dimanche 31 août 2008
Aux yeux d'un homme occidental, un vrai mâle c'est...
"Les hommes échappent aux stéréotypes en ce qui concerne leur définition de la virilité." C'est ce qu'annonçait un communiqué de presse largement repris lundi dernier. Intéressant; pourtant il y des raisons de se méfier... Une recherche participant au grand projet "Erectile Dysfunction and Constructs of Masculinity and Quality of Life in the Multinational Men's Attitudes to Life Events and Sexuality (MALES) Study" a été menée en 2001 auprès de 27.839 mâles âgés entre 20 et 75 ans (parmi lesquels 16% annonçaient des problèmes érectiles) dans plusieurs pays d'Europe occidentale, en Amérique latine et aux États-Unis. "Nous allons parler des stéréotypes courants au sujet de l'identité masculine," disaient les enquêteurs pour présenter leur questionnaire aux participants.
Les résultats ont été publié dans le Journal of Sexual Medicine dont le communiqué angélique déclare en préambule: "Contrairement aux stéréotypes véhiculés au sujet de la performance sexuelle et de la virilité, les participants à une grande étude internationale affirment que d'être considérés comme des hommes d'honneur, indépendants et respectés est plus important pour leur conception de la virilité que d'être perçus comme attirants, dynamiques sexuellement et rencontrant du succès auprès des femmes. L'âge ou la nationalité ne changeaient rien au fait qu'une majorité d'entre eux donnait plus d'importance à la santé, à une vie de famille harmonieuse et une bonne relation avec leur épouse ou partenaire qu'à des priorités matérielles, personnelles ou purement sexuelles.
Quels types merveilleux, qu'ils ont bien répondu, ces prototypes du beau-fils idéal! Là déjà, mon radar sonne l'alerte... Et plus encore en lisant ceci: "On n'enregistrait pas de différence dans le choix des caractéristiques viriles et de la qualité de vie entre les hommes qui connaissaient des difficultés érectiles et les autres." Pour en avoir le coeur net, je consulte le rapport d'origine. Et voici: dans la liste des chercheurs qui l'ont rédigé, le premier mentionné est Michael S. Sand, un collaborateur de Bayer Shering Pharma, la boîte qui commercialise le Levitra, concurrent du Viagra. Tirée du rapport, la conclusion vaut son pesant d'or. "Le résultat [que cette étude met en valeur], selon lequel les hommes placent leur santé au-dessus des autres perceptions de la qualité de vie devrait être exploité pour inciter ceux qui souffrent de dysfonction érectile à consulter un médecin." Et comment les convaincre de révéler ce problème encore jugé humiliant pour nombre d'entre nous? "La demande d'aide médicale devrait être considérée comme un acte responsable entrepris par des hommes respectés et honorables qui ont le courage de prendre leur santé en main pour le bien-être de leur famille et de leurs relations avec leurs partenaires."
Ô! bandez honorables messieurs, le médecin et l'inducteur d'érection vous soutiendront dans ce devoir citoyen!
|| Ulysse +++ Illustrations: "Dickhead Platter" (Assiette tête de noeuds), céramique de Susan Snyder. "Autoportrait en toge d'or", Odd Nerdrum, 1997.
mercredi 27 août 2008
Un remariage sans divorce ni mort préalables
Un très cher ami s'est remarié la semaine passée, c'était un mariage d'amour et de raison. Mais d'abord, comment qualifier notre amitié? D'autant que je puisse en juger, elle a commencé sans que nous nous en rendions compte. Pudiquement, même si nous sommes très directs dans nos conversations, n'éprouvons aucune gêne à nommer les choses par leur nom, à aborder les sujets embarrassants, mortifiants même pour la fierté mâle.
C'est bon d'avoir un tel ami.
Nous nous voyons une fois par semaine. Certains problèmes ne font pas surface avant longtemps, car celui que cela concerne veut être sûr de son coup -- ou du moins assez lucide -- avant d'en parler à l'autre. Pour atteindre mon âge, il faut doubler le sien. L'écart nous offre des perspectives différentes sur la vie. J'admire sa faculté de tenir la ligne dans les projets (que je suppose) essentiels pour lui, tout en modifiant à vue le parcours. Sur un coup de tête, il peut changer d'habitat, de pays, de manière de vivre (ou de s'alimenter) tout en restant fidèle à sa vocation.
Cet ami s'est remarié avec l'homme qu'il appelle son "mari" depuis qu'ils se sont pacsés il y a quelques étés. [Note à l'attention des revenants: dans ce type de couple, il y a deux maris; inutile de se demander qui "fait la femme", compris?] Le premier contrat de partenariat des deux gars était d'ordre cantonal. Le "pacs" national que les citoyens de ce pays ont approuvé depuis, par votation, est une version améliorée; le couple a donc fait les démarches pour l'obtenir. La semaine dernière, durant la signature, le fonctionnaire d'état civil s'est étonné que les deux hommes soient venus sans accompagnants, disant: c'est une fête de la joie, elle mérite d'être partagée!
La première cérémonie de "mariage" rassemblant les deux familles, dont beaucoup de parents venus de loin -- géographiquement, mais aussi en ce qui concerne la culture et la religion -- s'était déroulée de façon chaleureuse, sans qu'aucun préjugé ne ternisse la joie. Alors, pour son deuxième contrat, le couple a choisi l'intimité, connaissant par expérience tout ce que cet engagement contient d'émotion et d'interrogations, l'un vis-à-vis de l'autre.
