dimanche 29 juillet 2018

Deux mâles expriment leur amour réciproque en luttant à poil





La lutte entre Rupert (Alan Bates) et Gerald (Oliver Reed) dans le film Love en français (Women in Love) de Ken Russel (1969) demeure une scène d'anthologie parce qu'elle est magnifique de subtilité et que la caméra ne cachait pas la nudité des deux acteurs. Elle date d'une époque où le cinéma ne montrait jamais les organes génitaux mâles et elle avait faite scandale en même temps que le film remportait un énorme succès. Il s'agit de l'adaptation du roman Femmes amoureuses de D. H. Lawrence, l'auteur de L'Amant de lady Chatterley. À l'époque, Lawrence déplorait la séparation physique grandissante qu'il constatait entre les individus, hommes et femmes, aussi bien que hommes et hommes. Il les voyaient perdre de plus en plus l'affection et la chaleur qu'elles et ils auraient pu ressentir les un/e/s envers les autres grâce à une profonde amitié.










Pour nous les gays, il est évident que l'homophobie -- manifestée plus ou moins ouvertement -- provient de leur peur d'un contact corporel entre mâles, crainte ancrée par l'éducation et la religion. Alors que ces mecs en auraient tant envie. Et qu'en général il ne s'agit pas de sexe. Sur le terrain de foot, les sportifs sont libérés de cette crainte. Ils ne se demandent pas si de féliciter très affectueusement un camarade qui vient de marquer un but va leur faire perdre leur virilité et les rendre "gay". Malheureusement, la plupart des hétéros se privent d'exprimer physiquement leur affection entre mâles. Ils communient, si l'on peut dire, en échangeant des blagues misogynes et homophobes.




Les deux acteurs se sont lancés dans le tournage de la séquence de lutte avec réticence. Ils ont essayé de repousser l'épreuve le plus longtemps possible, prétendant s'être blessé durant les répétitions habillées. Le metteur en scène a rapporté plus tard que chacun était inquiet de n'être pas aussi bien gaulé que l'autre. Il leur a conseillé de se retirer dans une pièce et de procéder à la comparaison. Dans son autobiographie, Oliver Reed a raconté plus tard que le paquet d'Alan Bates était un peu mieux fourni que le sien. Alors, entre chaque prise de vue, il prenait soin de compenser.



Women in Love aurait pu s'appeler Men in Love tant l'amitié qui lie Rupert et Gerald est intime et passionnée, malgré la retenue très britannique à laquelle ils s'astreignent. Comme tant d'hommes, ils sont handicapés, paralysés lorsqu'il s'agit d'exprimer leurs sentiments. Il leur faut la violence de la lutte, le simulacre de l'agression et l'excuse de l'épuisement pour s'approcher physiquement et sentimentalement l'un de l'autre. Mais ils brisent là leur rapprochement, tellement cette intimité leur paraît périlleuse. Comme les gars qui se soûlent le soir pour oublier le lendemain qu'ils ont passé à l'acte.



Les spectateurs mâles qui sont à l'aise dans leur sexualité sont aussi à l'aise avec cet épisode du film. En somme, la lutte est le sport le plus gay; celui qui déclenche le plus d'érections imprévisibles. Les lutteurs y sont habitués et n'en tirent aucune conclusion concernant leur propre orientation sexuelle ou celle de leur adversaire. Depuis l'origine du monde, les hommes ont toujours eu besoin de contact viril. Que cette fraternité se manifeste sexuellement ou pas n'a que peu d'importance. Ce qui compte pour l'équilibre masculin, c'est qu'elle puisse s'exprimer. Il y aurait moins de haine, d'attentats et de guerres si les mecs pouvait cultiver ouvertement ce noble sentiment. Et leur épouse ou leur mari bénéficieraient de cette énergie, de cet équilibre retrouvé. Pour cela, il faudrait aussi que nous n'ayons plus besoin de mettre une étiquette sur chaque émotion, chaque relation; est-ce gay, bi ou "normal" ?

