mardi 30 juin 2020

Apprendre, face à un urinoir, à cibler nos projets avec précision




Oui des urinoirs nous montrent comment changer le monde ! À gauche, le gars qui regarde ailleurs va pisser à côté de la cuvette. Des chercheurs ont trouvé la méthode pour l'amener à se concentrer sur la cible sans lui en donner l'ordre, ce qui serait contre-productif. Les épouses passent leur vie à supplier leur époux de s'asseoir afin d'éviter l'arrosage alentour.  Célibataire, je conserve mon honneur et pisse debout. Les gars qui se sont penchés sur ce problème ont réussi à réduire de 70% les dépenses de nettoyage des pissoirs à Schipol, l'aéroport d'Amsterdam, tout en améliorant l’hygiène de ces sanitaires et réduisant les frais. Ils ont appliqué la méthode du nudging [coup de pouce] qui propose des stratégies malignes pour résoudre les problèmes de la planète.





Matthieu, un jeune ami français, poursuit ses études en Suisse dans une université renommée pour son enseignement de l'économie et des branches qu'on y rattache aujourd'hui. Les cours sont donnés en anglais et en allemand. Soixante-deux ans et l'orientation sexuelle nous séparent, Matt et moi. Je suis son grand-père de substitution depuis qu'il a perdu celui avec lequel il s'entendait si bien. Récemment, Matt m'a envoyé un courriel mentionnant un article concernant le concept du nudge. "Je me disais que peut être ce paper pourrait vous intéresser. Il aborde des mesures intéressantes capables d'orienter les individus vers des habitudes plus écoresponsables. Il développe le sujet du nudging, un outil très puissant, mais aussi potentiellement dangereux si de mauvaises intentions motivent son usage. J’ai abordé ce sujet durant un cours portant sur les mécanismes psychologiques à l’origine de nos comportements."



Dans un charabia de haut vol, le document part du principe que "a renewed perspective on existing potential strategies for behaviour change are entering public debate that have implications for behaviour of individuals, but that also raise critical questions about the role of the government in the society and transition to sustainability. The guiding question is whether it is possible to help individuals make better decisions for themselves and society at large by overcoming limitations of human cognitive capacity and behavioural biases." Par exemple: comment convaincre une population écervelée à ne pas abandonner des précautions essentielles après une première phase de pandémie... Afin de résumer le principe de cette stratégie, j'ai choisi deux vidéos de nudging pour les nuls (comme moi).













Au carrefour des croisades actuelles en faveur des égalités et du climat, la génération de Matt fait face à des penseurs plus ou moins documentés, à des utopistes et à des politiciens inamovibles. Comment va-t-elle créer et défendre son avenir, non en freinant, mais en agissant et en se saisissant des leviers de la transformation? Est-elle consciente que l'action est nourricière et les manifs juste un apéro ? Comment va-t-elle changer les comportements de notre société ? Nos concitoyens associent la fin du monde à des films de fiction. Dès lors il nous faut des créateurs nudgeurs inspirés pour inventer de nouvelles mouches qui, collées au fond des urinoirs de nos crises actuelles, nous sauveront avant qu'il ne soit trop tard.



Matt m'expliquait hier le fonctionnement de la théorie des perspectives de Kahneman et Tversky (1979) qui a été amendée depuis et explique certains de nos comportements irrationnels. Un exemple connu: les voyageurs fréquents gagnent des miles supplémentaires lors de leurs déplacements en avion. Pourtant, ils sont nombreux à ne pas les utiliser. Leur plaisir est dans l'accumulation plutôt que l'utilisation. Et Matt me rappelait l'une de mes raisons d'acheter durable. La chaîne de magasins où je fais mes courses me tient au courant tous les deux mois. En avril et mai, mon pourcentage était de 49,6% d'achats de produits bio face à la moyenne suisse de 23,1%. La fierté de gagner des pour-cent alimente ma volonté de préserver l'environnement. Je vise la mouche.

André




P.S. Le concept de ce blogue est fondé sur le nudging que représentent les photos...






















jeudi 25 juin 2020

Qu'est-ce que la "fierté": trouver l'équilibre ou bander ses muscles ?




Aux États-Unis, on utilise les mots pride et proud -- fierté et fier -- comme si "Je suis fier d'être un Américain" était un exploit personnel. Je considère le fait d'être suisse avec gratitude puisque mon pays n'a plus subi ou mené de guerre depuis longtemps; mais je n'y suis pour rien. Mes parents étaient suisses, donc je le suis. Je suis né gay et je l'assume parfaitement. Voilà pourquoi le fait d'accoler les termes de gay et fierté me dérange, mais s'explique. La Gay Pride, la Marche des fiertés est née aux États-Unis et le mot de fierté dans ce contexte signifie qu'il n'y a aucune raison d'avoir honte de notre orientation. Elle a toujours existé et n'a jamais mis en danger le mariage "tel que Dieu l'a voulu" (selon les pieux homophobes) car "Dieu" a créé cette divergence pour apporter de la diversité sur notre planète.