Gay, homos, pédés: vous pouvez nous appeler comme vous voulez; proportionnellement à celui de la population totale, notre nombre n'a pas augmenté depuis cinquante ans. Mais nous sommes sortis du bois. Cela, grâce aussi à celles et à ceux qui nous ont soutenus ou... combattus. Les gens que cela effraie veulent maintenant nous interdire l'accès au "vrai mariage", imaginant (on ne sait par quelle phobie) que cela ternirait le leur. Ces deux hommes ont passé devant l'état civil pour manifester l'un à l'autre et devant le monde qu'ils veulent s'aimer, se respecter et se soutenir sous le soleil et sous la pluie. Comme les autres. En s'engageant, ils se sont probablement demandé si cela durerait jusqu'à ce que la mort les sépare. Comme les autres.
|| Ulysse -- Photos empruntées à Tenacious Alabaster Fig, blogue de Ricola.
lundi 25 août 2008
Le plus grand baisodrome au monde a fermé ses portes
La fin de J.O. avec l'érection d'une tour phallique au milieu du stade, marque aussi le baisser de rideau du plus grand baisodrome de la terre: le Village olympique. Pas difficile d'imaginer ce qui se passe dans un lieu débordant de jeunes athlètes surentraînés; sportifs bourrés jusqu'à la gueule de produits présumés amplifier leurs capacités physiques et leur combativité; femmes et hommes qui se sont imposé de grands sacrifices et peu de loisirs pour arriver au sommet. Durant les premiers jours des jeux, certains s'attachent encore à un régime monacal avant de participer aux compétitions. Puis au fur et à mesure que leurs jeux sont faits, elles/ils se lâchent.
Celles, mais surtout ceux qui ont déjà accumulé des années de réussites ont l'habitude de voir s'agglutiner des proies faciles autour de leur personne. Quant aux vierges du succès, elles/ils n'en croient pas leurs hormones. Le lieu est baigné d'oestrogène et de testostérone qui affolent les filles alors que les garçons ne savent pas où donner de la (petite) tête qui ne débande plus. C'est l'éruption. Seuls quelques caractères très forts, ou fidèles à leur amour au loin, sinon coincés résistent au mouvement général -- mais ils ne peuvent pas dormir tant les lits grincent à travers le village, tant les gens pètent les plombs, boivent et bouffent tout ce qui leur a été interdit durant l'entraînement, puis dégueulent et baisent partout.
A Beijing, les organisateurs ont pris les devants et distribué les capotes: c'est un accessoire très banal de la vie chinoise où seul un enfant par couple est autorisé en ville. De plus, ils savent que les sportifs de pointe possèdent une libido volcanique qui explose après l'exploit.
Et là, il nous faut redescendre de l'Olympe: les déesses et les dieux du stade conduisent leur choix de la même manière que nous autres humains. Le type bardé de médailles, et celui qui en a presque décroché une (aussi grotesques et balaises soient-ils sans leur couronne de lauriers) attirent la foule des femmes en folie. En revanche, les belles athlètes qui ont gravi les marches du podium paraissent redoutables et inaccessibles à beaucoup d'hommes. Le succès et la fortune -- avec ou sans muscles -- rendent un homme sexy. Alors qu'une femme dans la même situation est encore jugée peu féminine, voire dangereuse dans son esprit de compétition. Ces attitudes sont profondément ancrées en nous. Elles permettent un choix judicieux des partenaires en ce qui concerne la reproduction -- mais pas forcément l'évolution du couple; elles ne sont plus adaptées à notre manière de (chercher à) vivre dans l'égalité des chances et des choix.
|| Ulysse Photos Reuters
vendredi 22 août 2008
John Edwards (2): Dieu et son épouse lui ont pardonné...
Il est probable que John Edwards (à droite, dans la pose du repentant) n'a de loin pas révélé l'étendue de son affaire extra-conjugale dans sa confession à la télévision américaine [Case des hommes, 11 août]. Peu importe, sinon que la manière dont un homme gère ses crises privées est révélatrice de ses compétences politiques et diplomatiques. Un mec qui parle trop du merveilleux couple qu'il forme depuis trois décades avec son épouse -- et qui met en avant dans sa campagne le cancer de celle-ci -- doit s'attendre au pire s'il n'est pas irréprochable; ses concurrents dans la course présidentielle -- qu'ils appartiennent à son parti ou soient républicains -- ne manqueront pas de glisser une peau de banane. Donc: un tabloïde (bien informé) suit Edwards à la trace depuis une année et promet encore beaucoup de révélations. Sur ses amours et sur les fonds détournés pour couvrir l'affaire? John devrait normalement se retirer de la scène politique. Non. Son apparition à la télé était encore un moyen de se mettre en avant et de contrôler le script en habile avocat et millionnaire qu'il est. "Mon Dieu et mon épouse m'ont pardonné, donc je vais de l'avant."
Pourquoi les "valeurs familiales" et "Dieu" sont-ils si souvent jetés en pâture aux électeurs américains? Ces deux concepts ont colonisé les terres amérindiennes avec les Pères pélerins (protestants fondamentalistes) et les Irlandais (farouchement catholiques). C'est pourquoi McCain et Obama ont affirmé en choeur, l'autre dimanche, et dans une église, qu'ils étaient born again, des chrétiens confessants pur jus.
