Nous les gays, nous connaissons mieux le fonctionnement des mâles [de toute orientation] qu'aucune d'entre vous, Mesdames, fussiez vous escorte ou conseillère conjugale. Nous en avons rencontré des centaines, voire des milliers. Certains des dieux, certains de satyres, d'autres des ploucs. Nous savons entrer en eux, les pénétrer jusqu'à l'âme; et nous nous délectons de leur chair, même des bas morceaux. 1) Nous pouvons aimer les hommes à la folie -- c'est pourquoi on nous taxe parfois de folles. 2) Appartenant nous-mêmes au sexe dominant, nous sommes peu tentés de vivre en femme -- sauf pour rigoler. Nous avons cependant développé notre part féminine parce qu'il a nous souvent fallu feindre ou dissimuler pour sauver notre peau. Et nous avons appris la technique de base du jiu jitsu qui est le renversement de la situation. Un satyre me fonce dessus, au lieu de me battre je me penche sur le côté et le laisse tomber dans son élan. Il veut m'embrasser de force ? Au lieu de repousser son visage, je plante mon genou là où c'est efficace. Si le satyre insinue: "Tu serais pas pédé, si ça se trouve ?" Je réponds sur un ton faussement séduisant: "C'est pour me demander de vous enculer ?"
Nous les gays vivons dans l'ambivalence: face à celles et ceux qui ignorent notre orientation, nous bénéficions du statut masculin; sinon, nous sommes relégués en troisième classe, en-dessous des femmes, au-dessus des autres minorités. Ce week-end, Mesdames, celles d'entre vous qui le peuvent, ou le veulent, descendront dans la rue pour manifester votre colère face à une société suisse qui reconnaît votre droit à l'égalité et s'efforce d'en freiner la mise en oeuvre. Il y a 2430 ans, la révolte des femmes contre le pouvoir et la mauvaise gestion politique des machos était déjà un sujet d'actualité. Lysistrata d'Aristophane, une comédie grecque fort épicée datant de 411 avant notre ère, raconte une grève du sexe que les femmes d'Athènes et de Sparte organisent pour faire cesser la guerre entre ces deux villes.
Père de famille, Aristophane mettait en scène des gens simples qui attaquaient les politiciens arrogants, la caste des va-t'en-guerre et les "élites" comme on dit aujourd'hui. Sa moquerie féroce et juste faisait hurler de rire les spectateurs qui se sentaient d'autant plus vengés que les acteurs s'adressaient directement aux puissants de la cité assis au premier rang. C'était un peu comme les cabarets politiques actuels, mais beaucoup plus axé sur les vrais problèmes de société et d'une belle obscénité. Avec le plaisir qu'apporte une pièce de théâtre bien ficelée et proche de la comédie musicale. Père de famille disais-je, Aristophane figure aussi parmi les invités du Banquet de Platon où il défend sa thèse sur l'amour. Lui -- qui critique parfois dans ses oeuvres la banalisation de la relation entre un homme et son jeune amant -- narre le mythe de l'androgyne dans son explication des origines de l'humain. Cela passe par la division de l'être unique en deux sexes, séparation qui engendre la violence que nous connaissons aujourd'hui entre les genres et les orientations. [Pardonnez mon imprécision, j'ai lu Le banquet dans ma jeunesse et ne l'ai plus ouvert depuis.]
Revenons à la comédie. Plusieurs pièces d'Aristophane racontent -- ce sont malheureusement des fictions -- comment il retourne le cliché "La guerre est l'affaire des hommes et la maison celle des femmes." Pour faire évoluer cette situation, et beaucoup d'autres, les femmes disposent d'une arme dont aucune loi ne peut interdire la possession ni l'usage. Pour mettre fin à la guerre entre les villes d'Athènes et de Sparte, la belle Lysistrata invite les femmes des deux camps à entrer en grève de l'amour. Elles sont d'accord parce qu'elles tremblent pour la vie de leur mari et leurs fils et que l'argent manque depuis qu'il sert à acheter de l'armement. Mais elles hésitent: elles ne voudraient pas se priver des bonnes baises pendant les trêves. Finalement elles acceptent, désertent le foyer et affrètent des bateaux. Un Spartiate résume: "C'est douloureux pour elles de roupiller sans une bite. Mais on a besoin de la paix, alors elles ont raison."
Ensuite elles s'attaquent à la banque, c'est-à-dire au trésor de guerre caché dans l'Acropole. Le choeur des vieux réacs (on est au théâtre) veut bouter le feu pour les éloigner, elles s'arment de cruches d'eau. Un ministre tient son discours de routine: la guerre est une affaire de mecs. Elles le ridiculisent en le déguisant en femme. Comme on l'imagine, les guerriers des deux camps souffrent de ce que les Ricains appellent les blue balls. Et des femmes en rut désertent les grévistes pour divers motifs. Un homme essaie de culpabiliser son épouse en amenant leur enfant qu'elle a laissé à la maison. Elle se montre séduisante, caressante, et dit non. Finalement les guerriers ne supportent plus leurs couilles bleues. C'est le MeToo inversé. Ils sont forcés de signer l'armistice et organisent un banquet.
André
P.S. Ce 14 juin en Suisse romande, des femmes membres du parti de la droite conservatrice UDC organisent un repas dont le bénéfice sera versé à une organisation luttant pour interdire l'avortement.
belles images!
RépondreSupprimerBonjour!
RépondreSupprimerJe vous félicite une fois de plus pour la tenue de ce blog qui m'a beaucoup appris et ravi les yeux par vos choix iconographique de très grande qualité.
A ce propose je voudrais connaître le nom de l'artiste qui a réalisé cette virile icône en couleurs vives orangées glorifiant les testicules et le sexe Masculin et évoquant le dieu Kernunos. Image qui se situe en bas de votre page: "Et si on se tenait par les couilles pour faire cesser la guerre?".
Par ailleurs j'aimerais que les photographes soient cités quand c'est possible pour pouvoir découvrir leur oeuvre par ailleurs.
Recevez mes sincères salutations.
Philippe Pillon.
Bonjour Philippe !
RépondreSupprimerMerci pour ce commentaire sympathique !
À propos du dieu gaulois Kernunos, je ne puis pas vous enseigner. Ce blogue date d'il y a plus d'une année... Quant aux noms des photographes, ils sont rarement mentionnés sur la toile. Lorsque je connais la réputation du photographe et le considère comme un artiste, je publie son nom.