vendredi 2 octobre 2009

Des hommes qui osent manifester leur attachement


C
ette image publiée lundi par Scott Schuman (qui capte la mode de la rue dans son blogue photographique The Sartorialist) a suscité 53 commentaires
jusqu'à maintenant. Comme il est d'usage chez le Sartorialist, ils analysent chaque détail, des chaussures à la coiffure, admirent, réprimandent, épiloguent. "Je porte aussi des socquettes. C'est incroyablement confortable surtout l'été. L'effet est fantastique sur des jambes poilues et musclées." "J'adore ces deux-là parce qu'ils résistent à la mode du sans-chaussettes." "Non, non, non! Débarrassez-moi ces socquettes portées dans des chaussures de ville. J'aime tout le reste. Signé: Jorge de West Palm Beach." "Je retrousse aussi mes jeans pour montrer un peu de cheville avec mes jolis mocassins." Et ainsi de suite...

Scott Schuman a titré sa photo: On the Street... Men Friends, London. Et, bien sûr, les correspondants commentent aussi la particularité de cette prise de vue. Ces deux hommes sont visiblement amis, mais qu'est-ce qu'amis signifie pour eux -- et pour nous? La langue française est coupable d'imprécision. Ces deux mecs diront-ils: "On est juste amis"? Ou: "C'est mon ami" [qu'on peut interpréter comme amant, mais pas assurément]? Ou: "Il est mon meilleur ami" [notre relation n'est pas sexuelle]? Pour indiquer l'amour qui les unit: "C'est mon petit copain"? Pour l'admiration mutuelle qu'ils se portent sans rien de plus: "Nous sommes grands copains"? S'ils sont inséparables: "On est comme cul et chemise" [et c'est pas forcément une histoire de cul]? Voilà pour l'ambiguïté d'une langue qui utilise amour à toutes les sauces: pour la relation sexuelle, pour le grand sentiment qui procure le frisso
n, pour l'altruisme, la dévotion, le patrio-idiotisme et toutes sortes d'attachements...

Commentaires des lectrices et lecteurs du blogue. "Cela me fait plaisir de voir qu'ils sont à l'aise dans ce type d'affection." "C'est bien qu'ils se sentent libres d'exprimer leur attachement de manière physique, comme le font les femmes." "La dernière fois que j'étais à Rome, j'ai vu un groupe de jeunes en course d'école et plusieurs garçons se tenaient par le bras en discutant, c'était adorable."
"Dommage que les mâles américains ne sachent plus montrer l'affection qui les lie. On pense tout de suite "gay". Il fut un temps où c'était juste de l'attachement, rien de sexuel. Même les virils Écossais se tenaient par le bras en marchant." "En Italie, ces deux-là pourraient être hétéros, à Sydney c'est courant et ils sont amants, à New-York on dirait bromance." Un terme qui mérite explication. Composé de brother (frère) et romance, il signifie que les deux gars en pincent l'un pour l'autre, mais c'est une forme d'intimité homosociale, rien de sexuel, même si l'un des deux est gay. Bien qu'ignorant l'anglais, Aristote décrivait déjà le phénomène en 300 av. J.-C. en définissant l'amitié idéale comme celle qui désire avant toute chose la satisfaction de l'autre. Aujourd'hui, dans les jeunes générations et les milieux où l'on se fout bien d'être taxé de gay (ce qui compte, c'est que je sois confortable dans ma sexualité et que ma femme m'apprécie), les hommes peuvent de nouveau explorer les bienfaits des amitiés masculines; elles ne sont plus taxées de "particulières".

Ulysse

2 commentaires:

Louis a dit…

Oui, bien dit. Ah "Les Amitiés particulières", roman de Roger Peyrefitte qui raconte comment un prêtre détruit la relation entre deux garçons dans un pensionnat! J'ai cru longtemps que les amours entre hommes finissaient toujours mal...

Gary a dit…

J'aime l'ambiguïté de la situation... d'autres diraient: l'amoralité. C'est passionnant: on ne sait pas où situer ces deux types. Mais je suis curieux de nature. Et puis j'aime regarder des gens qui s'aiment. Peu importe de quelle manière.