En 1999, lorsque Clinton se trouvait sur la sellette, incapable de gérer son affaire Lewinsky avec un peu de pudeur et d'autorité présidentielle, John Edwards avait déclaré, outragé: "Ce président ne s'est pas montré à la hauteur de sa charge; il n'a pas respecté la dimension morale de sa responsabilité de chef, il a failli à ses amis, à son épouse et à sa précieuse fille. Cela me stupéfie que l'on puisse à ce point manquer à son devoir."
Alors, qui a mis le tabloïde sur la piste? La philosophe Hannah Arendt estimait que politique et bonne foi ne sont pas compatibles. Donc, un conseil aux politiciens (et aux coureurs de jupons): ne vous embarquez jamais dans un sujet délicat ou un jugement hâtif que l'on pourrait vous resservir plus tard!
|| Ulysse
mercredi 20 août 2008
Les masculinistes, comme les féministes, pataugent dans le yaourt
Roy Den Hollander est avocat et il prend la défense des hommes au sérieux. Il a établi un fonds pour plaider la cause des mâles dans toutes les inégalités que nous rencontrons face aux femmes. "Je suis sûr, écrit-il dans son appel d'argent, que la majorité d'entre vous s'est donné beaucoup de peine et pourtant vous vous êtes fait ratisser sur des charbons ardents par les femmes et par notre société." "Les noms des donateurs ne seront pas publiés," précise-t-il pour rassurer les courageux couillons.
Hollander a porté plainte en justice contre les night-clubs new-yorkais qui offraient des prix d'entrée réduits aux femmes. Il a aussi attaqué l'État, demandant l'abrogation d'un paragraphe protégeant les étrangères dans la loi sur la violence contre les femmes; il demande l'interdiction de la circoncision des bébés, pratique courante aux États-Unis. Cette semaine, il s'attaque à l'Université de Columbia qui propose des cours concernant les problématiques des femmes (women's studies). L'uni utiliserait des fonds d'État pour promouvoir "un système de croyances appelé féminisme". L'avocat réclame soit le retrait de ce programme, soit l'équivalent au sujet des hommes. Commentaire de Kim Gaudy, présidente de l'Organisation nationale pour les Femmes: "Ils ont déjà des programmes de men's studies, cela s'appelle "histoire", "politique", "économie".
Après les préoccupations d'un masculiniste, celle d'une étudiante féministe. Elle écrit au courrier du Q de Dan Savage, intitulé Savage Life (Village Voice de cette semaine): "Certains soirs, j'aimerais me précipiter à la maison, nettoyer l'appartement et préparer le repas pour mon copain, vêtue seulement d'un petit tablier [ce qui prouve que les féministes souffrent aussi de poussées de fièvre fétichiste]. Ensuite, je serais heureuse s'il inventait n'importe quel prétexte pour me fesser jusqu'aux larmes avant de me faire l'amour sauvagement."
L'étudiante féministe précise que son gars est un type évolué. "Mais comment, se demande-t-elle, puis-je être prise au sérieux [le sérieux, soit le manque d'humour, c'est le handicap des féministes], telle une égale si je demande à mon copain de me dominer parfois? Je veux que ce soit seulement occasionnel. Ce serait irréaliste de me prendre pour Betty Crocker [en Suisse: "Betty Bossy", virtuelle fée du ménage]".
Réponse de Dan Savage: "Choisissez un collier ou un bracelet que vous porterez lorsque vous désirez que votre copain prenne les choses en main, vous donne des ordres, vous rougisse le cul et vous baise sans retenue. Quand ce sera fini, vous serez de nouveau des égaux. Facile!"
Facile, simple, plein de bon sens. Mais cela manque terriblement de drame pour une féministe maso ou un masculiniste (s)ado.
|| Ulysse
mardi 19 août 2008
>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Souvenirs de vacances réussies
Oh les vacances: quel investissement, quels projets, quels plans sur la comète! Attentes des couples, souhaits et plans des enfants. Espoirs de belles rencontres...
L'âme et le corps sont tendus depuis des mois vers ce seul but. On s'organisera de petites bouffes sympas dans des endroits où il ne faudra pas réserver des jours à l'avance. On se fera de nouveaux amis. Les enfants aussi...
Le soleil se cache. Le froid et la pluie s'installent. La mer est démontée. L'empoisonnement alimentaire survient. Un bras se casse. Le préservatif du petit coup vite fait avec la femme du copain -- ou le copain lui-même -- se déchire. La chambre d'hôtel est située au nord; le supplément serait trop cher. La voiture cambriolée deux fois. La police blasée, peu coopérative. La langue indigène incompréhensive. Et en plus, les enfants ont attrapé une saloperie...
Lorsque les congés payés ne se déroulent pas comme prévu, c'est la catastrophe. Envolés, les rêves; tout tourne au cauchemar.
La solution? La crise de nerfs, boire la défaite jusqu'à la lie. Se venger. Sinon: retourner la situation, surfer sur le sommet de la vague, devenir l'artiste créateur de ses vacances.
Bonne chance la prochaine fois!
|| Ulysse
lundi 18 août 2008
Les grands singes qui nous gouvernent
"Mes amis, nous sommes entrés dans une crise -- probablement la première crise internationale sérieuse depuis la fin de la guerre froide. C'est un acte d'agression." Qui l'a dit? John McCain, la semaine dernière, au sujet du conflit en Géorgie. Ai-je manqué une partie de son raisonnement? Autre déclaration du même: "Au XXIe siècle, les nations n'envahissent plus d'autres nations."
