vendredi 19 septembre 2014

"Pride" : une grande réussite tonique du cinéma britannique


L'histoire commence à l'été de 1984, lors de la gay pride londonienne. Le jeune Joe qui n'est pas encore sorti du placard est happé par le cortège. [Comme je l'ai été en 1979 lors de la première pride suisse à Berne; je comptais soutenir ceux qui défilaient depuis le trottoir, mais étant donné le petit nombre de participants francophones, je me suis joint à eux. Cela n'a pas manqué: le lendemain, dans les journaux du dimanche, on pouvait me reconnaître derrière la bannière de langue française.] Dans le cortège du film, Mark, un militant coriace, constate que le message des pédés n'est pas entendu. Même les flics, si présents d'habitude, les ont désertés pour aller tabasser les mineurs en grève.

C'est ainsi qu'un petit groupe d'activistes homos décide de créer l'association des Lesbiennes et Gays Soutenant les Mineurs (LGSM) pour récolter de l'argent en leur faveur et marquer leur solidarité. Ils choisissent un village minier du Pays de Galles, très touché par la grève, et apportent personnellement l'argent récolté. Rencontre choc entre les mineurs qui extraient le charbon des puits, leurs femmes faites au feu et les pédés citadins -- chaque groupe sur la défensive et nourrissant de forts préjugés envers l'autre. Je vous laisse découvrir la suite de Pride, que j'ai vu hier, avec toutes les embûches que rencontrent les unes (y compris quelques lesbiennes splendides), les uns et les autres. Ainsi que de vigoureuses scènes de danse qui dépassent La Fièvre du samedi soir en joie et en émotion, dans un pub gallois et des boîtes gay!


Mon émotion à moi: 1) parce que le village gallois est situé près de la Severn et que mon père est né de l'autre côté du fleuve; 2) parce que le scénario de Pride suit fidèlement une histoire vraie et que le soutien financier récolté par les LGSM est historiquement le plus gros reçu par tous les mineurs durant leur grève de 1984 à 1985; 3) parce que l'homophobie était générale à cette époque, encore renforcée par les débuts de l'épidémie du sida; 4) parce que les ennemis communs des mineurs et des gays étaient le premier ministre Margaret Thatcher, les tabloïds et la police. Thatcher a non seulement ordonné la fermeture des puits, elle a aussi décidé de couper les vivres aux syndicats des régions minières pour les punir de s'être mis en grève.

Moments de tension dans le pub des mineurs.

La récolte des fonds de soutien.
Cette histoire vraie, alerte et bien filmée, est d'autant plus remarquable que les personnages de l'époque -- ceux qui ne sont pas morts de vieillesse ou du sida -- témoignent aujourd'hui qu'ils se reconnaissent vraiment dans les acteurs qui les incarnent; ils sont heureux que leur histoire soit enfin racontée. Moi, je jubile de voir qu'une de mes thèses d'activiste gay est ici mise à l'épreuve. Soit que la solidarité entre les groupes marginalisés et malmenés décuple la force de leurs messages réciproques. Les mineurs britanniques n'ont pas gagné contre la Dame de fer dans leur combat pour préserver leur emploi. Néanmoins ils se sont déplacés en nombre pour soutenir une gay pride en passe s'amollir pour céder aux homophobes; ils lui ont apporté leur renfort viril. Et les personnages les plus attachants du film sont des femmes de mineurs et des vieilles dames qui font la tournée des boîtes avec leurs nouveaux amis gays.


L'arrivée des LGSM londoniens au village.

Les vielles dames découvrent les bomecs d'un magazine gay.
La lutte en faveur de l'égalité commence à peine dans de nombreux pays; elle n'est pas terminée chez nous si l'on songe à tous les actes hostiles recensés -- en paroles ou en violences physiques. La solution passe par des alliances; mais les gays, comme les autres humains, portent des oeillères qui les empêchent de comprendre que la solidarité est aussi dans leur propre intérêt. Réveillez-vous bande de...

André

1 commentaire:

  1. Ce film est d'autant plus étonnant qu'il raconte un échec. "Pride" m'a fait pleurer et rire; il ne s'agit pas d'une success story, mais d'une leçon d'inventivité, de courage et de tolérance. Dans ce genre, les Anglais sont les meilleurs.
    Allez le voir, vous vivrez un grand moment d'émotion et sortirez de votre nombrilisme destructeur.

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