mercredi 22 octobre 2008
L'art de l'équilibre: toute vie traverse des hauts et des bas
Artiste de l'éphémère, Dan s'exprime à ses heures entre une rivière, la Singine, et un lac, le Léman. L'an dernier, il élevait des tours et des barrages de pierres; cette année il a construit des murs. Et l'an prochain? Il passera "à une autre étape". Sera-ce encore du Land Art? Dan n'est pas homme à vendre la peau de l'ours.
Les premières créations de Land Art ont vu le jour dans l'Ouest américain à la fin de années soixante. Situées dans la nature, utilisant des matériaux offerts par la nature, exposées aux éléments, elles étaient et sont toujours précaires par définition, hors des galeries et des musées, visibles de tous (sans billet d'entrée). Expérience offerte au passant, et non pas réservée aux élites dites cultivées. Pour faire le pédant, je qualifierai ce moyen de communication d'art péripatétique (du grec peripatein, se promener) parce qu'il nous fait signe au cours d'une promenade, au détour d'un chemin, à l'improviste.
Mon pote Dan, la quarantaine, utilise l'énergie du lieu, "cela me relie à la terre mère, cela m'ancre, car j'ai tendance à naviguer avec la tête dans les étoiles". La simplicité brute des matériaux récoltés sur place lui "purifie le mental" pendant qu'il évalue l'équilibre entre les pierres, cherche leur centre de gravité, jauge celles qui conviennent à sa construction. Il observe à distance, prend en mains, palpe les formes, choisit en fonction de la pierre précédente. "Tout est lié. Certaines pierres ne conviennent pas, ne sont pas mûres. Je les rejette même si je pense qu'elles m'ont appelé."
Une occupation de solitaire? "Ma copine m'encourage. Elle dit que c'est quelque chose qui me ressemble." Dans la conversation, on perçoit que Dan est en quête perpétuelle du sens de la vie. Enfant et jeune homme, il a connu des épreuves déchirantes, des coups du sort presque insurmontables. Il lui a fallu du temps. Il a surmonté. A mes yeux, ses créations expriment harmonieusement les efforts pour se reconstruire, les passages d'une étape à l'autre. Élévation, fragilité, protection, équilibre, destruction toujours possible. Et force d'âme pour aborder de nouvelles installations, continuer "à chercher l'équilibre -- toujours fragile -- dans le déséquilibre général". Il considère qu'il se trouve sur cette terre "pour y mettre de la beauté", indépendamment, précise-t-il, des valeurs du monde actuel.
Petite anecdote sur la précarité du Land Art. Durant l'été, Dan avait construit ce mur sinueux au bord du Léman, sur la plage de la Budaz que gère la commune d'Épesses (célèbre pour sa chasse aux naturistes bien sages qui y prenaient le soleil depuis des décennies). Or l'employé communal a reçu l'ordre de démolir l'oeuvre et de niveler le sol. Ce qui fut fait. Poliment, Dan a adressé une lettre à la mairie pour en demander la raison. Madame le Syndic (c'est ainsi qu'elle se désigne) lui a répondu, le priant "de considérer la Budaz comme une plage et non comme une salle d'exposition à but artistique". Dont acte.
|| Ulysse -- Photos: Dan -- Pour tout message à Dan, commande de photos, création de tour dans un jardin, prière d'utiliser la rubrique commentaires ci-dessous. Ulysse transmettra à l'intéressé.
C'est magique! Je comprends pas comment Dan fait tenir les pierres les unes sur les autres. Je sais qu'on utilise pas de colle ce serait tricher mais je regrette parce que les tours tiendraient plus longtemps debout. Dan, bravo et merci!
RépondreSupprimerSniff, l'été est fini...
RépondreSupprimerJe suis passé quelques fois à Epesses. Avais admiré les oeuvres en pierres. Heureux de faire la connaissance de l'artiste.
RépondreSupprimerCette plage est vraiment moche depuis que la municipalité a fait couper les bambous. Alors les statues en pierre apportaient du bonheur. J'habite pas loin, c'est pourquoi je signe seulement Robert (le trouillard).
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