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Lausanne: vendeur de journaux... |
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... et liesse devant le consulat d'Angleterre. |
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Une fois n'est pas coutume dans ce blogue: des photos et un texte qui n'ont qu'un lointain rapport avec la vie des LGBT. Je suis né le 8 mai 1936 et j'entre donc aujourd'hui dans ma 79
e année. Mon anniversaire le plus mémorable fut sans aucun doute le 8 mai 1945, jour de "l'Armistice", mot d'un poids immense pour ceux qui vivaient en Occident à l'époque, tant dans l'axe Allemagne-Autriche-Italie que dans les autres pays d'Europe et en Amérique du Nord. Et n'oubliez pas le rôle qu'a joué l'Union soviétique; ce qui a suivi, c'est autre chose.
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Traversée du Grand-Pont en brandissant les drapeaux alliés. |
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Le 8 mai 1945 fut mémorable pour ce gamin de 9 ans: l'école nous avait donné congé! et dans les rues de Lausanne c'était la liesse, les gens dansaient le
picoulet, mot suisse-romand pour une ronde en chantant. Peuple immensément privilégié qui avait été épargné: ni bombardements (deux seulement, de semonce), ni combats, ni faim. Et qui célébrait l'anéantissement de ses voisins ainsi que la victoire sanglante des autres États.
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La partie française de Saint-Gingolph incendiée par les Allemands. |
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Qu'ai-je vu de la guerre? Un soldat allemand patrouillant à quelques mètres de nous, le long de la frontière franco-suisse au Jura -- un mur en pierres sèches --, alors que mes cousins et moi (6-7 ans) faisions paître un troupeau de vaches en pâturage. Puis l'incendie de la partie française du village de Saint-Gingolph au sud-est du lac Léman, en été 1944, que nous pouvions observer avec terreur et chagrin depuis notre maison. Les forces allemandes avaient mis le feu avec leurs lance-flammes à la suite d'une opération de la Résistance.
Le miracle de l'après-guerre s'est accompli peu à peu. Plus aucun conflit militaire entre des "ennemis héréditaires" comme la France et l'Allemagne. Deux symboles de cela: le pont sur le Rhin que l'on traverse sans s'arrêter deux fois à une douane entre Strasbourg et Offenburg; le programme de télévision d'Arte qui est diffusé simultanément en allemand et en français. J'ai la gorge serrée et les yeux humides en y pensant. Pourquoi? Probablement parce que je suis suisse, vivant dans un pays
partagé entre quatre cultures et quatre langues, où le mot
partagé peut être compris de deux manières, celle du partage, celle de la division.
Hier, veille de mon anniversaire, j'ai été pris d'un gros cafard, un spleen larmoyant sans cause apparente qui me saisissait par vagues alors que j'écrivais ou jardinais. Aujourd'hui, en lisant les pages de mon quotidien consacrées à l'armistice, j'ai compris pourquoi. C'est ma guerre à moi qui remontait des profondeurs. Celle que j'ai traversée après les années d'engagement et de militance gay dans un groupe local, un groupe national et au niveau européen. Tout à coup, alors que nous avions remporté quelques victoires, accru notre visibilité et peu à peu modifié la vision que portaient les médias sur nous, le sida a déboulé comme la peste -- tous les pédés des pestiférés -- et nous avons pensé avoir perdu tous nos gains.
Là, miracle, la société était mieux préparée à nous épauler dans cette épreuve que nous ne l'aurions imaginé. Il y a eu du
négatif, mais aussi beaucoup de
positif. Et il nous a fallu apprendre à renverser ces deux termes: le résultat du test, lorsqu'il était
positif, signifiait un arrêt de mort... À mon cinquantième 8 mai, en 1986, j'avais déjà perdu beaucoup d'amis très proches, et cela a continué durant plusieurs années. Ma famille d'élection -- celle qui comptait, que j'aimais et qui m'aimait -- a foutu le camp violemment. Ces pertes que l'on subit d'ordinaire à mon âge actuel, je les ai connues bien plus tôt. Et c'est irréparable.
André
Heureux anniversaire. Je me souhaite en même temps beaucoup d'années à te lire....
RépondreSupprimerHeureux anniversaire André. Que cette année soit heureuse et riche en émotions positives.
RépondreSupprimerama
Indubitablement émouvant, parce que l'émotion passe par les mots et que tu sais les utiliser.
RépondreSupprimerJe suis né en 62, je n'ai donc pas vécu de guerre dont je puisse conserver la conscience. Pourtant le résultat est le même, l'armistice suffit à signifier que nous vivons toujours en état de guerre, et elle a repris de plus belle: aujourd'hui en montant voir ma mère à la maison de retraite, j'ai été frappé par un panneau qui disait "8 mai, fête de la Victoire; pas d'animation"... Fête de la victoire, demain peut-être?
Je pense au titre de Prince "Positivity" -have you had your blood test today?- je ne crois pas que la société aide ni prenne en charge les pestiférés, autrement que de bons rats de laboratoire si nous servons leurs intérêts commerciaux. Je me méfie de tout ce qui est destiné à soigner un public captif; la dimension de condamnation religieuse pèse et ne cède que devant l'intérêt industriel. Il n'y a ni armistice, ni Victoire, à moins que nous ne soyions les bombes humaines d'un nouvel anarchisme?
C'est peut-être un peu trop sérieux ou subversif pour l'évoquer ici? Les hommes ne se rendent pas compte qu'ils sont mortels et "qu'ils ne sont pas heureux" comme dit le Caligula de Camus.
j'allais oublier: donc, joyeux anniversaire, et beaucoup d'autres encore s'il te plaît!
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup ton article rempli de nostalgie et faisant l'aller retour entre un passé proche et le présent je te souhaite un bon anniversaire et très égoïstement plein d'année devant toi pour que nous profitions de ton merveilleux blog.
RépondreSupprimerGrosse bises André
Bon anniversaire André.
RépondreSupprimerJe ne me souviens pas du 8 mai 45, je tétais encore.
joyeux anniversaire!!!!
RépondreSupprimeret dfelicitations pour ton blog, que tu lis "bien aimé"!!!
bonjour, et bon anniersaire, avec un jour de retard. émotion de vvotre article, ma mère est née aussi un 8 mai, juste 10 ans avant vous, en 1926,(décédée depuis 3 ans) et mon père, né le 1ér janvier 1923 est toujours en bonne forme, se prénome andré ! chaque 8 mai,c'était défilé et fète le matin, ensuite anniversaire maternel ! l'an prochain, vous aurez 20 ans pour la 4ème fois, ça se fète ! avec une grosse bise, BD
RépondreSupprimerMerci Messieurs, je suis très touché par vos voeux et commentaires!
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