André






samedi 21 juillet 2018

Comment le Président et son ambassadeur ont ridiculisé la France










Souvenez-vous, en avril dernier, lors de sa visite officielle à la Maison-Blanche, le président de la République française, Emmanuel [signification: "Dieu avec nous"] Macron s'était totalement déshonoré en jouant à l'ado qui se cherche un daddy plein aux as en la personne du bourrin Trump. Daddy Donald avait joué le jeu devant la presse avant d'emmener le petit Frenchie dans le Bureau ovale où il signe ses décrets impériaux entouré de son clan de lèche-culs républicains.



Cette semaine Gérard Araud, l'ambassadeur de Paris à Washington, a lui aussi humilié les Français en adressant une lettre à Trevor Noah, l'un des meilleurs humoristes de la TV américaine, pour lui expliquer que la victoire des Bleus au Mondial de foot n'était pas celle d'une équipe d'Africains, mais de Français. "By calling them an African team it seems you are denying their Frenchness..." On y reviendra ci-dessous.



Une chose est claire: un membre de l'élite politique parisienne qui ne comprend pas l'humour se ridiculisera toujours face à un satiriste [stand-up comedian] aussi brillant que le Sud-Africain Trevor Noah, aux commandes du Daily Show de Comedy Central. Ce mec possède une perspective quasi-globale sur la vie, tant sociale que politique. Il est né en 1984 à Johannesbourg de mère sud-africaine classifiée noire et de père suisse classifié blanc. Ses parents n'ont pas pu se marier, les lois de l'Apartheid l'interdisant, et sa mère a été emprisonnée.


Trevor a été élevé par sa grand-mère et sa mère qui a épousé Ngisaveni Abel Shingange en 1992, avec lequel elle a eu deux autres fils. Trevor et elle ont été abusés physiquement par Shingange. Le divorce a eu lieu en 1996. Elle s'est remariée trois ans plus tard. Et Shingange ne l'a pas supporté; il lui a tiré une balle dans la nuque, une autre dans la jambe. Elle a survécu. Shingange a aussi menacé Trevor, ce qui l'a obligé à quitter son pays. "Durant des années, ma mère avait demandé à la police d'intervenir, mais personne n'a jamais réagi."

 




Sa carrière de comédien et d'animateur à la télévision a finalement amené Trevor Noah aux États-Unis où il a été rapidement nommé au poste qu'il occupe maintenant. Mardi dernier, commentant la victoire des Bleus Blancs (ou plutôt Black) Rouges contre la vaillante Croatie, Noah le métisse de nationalité sud-africaine a fait cette sortie: "Bien sûr, ils sont obligés de dire que c'est l'équipe de France. Mais regardez ces gars. Mes amis, c'est pas le genre de bronzage qu'on se prend sur la Côte d'Azur ! Fondamentalement, si vous n'avez pas compris, la France est l'équipe de remplacement pour l'Afrique. Puisque le Sénégal et le Nigeria avaient été battus, c'est elle que nous avons soutenue." L'ambassadeur français n'a pas compris. Il a écrit qu'à l'inverse des États-Unis, la France ne distingue pas ses citoyens en signalant leur race, religion ou origine. C'est vrai. Mais elle entretient un réel problème racial hérité de son passé colonial.



Lorsque je rencontre des personnes d'origine étrangère, même dans la rue, alors que nous nous sourions -- ce qui n'arrive pas avec des Suisses -- je leur demande d'où elles viennent. Elles voient sur mon visage que ce n'est pas le début d'un discours haineux. À la fin de notre petite conversation, je n'oublie pas de leur dire ceci: "Votre situation est difficile, vous êtes déraciné/e et dans un pays pas toujours accueillant. Néanmoins vous avez une chance inouïe; si vous prenez le meilleur de vos coutumes d'origine et le meilleur de la Suisse, vous serez bien supérieur/e à nous, les indigènes -- plus sage, mieux armé/e pour la vie. Et vous parlerez plusieurs langues."

André