McCain, candidat républicain au poste de "chef du monde libre", comme ils disent là-bas. Les Américains pourraient bien élire ce John à la mémoire vacillante -- ou sélective -- (Irak I, Afghanistan, Irak II, ça n'évoque rien pour lui?).
Question que je me pose: pourquoi nous autres humains, somme-nous tentés d'élire de tels guignols à un poste de responsabilité? Bush, Sarkozy, Berlusconi, la moitié du gouvernement suisse... Des tordus, des salopards, presque aussi incompétents que nous les électeurs... Pourquoi accorder pareille confiance, par exemple, à un type "avec lequel on irait bien boire un verre au bar du coin" [Bush -- en plus un alcoolo...]?
Pourquoi les choisir comme mâle alpha du groupe?
Lorsqu'il s'agit de déni [= refus de reconnaître une réalité] McCain est à bonne école. George W. Bush, au début des JO: "D'abord, je ne vois pas que l'Amérique ait des problèmes." Il répondait à un journaliste qui lui demandait comment, étant donné les problèmes dans lesquels les Etats-Unis se débattaient, à l'intérieur comme à l'extérieur, il pouvait mettre la pression sur la Chine pour l'inciter au changement.
Citation. "Nombre de gens croient que notre espèce continue d'évoluer vers de plus hauts sommets, alors que les grands singes seraient tout bonnement au point mort. Mais notre espèce continue-t-elle vraiment sur sa lancée? Par une ironie du sort, il s'agit peut-être de l'inverse. Peut-être notre développement s'est-il arrêté, alors que les pressions évolutionnistes restent à l'oeuvre chez les grands singes." -- Frans de Waal, Le Singe en nous, Fayard, 2006.
|| Ulysse
samedi 16 août 2008
Bernard et ses femmes radieuses, "parfums du mois"
Bernard [baptisons-le de ce prénom] est un homme ensoleillé, début de la quarantaine, le plus souvent flanqué d'une femme radieuse -- aussi radieuse que les précédentes. J'ai fait la connaissance de Bernard l'été dernier. Je l'ai d'abord observé, lui, ses femmes et ses potes: son interlocutrice/teur a toujours l'impression d'être le centre du monde. Un soir que nous n'étions plus que cinq ou six hommes sur la plage, nus (tous), hétéros (à part moi) et que nous discutions de choses ou d'autres, il a raconté que parfois, dans le bain turc de son club de fitness, des pédés s'astiquaient en le dévisageant fixement. Il n'était pas choqué, mais trouvait la marque d'admiration inappropriée en ce lieu.
J'ai demandé à Bernard pourquoi lui, d'allure si sportive, ne nageait presque jamais. Il m'a expliqué qu'il souffrait d'un problème lombaire qui s'aggravait constamment et le rendrait paralysé à plus ou moins longue échéance. L'eau froide n'était pas indiquée. Il a parlé de ses douleurs avec retenue, des médicaments; des activités professionnelles et de loisir qu'il devrait peu à peu abandonner. Sans plainte.
Je ne sais pas grand chose de Bernard, sinon qu'il me compte parmi ses nombreux amis. Nous nous croisons de temps en temps. Nous avons l'occasion parfois de parler de nos expériences intimes. Un parler tolérant, ouvert, vrai -- rare entre mecs. Dans sa phase actuelle, il étudie les techniques et les arts de l'amour, versant oriental. Séminaires avec travaux pratiques en France ou en Suisse. A son âge, j'évoluais dans des milieux semblables.
A la fin de l'été, j'avais fait la connaissance de sa guide ès énergies sensuelles et nous nous étions étreints, elle et moi, nus et heureux comme si nous nous étions reconnus d'une vie précédente. Elle parlait allemand, portugais et arabe. Aussi, lorsque Bernard s'est pointé avec une compagne brune et frisée, deux mois plus tard pour une petite bouffe avec la bande, je l'ai serrée dans mes bras et lui ai souhaité la bienvenue en allemand. J'avais retiré mes lunettes pour souffler sur la braise du barbecue et elle m'a répondu en français (avec un accent portugais). C'était la nouvelle femme radieuse, riant de ma boulette, Léa.
Bernard et ses copines me rappellent les marchands de glace ambulants de ma jeunesse: dans leur assortiment, ils mettaient toujours en évidence le parfum de la semaine ou du mois.
Lorsqu'il me donne l'accolade pour me souhaiter bonne route, je fonds. C'est si rare un homme encore jeune qui embrasse un vieillard (même encore jeune). Je fonds d'amitié, mais ne ressens rien. Je ne suis pas amoureux du splendide Bernard. Alors que dimanche dernier, pendant que j'embrassais Léa [qui ne sort plus avec lui -- bizarre ce mot pour des gens qui, en général, rentrent ensemble!], je ressentais chaleur et affection passer entre nous. Pourtant, je ne suis pas amoureux de Léa la radieuse. Mais les femmes savent mieux délacer le corset qui étouffe leurs émotions que nous, les hommes, dévisser notre armure. Lorsque je serre Bernard dans mes bras, je retiens mes sentiments, lui probablement aussi -- tous deux pour des raisons différentes. Pas avec Léa.
|| Ulysse
jeudi 14 août 2008
L'homme est un livre d'images inaltérables et les JO rendent fou
Pendant que les Jeux se déroulent à la barbe des Chinois qui, dans les villes olympiques, sont empêchés de circuler, travailler et cracher -- soit vivre normalement -- on peut vérifier que le monde est devenu fou à lier. Les grasses huiles du CIO, bien sûr, et les autorités chinoises aussi, qui partagent les mêmes intérêts et le même manque d'humour.
