"Faire des enfants": l'expression est épouvantable, mais elle convient à Ed Houben, de Maastricht (Pays-Bas), un garçon timide qui propose sa semence sur l'internet et en fait réellement l'offrande comme il sied à un donneur de sperme. Interviewé par Jan van Tienen pour Vice, magazine germano-suisse, Ed annonce 46 rejetons, alors que six femmes attendent un heureux événement dû à ses services.
Ed vient au secours des femmes seules, des couples de lesbiennes et des maris stériles. "Il y a cinq ans, j'ai découvert que la demande de sperme était plus grande

Au début, Ed pratiquait le service à domicile; il se rendait jusqu'en Belgique ou en Allemagne pour livrer le jus fraîs du pressoir (jamais de surgelés). Aujourd'hui, il fait la connaissance des demandeuses et demandeurs par courriel, s'assure qu'ils ont l'étoffe de parents honorables, puis les convoque à Maastricht où ils s'intallent à l'hôtel. "Je les inviterais bien chez moi, mais ma maman n'est pas encore en maison de retraite." Il se rend à l'hôtel, se retire à la salle de bain, se masturbe et livre la crème encore chaude. "La plupart du temps, je reste jusqu'à ce que la femme ait terminé l'insémination, puis je rentre chez moi." Ensuite? Inséminateur et inséminée renouvellent l'exercice jusqu'à ce que grossesse s'ensuive. Puis c'est aux parents de garder le contact avec lui ou non.

Ed se donne corps et âme à sa vocation. Les cycles ovariens des demandeuses dictent son emploi du temps. "Récemment, j'ai dû intervenir à cinq reprises durant le même week-end. La première femme le vendredi, deux le samedi, une dimanche et la dernière lundi. Quand même, deux d'entre elles sont devenues enceintes!" Alors, on lui demande la recette. "Je ne porte pas de jeans serrés, les testicules doivent être toujours bien aérés. Je ne prends pas de bains trop chauds et évite le sauna. Je bois très peu d'alcool et avale régulièrement de l'acide folique [vitamine B11, germes de blé] et des capsules d'huile de poisson.
Cette année, Ed Houben a organisé une rencontre de famille. Seize femmes qu'il avait engrossées ont répondu à l'invitation; plusieurs sont venues avec compagne/compagnon et enfant -- en tout trente personnes. "Les mômes m'ont été présentés; cinq minutes après, ils jouaient les uns avec les autres. Leur réaction: 'Ah, c'est lui papa; et maintenant, à quoi on joue?' C'est bien ce que j'imaginais."
Ed ne se sent pas "père" lorsqu'une femme lui annonce une naissance. "Sinon, je ne pourrais pas être donneur." Mais il a pleuré en apprenant qu'un prématuré n'avait

Pour le moment, Ed a trouvé sa place dans la toile des relations humaines. Ce que la société normative veut absolument canaliser vers un seul modèle, le mariage, s'exprime en réalité de façons très diverses. Faute de mieux, je nomme le conjugo [ou conjungo] le faisceau des nombreuses combinaisons amoureuses ou amicales qui incitent deux êtres (voire plus) à conjuguer leur vie ensemble, de manière plus ou moins proche et intime, plus ou moins régulière, plus ou moins conformiste. Le mariage unique et absolutiste craque aux entournures -- pas pour tout le monde --, mais beaucoup cherchent des formules qui leur seraient mieux adaptées. En faisant du don de sperme un acte de solidarité amicale plutôt qu'une affaire médicale et commerciale, Ed participe à cette quête.
Ulysse -- Photo d'Ed Houben: Boudewijn Bollman
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