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Des larmes de joie, place Tahir. |
Il a 22 ans, il est interne en médecine, il écrit bien et il blogue lorsqu'il en a le temps... Comme des millions d'autres gars à travers le monde. Sauf que lui est gay et ne le cache pas dans son blogue intitulé
Thoughts and Confessions of a Testosterone Addict (Réflexions et confessions d'un accro à la testostérone). Sauf qu'il habite Le Caire, est Égyptien et Marocain, vit intensément les événements actuels et qu'il s'est joint aux manifestants de la place Tahrir parce qu'il en avait "assez de Moubarak et de son régime". Il s'y est décidé après avoir vérifié que les manifs n'étaient pas manipulées par un parti ou un mouvement religieux et que la protestation venait des Égyptiens eux-mêmes "qui avaient été opprimés durant des décades". Il a été interviewé par des sites militants aux États-Unis, notamment
Gay City News, en Allemagne et au Liban.
Le 11 février, il était sur la place Tahir après les prières du vendredi et tout était calme. Puis, avec ses amis, il se rendait à dix minutes de là "pour manger un morceau" lorsqu'une immense rumeur a jailli et que les automobilistes se sont mis à klaxonner. "Nous n'arrivions pas à le croire, parce qu'il y avait déjà eu de fausses rumeurs, alors nous avons appelé nos familles qui nous ont confirmé la chose." Moubarack avait réellement démissionné. Il est retourné sur la place où les gens se congratulaient, s'embrassaient, chantaient, pleuraient de joie. "J'en avais la chair de poule! J'ai appelé mon ami pour partager ce moment avec lui aussi."
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Des manifestants se reposent au pied d'un char d'assaut. |
Nous avons lu, entendu ou vu à la télé des témoignages de cet ordre. Je m'intéresse surtout à ce qu'a éprouvé l'auteur jusqu'à cette date historique: ses pensées, ses espoirs, ses craintes. [Nous allons y revenir ces prochaines semaines.] Voici ce qu'il écrivait jeudi 11 novembre 2010, après être revenu de vacances à Vienne avec son ami Autrichien qui, si je l'ai bien compris, réside en Égypte. "En réalité, nous vivons tous dans l'anxiété [...] même si nous essayons de croire qu'il n'y a rien à redouter. Nous traversons tous des épisodes d'angoisse. Crainte que la descente de police au Queen Boat [en 2001, 52 hommes présumés gays arrêtés, battus, torturés, la moitié d'entre eux condamnés à trois ans de prison] ne se reproduise dans l'un des lieux de réunion gays en Égypte. Peur qu'un durcissement du régime nous force à quitter le pays pour trouver asile en Occident. Frayeur plus forte face à des homosexuels qui ne s'acceptent pas que vis-à-vis des homophobes déclarés. Angoisse d'être arrêté parce que je suis un blogueur homo. Ou que des gays dans le placard m'accusent d'attirer l'attention sur eux. Appréhension que mon blogue devienne une sorte de documentaire de ma vie et que j'en vienne à détester cela. Crainte d'être influencé par des gens qui voudraient sauvegarder leur propre idée de la réalité. Inquiétude que mes parents découvrent mon athéisme. Terreur que le Salafisme [fondamentalisme musulman] ne devienne la norme."
André --
Les photos d'Alisdare Hickson prises sur la place Tahir ne représentent pas les personnes mentionnées dans ce billet.
1 commentaire:
J'admire le courage de ce blogueur. Comme d'autres égyptiens dont on a entendu parler ces jours il me fait entrevoir l'espoir pour son beau pays. Que peut-on faire pour les aider?
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