Quant aux simples pékins, ils expriment doucement leur point de vue sur cette folie. Ils en ont marre du battage fait autour de la manifestation à laquelle ils ne sont pas conviés (à moins d'avoir été désignés volontaires, flics ou bétail de compétition).
Et ils le disent de manière subtile. Par exemple, en tondant la tête des bouts de choux au rasoir. C'est, pour les mômes, une première expérience de modification de l'image corporelle en même temps que de liberté d'expression. Les Chinois branchés expriment leur raz-le-bol dans les blogues et au cours de fêtes privées. Là, ils inventent des jeux de mots très drôles, paraît-il (et intraduisibles), pour caricaturer la manière dont la propagande concernant le grand avènement des Jeux les bassine depuis des années.
On peut imaginer que les tatoués et les piercés qui "démontrent leur ferveur patriotique" [selon la propagande] en choisissant des motifs d'actualité olympique, raillent eux aussi la dévotion imposée... Liu Ming, 44 ans, a fait ajouter les anneaux et le logo des JO (sur son front) et la flamme (sous l'aisselle gauche) aux 200 tatouages qui ornent ou défigurent déjà son corps. Sa femme l'a quitté, cela ne l'empêche pas de continuer et d'endurer patiemment les vibrations de l'aiguille.
Pour ceux qui s'en couvrent, les tatouages et les piercings représentent, entre autres, des évènements privés ou publics qu'ils veulent fixer sur leur chair. Un album illustré qui vibre avec les battements de leur coeur. Une manière de retenir le temps par un souvenir, de l'éterniser. Et c'est malheureusement dans la laideur.
Avec ses perçages temporaires, le docteur Wei Shenghu, acupuncteur, inscrit sa ferveur sportive dans l'immatériel et le gratuit, en même temps que le publicitaire. Comme le tatouage, ce genre de marque séduit, étonne ou repousse. Mais attire immanquablement le regard, induisant la rencontre et distinguant l'individu des autres humains. Devant l'une des gares de Pékin, on voit Wei présenter les drapeaux de toutes les nations participantes, plus la torche -- tout cela bien planté dans son crâne et son front. L'acupuncture paroxystique.
Wei Shenghu s'est entraîné chez lui, à Nanning dans le sud, en s'enfonçant 2008 punaises aux couleurs des anneaux olympiques sur la tête, dans les épaules, la poitrine et ailleurs. Il vise le livre des records.
On peut se demander si ce type de piercing apporte, comme d'autres, un plaisir sadomasochiste et des sensations nouvelles, ou si l'acupuncteur ressent plutôt un frisson exhibitionniste mercantile.
|| Ulysse
mercredi 13 août 2008
Daniel Brélaz, le bouddha des Verts, se tape (la cloche à) Pékin
Lausanne, siège du CIO depuis 1915, est bien représentée en Chine ces jours. Quatre de ses municipaux ont fait le déplacement dans un esprit de sacrifice et d'abnégation. Parmi eux, le bouddha des Verts Daniel Brélaz, conseiller national et syndic de la ville. [Éclairage: syndic = maire; bouddha = personnage parvenu à la sagesse et à la connaissance parfaite.] Ce mec pour qui j'avais de l'estime au début de sa carrière politique -- de l'estime, mais pas d'admiration: fallait le voir déambuler en ville, chemise pisseuse flottant au vent, pantalon crado laissant entrevoir le décolleté de ses fesses -- me déçoit de plus en plus par ses paroles et ses actes. Est-ce le destin inéluctable du politicien trop exposé aux feux de la rampe?
Les représentants du canton de Vaud et de Lausanne avaient du saucisson sur leur planche pékinoise. Plaider pour le maintien du régime de défiscalisation offert aux fédérations et organisations sportives internationales installées dans le canton (une floppée). Le bouddha syndic y ajoutait la promotion du premier congrès de l'Union des villes olympiques (devinez où il aura lieu) et celle d'une Fédération internationale des régions vertes (à naître). Beau projet pour la Chine... Brélaz au quotidien 24 H: "La région la plus polluée du monde a le droit de devenir membre pour autant qu'elle veuille s'améliorer." Comme le bouddha a le droit de s'inscrire à WeightWatchers pour commencer un plan de perte de poids lorsque ce sera vraiment trop tard.
Ce sumotori politique qui promeut le respect des ressources de la planète tout en vivant à ce point déséquilibré (lui et sa famille), c'est le curé qui rend tous les jours visite au bordel au lieu de recevoir ces dames à confesse. Et les petites huiles vaudoises qui se précipitent à Pékin pour leurs missions financières, je trouve cela piètre, mesquin et contreproductif (mais je peux me tromper). Il me semble qu'en Chine, ces jours-ci, les nationaux sont focalisés sur le succès de leur opération, et les internationaux sur la compète et les réceptions qui permettent de rencontrer "tout le monde". Surtout pas les médiocres petits et gros Suisses.
|| Ulysse
lundi 11 août 2008
John Edwards (1): encore un repenti politique de la libidodo
"Que ferait Jésus à ma/votre place?" La question est courante aux Etats-Unis, que ce soit au sujet d'une décision politique, des moeurs, de l'achat d'une voiture ou du choix de son/sa partenaire pour la vie. On la trouve même imprimée sur des slips comme une sommation ultime pour prévenir l'inconstance. Dernier en date des maris adultères à figurer sur la longue liste des politiciens moralisateurs, des télé-évangélistes richissimes et des acteurs volages: John Edwards. La réponse de Jésus s'applique aussi à son cas: "Que celui d'entre vous qui est sans faute jette le premier une pierre." Mais le peuple en a marre des politiciens populistes qui lui vendent les valeurs familiales sans les exercer.
