rendait dans les villages, les habitants l'entouraient pour le toucher et recevoir ainsi une bénédiction. Si, au lieu d'exploiter leur crédulité à son avantage, Sihanouk avait étudié les quatre Nobles vérités du Bouddha pour en éprouver la réalité, il aurait évité beaucoup de terribles souffrances à son peuple.

Pour cela, il eut fallu un homme guéri de son narcissisme et dégagé de la corruption qu'il alimentait. Mais rares sont les femmes et les hommes placés à des postes de responsabilité qui s'y sont préparés moralement. Pourtant la méditation préconisée par le Bouddha est un exercice simple qui nous propose de regarder la réalité en face, sans avoir besoin d'adhérer à une religion ni à ses obligations. Une attitude qui nous délivre du jugement contre nous-même. Qu'y a-t-il de plus libérateur et revigorant?

André

P.S. J'adresse un grand salut aux Cambodgiens qui suivent ce blogue. Amis! n'hésitez pas à corriger mes interprétations incorrectes, ni à apporter vos commentaires en français ou en anglais. Ce sera un grand privilège pour nous Occidentaux ignorants!

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