| L'acteur et le poète.
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C'est la vie de deux artistes qui ont développé l'art d'aimer de
nombreux hommes tout en restant attachés l'un à l'autre et en
développant leur passion des arts. Entre Jean Cocteau (1889-1963),
créateur le plus hétéroclite de son époque et Jean Marais, devenu un
acteur populaire de l'après-guerre (malgré l'homosexualité qu'il ne
cachait pas) la différence de 24 ans n'a pas posé de problème. L'aîné
était à la recherche d'un comédien aux traits d'éphèbe et, parmi les
nombreux gars auditionnés ce fut l'autre Jean: "Je ne l'ai pas connu, je
l'ai reconnu".
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| Les deux Jean sur la Côte d'Azur en 1939.
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Le jeune comédien maladroit et à la voix peu virile témoigne: "Je suis
né deux fois, en décembre 1913 et ce jour de 1937 lorsque j’ai
rencontré Jean". Dans
Œdipe Roi l'auteur avait modernisé le
mythe et l'acteur se fit huer. Peu importe. L'aîné tombe amoureux et le
déclare. Le cadet répond que lui aussi... C'est un mensonge pour obtenir
un rôle. Finalement, il sera séduit par les multiples talents de
Cocteau. Le Pygmalion et son protégé s'installèrent dans un appartement
et le cadet qui officia à la cuisine. Jusque-là, Cocteau n'avait jamais
quitté sa mère. Il fumait de nombreuses pipes d'opium malgré plusieurs
cures de désintoxication.
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| Je ne me compare à aucun des princes de la terre.
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L'auteur entreprend l'éducation culturelle de son amant. "Quand j’ai
rencontré Cocteau, je souffrais de me sentir imbécile. J’avais un énorme
complexe. Très vite, il me l'a enlevé en me montrant que la bêtise
n’était pas ce que je croyais: je la confondais avec
l’inculture." Ensemble, ils fréquentent de Proust à Picasso, le grand
monde de la littérature et de la peinture. Et aussi celui de la danse.
Peu à peu, l'acteur acharné devient un espoir du théâtre. Et dans
Les Parents terribles,
il est vivement applaudi. "Il était déjà dans sa loge, déshabillé. Il a
fallu qu’il remette son costume, et il a eu droit à une trentaine de
rappels."
| Les matelots Marcel et Pierrot en 1931.
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La deuxième Guerre mondiale envoie Jean Marais au
front. "Tu es ma patrie" lui écrit Cocteau, effrayé de le
perdre. Après la débâcle, le soldat retourne à Paris. Les deux Jean se
font étriller par un journal
collaborationniste et antisémite. Puis l'acteur prend ses distances
vis-à-vis de son mentor et se lance dans la mise en scène de théâtre.
Pour
Britannicus de Racine,
il exécute aussi les costumes,
les décors et incarne le personnage de Néron. Cocteau développe sa
créativité dans le cinéma -- revoyez
L'Éternel retour -- et
réserve de splendides rôles à son ami comédien qui devient le jeune
premier athlétique préféré de ces dames, mais pas que d'elles...
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| Tournage du "Testament d'Orphée".
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| En compagnie de George Reich.
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Les carrières d'abord communes puis de plus en plus dissociées des
deux hommes vont continuer à se développer et s'approfondir
magnifiquement. En 1950, Cocteau s'attache à "Doudou" le jardinier de
leur demeure à Milly-la-Forêt, tandis que Marais s'engage dans une
liaison avec le danseur étoile George Reich. Elle s'achèvera au bout de
neuf ans par une rupture très douloureuse. Ce qui l'amènera au bord du
gouffre. Après avoir tourné dans de nombreux films, il entrera dans la
zone du déclin professionnel et des dettes monstrueuses étant donné son
train de vie. Il se retirera de la vie mondaine et deviendra un potier
doué.
André
| L'éphèbe Jean. |
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| Portrait de George par Jean.
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P.S. Permettez un souvenir personnel. En 1962, j'ai 26 ans et je
rencontre un homme qui va compter dans ma vie. Philippe est chirurgien,
17 ans de plus que moi et, ce que j'ignore, père de famille, divorcé,
fraîchement remarié. Durant notre première nuit ensemble, il dort
paisiblement, je reste éveillé et Moon River -- la mélodie du film Diamants sur Canapé (Breakfast at Tiffany's)
que je viens de voir -- tourne dans ma tête. Lorsque nous passons un
premier week-end ensemble, à Paris, nous allons dîner dans un restaurant
qui accueille volontiers notre genre. À la table à côté, Jean Marais
s'entretient avec un beau garçon que j'imagine danseur. Ce n'est
probablement plus George Reich...
| En 1978.
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Très intéressant et je suis ravi des magnifiques dessins de Jean Cocteau
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