Voilà donc John Edwards, candidat démocrate à la présidence (recalé au début de l'année), lui aussi grand défenseur des valeurs familiales, se faisant piéger par un journal à scandales dans une affaire de relation extra-conjugale. Après avoir nié, il a finalement admis son infidélité devant les caméras vendredi. Faut-il le préciser, aux Etats-Unis, une faute reconnue devant les médias est à moitié pardonnée; à condition que le coupable montre de la contrition et précise qu'il l'a commise à cause du surmenage et de l'alcool, du dysfontionnement de sa propre famille parentale, parce qu'il s'était éloigné de la religion de ses pères (biffez ce qui ne convient pas) et promette d'aller consulter un confesseur ou un psy. Surtout: le coupable ne déclarera jamais qu'il avait terriblement besoin de tirer un coup! Jamais! Les Ricains exigent de leurs politiciens toute la vérité vraie -- sauf sur des sujets comme l'Irak, la torture, ou la libidodo. John, encore trop jolibogosse à 55 ans, a choisi son "narcissisme" pour circonstance atténuante et psychiatriable.
Ce qui complique le cas d'Edwards, c'est que ce garçon d'une famille modeste -- il le répète à satiété -- est devenu avocat et a amassé une immense fortune dans des actions collectives intentées contre des groupes pharmaceutiques et financiers. Il a été consultant pour un hedge fund. A cet ancien sénateur qui s'est donné pour mission de lutter en faveur des travailleurs et des pauvres, on reproche aussi sa demeure de millionnaire et une coupe de cheveu pour laquelle il aurait dépensé $1250 (ticket d'avion de l'artiste capillaire compris). Bref: pur opportuniste bobo ou politicien réellement motivé par sa cause? Avant de jeter la pierre: se souvenir qu'il faut un sacré paquet de fric pour se lancer dans une présidentielle; et qu'un mec plein aux as trouve plus aisément des amis assez riches et puissants pour le soutenir... Motif aggravant: Elizabeth, l'épouse d'Edwards depuis 31 ans, est atteinte d'un cancer qui ne pardonne pas.
Citation. "Mes enfants et moi, nous faisons confiance à mon mari, et nous savons aussi qu'il ne ferait jamais rien pour décevoir, non seulement sa famille, mais le peuple américain." Non, l'auteur n'est pas Elizabeth Edwards (avant la révélation), mais Cindy McCain, épouse actuelle du candidat républicain. Cours de rattrapage: avant d'épouser McVieux, Cindy avait été sa maîtresse, ce qui avait provoqué le divorce de McCain alors que sa légétime se remettait péniblement d'un accident terrible. Les médias ont laissé passer cette récente déclaration sans broncher. [La suite au prochain numéro.]
|| Ulysse
samedi 9 août 2008
Un spectacle époustouflant et... chiant
>>> C'était le mois dernier dans la rivière Yong. Quelques Chinois nostalgiques commémoraient un exploit qui avait eu lieu 42 ans plus tôt: le Grand Timonier Mao Zedong [ou l'une de ses doublures] nageant au milieu du peuple dans le Yangtse. Cet été de 1966, je parcourais la Chine en train, du nord au sud et, sur le chemin du retour, entre Hong-Kong et la Mongolie extérieure, notre groupe allait rencontrer les premiers Gardes rouges de la Révolution culturelle, côtoyer leurs défilés sans fin, être témoin du chaos, des destructions en masse, des violents procès de rue.
>>> Comme l'a dit Héraclite, "On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve". Hier, les nouveaux maîtres de la Chine [main d'airain dans gant de velours] ont offert au monde un spectacle de milliardaires -- du Hollywood de la grande époque, rehaussé d'effets électroniques époustouflants. Et dans le parchemin historique que cette cérémonie d'ouverture des J.O. déroulait, il a semblé aux spectateurs étrangers que l'on avait omis l'évocation des années Mao: tellement importantes et si meurtrières. Pas tout à fait. Dans le "Poème à la gloire de notre pays", une petite fille toute craquante reprenait un air de cette époque, du genre "le drapeau rouge flotte au vent, chantons à la gloire de notre pays qui marche vers la victoire". Mais les arrangeurs avaient supprimé un passage: "notre président Mao Zedong nous montre la voie".
>>> Le grand show chinois était à la fois enthousiasmant et chiant: too much. Comme le Cirque du Soleil, mais avec un goût plus sobre, plus sûr que le dégueulis canadien. Des trouvailles techniques remarquables. Une telle perfection dans la chorégraphie et les mouvements de masse que tous les participants en paraissaient pixelisés par la kung fu discipline. Le pays a montré sa supériorité technique au monde entier. Du baume pour le peuple.
Donc: une heure somptueuse, haletante, friquée, arrogante et dépourvue d'émotion. On peut l'imaginer: que de ténacité, de sueur, de cris, de sales coups et de privations dans les coulisses... Comme pour les sportifs qui se préparaient aux Jeux. Comme pour la grande masse des Chinois qui ne connaissent du miracle économique que ses images sur leur petit écran.
