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Je n'ai lu que les dix premières pages de Blutbuch et, si jamais ce livre plein de jeux de mots devait être traduit en français, il faudrait que ce soit par un/e acrobate des deux langues. Le titre signifie Le livre de sang, mais laisse aussi entendre qu'il s'agit du hêtre aux feuillage pourpre. Durant son discours de remerciement pour l'attribution du prix, Kim de l'Horizon a commencé à se raser une mèche de cheveux en déclarant: "Ce prix n'est pas seulement pour moi", exprimant ainsi sa solidarité avec les femmes iraniennes qui prennent actuellement beaucoup de risques. Il estime que ce prix pourrait aussi être un signe politique alors que les corps non masculins sont encore discriminés et tant de droits restreints.
Dans le premier chapitre de Blutbuch, un/e narrateur/trice non binaire fait l'inventaire des défauts et des qualités des membres de sa famille, y compris de celles et ceux à qui ile n'a pas révélé officiellement "cela", c'est à dire son identité, mais devant qui ile s'est parfois présenté/e avec du maquillage. Ile a grandi dans un milieu besogneux et vit maintenant à Zurich où ile se sent à l'aise dans son corps et sa sexualité. Lorsque sa grand-mère tombe dans la démence, ile commence à explorer son propre passé et se demande pourquoi ile ne se souvient que de quelques épisodes de sa propre enfance. Qu'est-ce qui s'est passé lorsque la sœur de la grand-mère a disparu et pourquoi la grande-tante est-elle morte si jeune ? Ile se révolte contre la culture du silence imposée par sa propre mère. [Cela me touche parce que je me demande aussi pourquoi mon père et son père n'ont jamais évoqué leur jeunesse.]
"Il y a tant de mystères enveloppés dans le silence parce que nous n'avons pas de contact ni de ressources pour travailler sur la douleur, pour laisser la douleur s'exprimer. Le silence est comme une armure qui emprisonne nos douleurs." Or voilà que, depuis l'octroi de son prix, Kim de l'Horizon fait l'objet de nombreuses attaques et menaces en Allemagne. Elles proviennent de personnes qui se laissent empoisonner par leurs propres douleurs et les déversent sur autrui. Les éditions Dumont ont fait appel à un service de sécurité pour assurer la protection de l'écrivain/e.
Voici un échantillon des remarques haineuses. "Si l'auteur avait été hétéro et de race allemande, il n'y aurait pas eu de prix, ni de si nombreuses louanges dans les médias." "Tout le monde ne voit pas forcément, dans un pissoir cassé et recollé, un hommage à Marcel Duchamp. Mais certains oui." "En tant que personne binaire, j'ai trouvé le contenu répugnant. L'auteur doit avoir un immense problème psychique." "Cet ouvrage est très important parce qu'il incarne l'imbécilité de notre société queer. C'est un livre dégueulasse qui devrait être interdit. Une propagande woke, perverse et malade." "Dès lors que les homosexuels et les transgenres ne dérangent plus personne, place aux binaires. Qui gagnera le prochain prix ? Un roman sur le sexe avec des appareils ménagers ?" Je vous fais grâce des fulminations les plus ordurières et menaçantes.
Si l’on se sent non binaire, on peut se concevoir en même temps mec et nana, sinon un mélange ou aucun des deux. Notre société ne reconnaît en principe que deux genres. Elle doit maintenant apprendre et comprendre ce qu'est la fluidité entre ces deux catégories ainsi que découvrir la non-binarité; elle a toujours existé, mais on ne l'acceptait pas, la traitant de maladie mentale. S'affirmer non binaire, c'est faire connaître son identité de genre. Se classer parmi les queers, c'est indiquer son orientation sexuelle. Il y a des occasions où un/e non binaire peut se sentir plus femme ou plus gars sans du tout être transgenre. L'important est d'être soi-même et bien accepté.
André
la non-binarité; elle a toujours existé, mais on ne l'acceptait pas, la traitant de maladie mentale. Comme l'omosexualité.
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RépondreSupprimerJ'ai repensé à ceux qui m'ont permis ma sortie du placard.
Tu en as fait partie. Coming out réalisé en 2018.
Aujourd'hui, reconnaissance exprimée par un militantisme affirmé.
Merci André !