mercredi 14 octobre 2009

Urs, omnisexuel avec un coeur hétéro


I
l était appuyé à la balustrade du quai de gare, regardant le lac et les montagnes de Haute-Savoie à l'horizon. Blond paille à teint pâle, la trentaine, sac au dos. Je me suis arrêté parce qu'il tenait un verre de vin rouge à la main, un verre à pied. "Vous buvez du rouge, mais la vigne ici produit du blanc!" Il a rassemblé ses quelques mots de français, a dit qu'il savait, qu'il venait dans la région trois ou quatre fois par an pour déguster et acheter des vins, toujours au même producteur. Qu'il aimait connaître la provenance de ce qu'il buvait ou mangeait. Que le vigneron-encaveur et sa femme n'avaient pas eu le temps de le recevoir; ils vendangeaient.

Urs, appelons-le ainsi, vit dans la campagne zurichoise. Agriculteur jusqu'il y a peu, il a vendu sa ferme et a choisi le métier de serrurier. Le lait ne rapportait plus assez. Lorsqu'il est libre, il prend une carte journalière de chemin de fer, circule à travers la S
uisse et revient à minuit dormir dans son lit. Loin de son village, il se sent libre de faire de nouvelles connaissances, c'est tout ce qui lui plaît. Non, il n'est pas marié. Les femmes avec lesquelles il sort se révèlent contrôlantes, comme sa mère. Néanmoins, il aimerait se mettre en ménage. Je lui parle des thérapies brèves qui permettent, possiblement, de dépasser l'échec. On s'y consacre pour progresser dans sa vie, comme on participe à l'entraînement pour se perfectionner dans son sport.

Un train s'arrête, Urs reste à quai. Il a tout l'après-midi devant lui. Et envie de nager? Je l'invite à me suivre un peu plus loin, sur les rochers, à l'abri des buissons épineux. Tout le monde y est à poil. Cela ne le gêne pas, dit-il.
Il range son verre dans le sac car la descente sous les arbres est abrupte. Nous nous installons, il sort son verre, une nouvelle bouteille et continue à boire en suisse. (Je ne pourrais pas, j'ai grandi dans une famille nombreuse.) Nous nageons. Lui pas longtemps. Lorsque je reviens, il est en train de se tirer le pompon. Et me raconte ses aventures. Par exemple Laura, qu'il a rencontrée dans un club -- un bordel, en fait. "Tu paies un prix forfaitaire [si j'ai bien compris son allemand] et tu peux avoir toutes les femmes présentes." Il choisit Laura, elle répond: "Moi, ce sera pour le dessert!" Et à l'heure du dessert, en effet, Laura lui taille une plume d'enfer -- expérience inoubliable. Il retourne au club, mais Laura s'est mariée entre-temps. Urs constate: "Je l'aurais bien épousée."

Il continue à boire, évoque une autre pipe, tout aussi puissante, prodiguée par un mec. Ah! nous abordons l'autre versant. Il y circule à l'aise, son pompon aussi. Urs raconte l'achat d'un gode pour son usage personnel; la vendeuse l'aide à choisir. Il songe à se faire enculer, tellement il tire de plaisir de son jouet. Par une femme? Non, un mec. "Dont tu serais amoureux, ou n'importe quel type?" "Un gros calibre!" Quant à l'amour, il n'en est pas question entre Urs et un autre homme. Son amour, il le réserve aux femmes. Avec les gars, cela se joue uniquement en-dessous de la ceinture; pas de baisers, pas de fantasmes sur le physique (à part la bite), juste une question de jouissance.
Urs échappe aux catégories. "Je suis un homme libre."

Il tient remarquablement le vin. Comme un alcoolique. Pas facile de rencontrer l'épouse qui vous accompagnera jusqu'à la guérison -- non pas des mecs, ni de la liberté, mais du poids que l'indépendance vous fait porter si vous êtes... suisse.


Ulysse

2 commentaires:

  1. Bon portrait d'omnisexuel. Merci!

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  2. Est-ce que la société des hommes et des femmes continue à mettre à l'écart des types comme lui et moi parce qu'on entrent pas dans les cases acceptables?

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