>>> La phrase du jour, émise par le canard laquais qui préside au déshonneur de la France: "Ne soyez pas plus dalaï-lama que le dalaï-lama!"
>>> Quant au Belge rogue, hargneux et coincé qui préside la mafia du CIO, le pauvre mec aurait pu ajouter à sa liste de frais: quelques laxatifs, des suppositoires hilarants et un coach afin d'apprendre à lever le nez de son discours. Ô, pourquoi pas aussi un nègre qui lui rédige un texte à la hauteur des champions réunis autour de lui?
|| Ulysse Photos: Reuters
vendredi 8 août 2008
117 ap. J-C: un espagnol, fou d'art grec, règne sur l'empire romain
En 1951, une femme de talent se glisse dans la peau d'un homme de stature physique et intellectuelle imposantes qui vécut entre 76 et 138 de notre ère. Et elle écrit ses mémoires. Imposture? Sa chance: les notes que Publius Aelius Hadrianus avait prises durant sa carrière n'ont jamais été retrouvées.
Une exposition consacrée à l'empereur romain Hadrien se tient actuellement au British Museum. Comparez l'Italie d'aujourd'hui -- dont les citoyens ont élu cette flétrissure liftée de B. -- avec la Rome du IIe siècle, située au coeur d'un empire qui s'étendait de l'Ecosse actuelle à l'Irak (la Mésopotamie). L'ambition de l'exposition londonienne: montrer "toutes les facettes" du règne d'Hadrien (117 à 138), "la grande puissance civilisatrice, mais aussi l'impérialisme brutal". Les lecteurs des Mémoires d'Hadrien, sous la plume de Marguerite Yourcenar, sont familiers de l'homme cultivé et pacifique. Des découvertes récentes révèlent cependant que l'empereur amoureux des femmes et des adolescents était un chef de guerre redoutable.
Ses ancêtres avaient participé à la conquête de la péninsule ibérique, s'y étaient installés et y avaient amassé une fortune dans le commerce de l'huile d'olive. Le père d'Hadrien, un sénateur bien introduit à Rome, meurt lorsque l'enfant est âgé de 9 ans. L'orphelin est pris en charge par un certain Trajan qui deviendra empereur douze ans plus tard. Les goûts de l'adolescent le portent vers la culture grecque et la chasse. Rome étant dirigée par une caste militaire, la carrière d'Hadrien se développe dans l'armée et l'administration des territoires. Il porte une barbe, signe d'indépendance à cette époque -- ou était-ce pour cacher des marques de vérole, selon un historien romain?
Empereur (97-117), Trajan mène une politique d'expansion brutale. Alors qu'il est en Mésopotamie [aujourd'hui l'Irak], et que sa campagne tourne mal, il tombe grièvement malade et meurt, désignant Hadrien pour successeur. Le nouvel empereur décide un retrait immédiat des troupes et s'applique à consolider l'empire. En Judée, il écrase la révolte des Juifs dans un bain de sang. "585'000 personnes furent tuées dans différents engagements et batailles, écrit Cassius Dio. Quant à ceux qui périrent de faim, de maladie ou par le feu, on n'en connaît pas le nombre." Certains lieux de tension du globe n'ont pas changé depuis...
Il faudrait aussi décrire Hadrien l'architecte. Et bien sûr l'amant -- ambigu peut-être -- du bel Antinoüs qui périt noyé dans le Nil. Accident? Suicide du jeune homme qui se serait offert aux dieux pour implorer la guérison de l'aimé? Ou bien, l'empereur aurait-il fait assassiner son catamite dans une crise de jalousie? Sur son lit de mort, huit ans après, Hadrien rédige un court poème.
Animula vagula, blandula
Hospes comesque corporis,
Quae nunc abibis in loca
Pallidula, rigida, nudula,
Nec, ut soles, dabis iocos...
Petite âme voyageuse et tendre,
Hôte et complice de mon corps,
Dans quel lieu te rends-tu
Pâle, dur et mélancolique,
Où tu ne feras plus tes blagues?
|| UlysseHôte et complice de mon corps,
Dans quel lieu te rends-tu
Pâle, dur et mélancolique,
Où tu ne feras plus tes blagues?
jeudi 7 août 2008
Comment les empereurs romains vivaient leur (bi)sexualité
L'article du Monde (repris par Le Temps) sur l'exposition que le British Museum consacre à Hadrien qualifie l'empereur de "gay". Anachronisme. "Gay" est un vocable étatsunien de la fin du XXe siècle qui signifie un état d'esprit bien différent de ce que pouvaient ressentir les hommes romains qui aimaient les hommes et étaient mariés à une femme. Il n'existait pas de terme pour définir l'homosexualité, ni en grec ni en latin. A l'époque d'or de l'Empire, aucun coming out, les citoyens mâles vivaient ouvertement leurs orientations (le pluriel était préférable) comme bon leur semblait. A condition de respecter certaines règles.
