Dans une conversation entre mecs, on peut prononcer les mots les plus
grossiers, déverser les plus orduriers sans choquer, c'est une preuve
de virilité. Néanmoins, un terme demeure hors limite, imprononçable:
abstinence.
L'abstinence, c'est se priver d'un verre de vin parce qu'on est
alcoolique, renoncer à la chair animale parce qu'on est végétarien et à
la chair humaine parce qu'on est un ecclésiastique. Cher humain
masculin, je comprends ton calvaire chaque fois qu'on t'encourage à
demeurer chaste en présence d'un nouveau virus. Tu es plein de bonnes
intentions, comme un curé auquel on ordonne de se châtrer
spirituellement. Mais le bout dur reprend bientôt le dessus.
Cette bougre de variole du singe nous presse d'entrer en abstinence tant
qu'un vaccin performant ne sera pas à disposition. De ne tenir dans nos
bras que des partenaires sûrs. Grâce au covid, on sait ce que cela
signifie. Patienter le temps nécessaire pour vérifier avant d'agir, puis
patienter de nouveau avant de réitérer. De plus, cette épidémie ayant
été véhiculée par "des hommes qui ont des
relations sexuelles avec des hommes" il faut vaillamment supporter la
stigmatisation avant que la maladie ne frappe les gens qui se
croient à l'abri. En Afrique, elle affecte aussi les enfants.
J'avais passé 40 ans lorsque l'épidémie du sida s'est abattue sur nous.
Au début, on ne savait pas comment le HIV se propageait. Nous passions
tous pour des pestiférés. Les hétéros nous tenaient à distance. Puis,
grâce à des campagnes d'information apaisantes, le public est devenu
bienveillant, les familles qui ne visitaient pas leurs fils à l'hôpital
sont venues sur la pointe des pieds... prendre congé de lui. Au début,
ils mourraient tous. La nouvelle variole est beaucoup moins dangereuse,
mais plus perfide. Car, bien que n'étant pas ce que l'on nomme une
"infection sexuellement transmissible", elle s'attrape surtout au cours
de contacts physiques.
Attention ! On a déjà répertorié des victimes féminines. Vous
imaginez l'embarras d'une femme défigurée par des ganglions
lymphatiques. Et chez ces hommes qui passent pour hétéros, mais
fricotent parfois avec des mecs, les ganglions au museau ce sera la fin
de leur couverture vis-à-vis de l'épouse, des enfants, de leurs
coreligionaires, leur employeur, leurs copains de sport... Parce qu'ils
n'auront pas su se retenir à temps, pas pu se faire vacciner, pas osé
informer leurs contacts ni consulter leur médecin. Où pourront-ils se
cacher en attendant la guérison ? Prendre l'avion pour fuir: pas
possible, les autres passagers les expulseront avant le départ.
Tandis que le nouveaux virus continue à occasionner douleurs et
embarras, ses prédécesseurs poursuivent leur carrière et d'autres
fourbissent leurs armes. Beaucoup de colère et de larmes dans l'air en
cette fin d'été ! Alors qu'on espérait oublier les tracas des deux
dernières années. En même temps, une guerre imprévue étend ses dégâts...
Qu'est-ce qu'un vieux loup comme moi peut en tirer ? J'ai connu la
deuxième guerre mondiale à l'abri d'un pays neutre; comme beaucoup de
mes contemporains, j'ai soigné et enterré des victimes du sida; ma
demi-soeur et mon demi-frère qui ont été tués par leur mère m'ont
toujours manqué, même avant que je connaisse leur existence; mon premier
grand amour a été tabassé à mort; le deuxième a été
terrassé par un cancer...
La mort des autres nous apprend à vivre et à ne pas craindre le grand voyage vers un autre monde. Le
rejet que subissent tant de personnes LJBTQ+ nous mène au désespoir ou à
l'espoir que les circonstances changeront. Je n'ai jamais douté de la
légitimité de mon orientation sexuelle, même si mon entourage a supplié
Dieu et ses comparses de me guérir. Ce Dieu-là, ou un Plus Éclairé, m'a
prédestiné à d'autres tâches plus passionnantes et pertinentes. Avec
beaucoup d'autres gars à travers le monde, j'ai participé aux campagnes
de libération des gays, jusqu'à ce que la société nous considère comme
des êtres égaux. Il en a fallu du temps ! Mais je n'imaginais pas, dans les années 1970, que j'aurais
de mon vivant la possibilité de me marier. Lorsqu'on en parlait, je
disais: "Oui j'épouserai une vache, et elle aura plein de cornes tellement je
la tromperai avec des mecs !"
André
| La main, parfaite partenaire...
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| À quand le vaccin libérateur ?
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| Danger, même sans pénétration.
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| Danger de contact humide.
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| Danger de contact peau à peau.
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Le virus qui selon la presse affecte "les hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes" est, comme tu le déclares, André, beaucoup plus tolérant et pas du tout hétérophobe. On signale que des femmes sont infectées, probablement pas par des gays... Et maintenant c'est un lévrier qui a choppé le virus de ses maîtres, à Paris.
RépondreSupprimerQuant à vous, les Suisses, je lis que dans votre pays, les gays sont en colère contre leurs autorités fédérales qui n'ont pas encore autorisé l'usage du vaccin.
abstinence ou fidélité, pour ceux qui ont un petit ami/mari/partenaire.
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