Lorsque la pandémie actuelle s'est propagée, les pieux homophobes ont déclaré -- une fois de plus -- que leur Dieu punissait les pays qui avaient légalisé le mariage pour tous. Or les nations qui condamnent les LGBT à la prison ou la mort sont également touchées par le virus, même plus durement.



Nous naviguons dans une époque étonnante avec le télescopage dynamique de nombreux mouvements de foule. Les uns concernent les inégalités perpétuelles entre femmes et hommes, ou celles qui divisent Noirs et Blancs, avec les violences policières collatérales. Les abus sexuels qui ont plongé enfants, adolescents et adultes dans de profondes douleurs sont enfin révélés. La maltraitance que nous faisons tous subir à notre Mère Terre est mise en évidence par les plus jeunes et les plus réfléchis. Cette conjoncture puissante (et terrifiante) va-t-elle marquer le point de départ d'une évolution ? S'y ajoute encore la "faillite catastrophique des gouvernements occidentaux" face à la pandémie du covid-19 pourtant annoncée à temps, telle que la dénonce Richard Horton, rédacteur en chef de la revue médicale The Lancet.



Et il ne faut pas oublier les souffrances d'une grande partie des LGBT à travers le monde. Ni la pandémie du sida. Ce virus apparu au début des années 1980 en Afrique continue à se propager, majoritairement parmi les hétérosexuels, et à semer la mort. On compte plus de 40 millions de trépassés.



"Ce dont le monde a besoin maintenant, c'est d'amour", recueillement chanté en mémoire
des 49 personnes abattues en 2016 au Pulse, une boîte à danser fréquentée en majorité par des LGBT
à Orlando (Floride). Le meurtrier avait prêté allégeance à l'État islamique.


Pour résumer son histoire en peu de mots, la Gay Pride trouve son origine dans un bar louche de New York qui appartenait à la mafia. Du pire naît parfois le meilleur... C'était la Stonewall Inn où se retrouvaient des LGBT du temps passé. Ils étaient régulièrement victimes de descentes de police. Un soir de juin 1969, n'en pouvant plus, les clients sont entrés en lutte contre les forces dites de l'ordre. L'émeute s'est renouvelée les nuits suivantes jusqu'à ce la furieuse colère des folles, des gouines et des enculés fasse reculer les flics.



La première Liberation Parade s'est déroulée à New York le 28 juin de l'année suivante. En 1970, il fallait de la témérité, de l'arrogance et de l'assurance pour défiler. C'était pour la plupart de celles et ceux qui s'y engageaient un coming out public face à votre famille, aux employeurs, aux collègues, aux propriétaires de votre logement et à tous les gens que vous fréquentiez quotidiennement. Vous les défiiez de vous accepter alors qu'ils n'avaient quasiment jamais rien compris de votre situation.



Pour illustrer le développement des mentalités de l'époque, voici mon autobiographie gay. Je suis né en 1936 alors qu'en Allemagne les Nazis envoyaient déjà les homosexuels dans les camps de concentration. On estime à 500'000 le nombre de gars morts lors de traitements expérimentaux, d'exécutions sommaires ou par suicide suite au programme d'extermination. En 1942 (durant la guerre) les relations homosexuelles ont été dépénalisées en Suisse. Tandis qu'en Allemagne de l'Ouest, l'article 175 du code pénal concernant les homosexuels est demeuré celui de l'époque nazie jusqu'en 1969. N'empêche que criminels ou pas (suivant les États) nous étions tous considérés comme des malades atteints d'une pathologie psychiatrique. Ce qui ne nous a pas empêchés de danser pour fêter les étapes de notre lutte en faveur de l'égalité.





Puis, ô miracle !!! nous avons tous été guéris de cette pathologie en un seul jour. Le 17 mai 1990, l'Organisation mondiale de la santé a pris la décision d'effacer l'homosexualité de sa liste des maladies mentales. J'ai donc subi courageusement ma maladie durant 54 ans sans un seul séjour en clinique psychiatrique...

André






samedi 20 juin 2020

Tomber (de nouveau) en amour d'un homme taillé dans le marbre









Les musées rouvrent leurs portes. Ils imposent des mesures de sécurité sanitaires qui sont une bénédiction pour les visiteurs réellement intéressés. Déambuler paisiblement sans être importuné par une foule qui ne fait que passer avant de regagner son car ou son bateau. Prendre le temps de contempler, de méditer, de rêver, de se transporter dans une autre époque, de communier avec l'artiste de telle ou telle oeuvre, de s'unir à un personnage en marbre dont le coeur se met à vibrer. Imaginer tomber amoureux parce que, comme l'exprime la chanson de la comédie musicale Passion de Stephen Sondheim, "Loving you is not in my control..."













Vers 490 avant notre ère.


Torse grec, vers 200 avant notre ère.