La bienséance consistait pour un homme libre, un pater familias, à s'abstenir de baiser un autre citoyen adulte libre et à ne jamais se faire pénétrer. Il pouvait faire l'amour aux femmes, aux esclaves, aux ados et aux étrangers. Et la pédérastie n'était plus considérée comme une étape de l'éducation des très jeunes hommes, telle qu'on l'envisageait précédemment en Grèce. Les conservateurs critiquaient cette pratique lorsqu'ils en avaient connaissance, comme de nos jours ils condamnent les politiciens qui se font faire une pipe par une stagiaire. En revanche, le poète Martial que son épouse avait découvert en train de faire l'amour à un garçon, avait repoussé son offre de répéter l'acte avec elle sous prétexte qu'une femme "n'a que deux vagins". Autre muflerie de l'époque: on ne considérait pas que la personne pénétrée pouvait prendre plaisir à l'acte. Pourtant, il est dit que Néron (le premier empereur a prendre officiellement mari, en plus d'une épouse) imitait les gémissements d'une fille dans les affres de l'amour lorsqu'il se faisait tringler par un solide gaillard. Les vrais mâles le méprisaient, le traitant non de folle (anachronisme), mais d'eunuque. Jules-César s'était fait enculer au cours de ses missions à l'étranger; on racontait qu'il était "le mari de toutes les femmes, et la femme de tous les hommes".
Des douze premiers empereurs romains, un seul, Claude, avait la réputation d'aimer exclusivement les femmes, ce que Suétone lui reprochait. Au sujet de Trajan (à gauche), qui a précédé Hadrien, Cassius Dio a écrit: "C'est sûr, il était tout dévoué aux garçons et au vin; mais s'il avait commis un acte répréhensible à cause de ces passions, il aurait été désavoué. En fait, il pouvait boire tout le vin qu'il voulait et pourtant demeurer sobre; et dans sa relation aux jeunes hommes, il ne fit de mal à aucun."
L'empereur Hadrien (à droite) était connu pour honorer de ses faveurs sexuelles les femmes mariées et les adolescents. Antinoüs, son favori, avait 13 ou 14 ans lorsque que le grand guerrier, voyageur, architecte et poète tomba amoureux de lui en l'an 124. C'était en Bithynie (Grèce). Dès lors, le jeune homme accompagna son amant dans ses nombreux déplacements à travers l'empire. Jusqu'à ce 24 octobre fatal de 130, en Égypte, où Antinoüs se noya dans le Nil. Qu'est-il arrivé à ce sportif aguerri mort dans des circonstances mystérieuses? On n'en sait rien puisque les écrits de l'empereur ont disparu. Les historiens de l'époque rapportent qu'Hadrien pleura son amour "comme une femme". Le chagrin de l'empereur dépassait tout entendement. Il fit ériger une centaine de statues de marbre à son image, fonda la cité d'Antinoopolis en sa mémoire et instaura un culte dans l'Est de son royaume où le défunt était assimilé à Osiris, réincarnation du dieu égyptien. C'est ainsi que le chagrin de l'empereur donna naissance au dernier dieu païen de l'antiquité.
|| Ulysse
vendredi 1 août 2008
Diego Tolomelli: la Trinité convoque Priape et papa Dionysos
Jeudi, Agnès Girard présentait "Des vitraux pas catholiques" dans son blogue Les 400 culs: un texte consacré au jeune artiste italien Diego Tolomelli. Elle se focalisait sur l'aspect homo et l'éducation catho du facteur de vitraux; elle l'interrogeait aussi sur ses habitudes masturbatoires. Allons plus loin.
Tolomelli a étudié et travaillé durant sept ans en Angleterre avant de revenir en Italie. A Londres, il a été choisi pour créer les vitraux du Millénium au Parlement. A Abuja, capitale du Nigeria, il a imaginé et produit les vitraux de la cathédrale.
Aujourd'hui, il tente de raviver l'art du verre coloré en le développant aussi dans le domaine profane. La tonalité érotique de ses travaux récents constitue-t-elle une profanation du sacré?
Ce serait jeter un regard bien superficiel sur le patrimoine de tableaux, sculptures et vitraux qui mettent en scène des sujets bibliques. Beaucoup d'artistes d'antan y ont glissé en douce leur vision de la sensualité, tout en représentant l'amour divin et son penchant SM de la crucifixion.
L'incarnation charnelle soigneusement unie à (et masquée par) la piété n'était-elle pas la meilleure illustration de l'invisible amour divin? Les convulsions de l'amour à deux (voire plus, si entente) ne sont-elles pas soeurs des convulsions de l'âme à l'approche du Seigneur?
Quelques vitraux "sacrilèges" de Diego Tolomelli revisitent des scènes de la Trinité et de la vie des saints catholiques. L'artiste nous contraint à regarder des représentations de la sexualité dans le contexte de la religion en utilisant les prétendues prohibitions du christianisme. (Pour un verrier, quelle divinité castratrice que ce Dieu qui refuse toute représentation!) Dans le vitrail de la coupe [cliquez sur l'image pour l'agrandir], il convoque Priape (le dieu phallus) et son père Dionysos (dieu du vin et de l'extase) afin de tisser un lien entre l'amour humain (le vin) et l'amour divin (le sang qui coule du calice de l'eucharistie). Au passage, le pape misogyne et son clan d'eunuques en prennent pour leur grade...
Mon exégèse du trio amoureux: un questionnement sur le thème de l'immaculée conception, ou comment présenter le suc divin à une jeune vierge condamnée à la perpétuité. Quant au fétichisme des pieds, c'est un autre clin d'oeil aux moeurs vaticanes qui fossilisent l'épisode du dernier repas où, se dépouillant de ses vêtements, Jésus lave les pieds de ses disciples.
|| Ulysse Site de Diego Tolomelli: ikostudio.