samedi 21 février 2009

Le totem ne connaît plus de tabou


L'
Omo est une rivière du plateau éthiopien qui suit un parcours sinueux proche des frontières du Soudan et du Kenya. La région est connue pour ses sites préhistoriques qui ont fourni des crânes et ossements du type Homo sapiens vieux de 195'000 ans. Le photographe Hans Silvester, originaire de Lörrach, près de Bâle, a publié Les peuples de l'Omo (La Martinière), deux ouvrages qui témoig
nent de la vie et de la peinture corporelle des peuples semi-nomades de la région. Selon Jean-Paul Mari, cette région volcanique "fournit une immense palette de pigments, ocre rouge, kaolin blanc, vert cuivré, jaune lumineux ou gris des cendres". Et la peinture corporelle ne serait pour ces tribus qu'un jeu de séduction spontané, sans signification à caractère sacré.

Jeune homme et jeune fille des
bords du fleuve.
Totem: représentation de l'être mystique à l'origine du clan. Tabou: prohibition à caractère sacré.

Un proverbe dit: "A beau mentir
qui vient de loin". Qui nous dit qu'à l'origine, ce décor du corps n'avait pas un sens totémique donc sacré? D'aucuns prétendent que le photographe aurait influencé les artistes pour "améliorer" le dessin de leurs tapisseries corporelles. En tous cas, maintenant qu'ils sont célèbres, les habitants de l'Omo rentrent dans leurs cases pour se maquiller dès qu'ils voient un 4X4 de touristes à l'horizon... Souvenir personnel: un conférencier français de Connaisance du Monde faisait mousser son film en racontant à l'auditoire sa difficile quête d'une tribu indienne cachée dont les membres peignaient aussi leur corps, en Amérique du Sud. Or, je me souvenais d'avoir amené des touristes nord-américains au même endroit, pour photographier la même famille, qui se tenait à disposition des agences de voyage... C'était dans les années 70.

Aujourd'hui, la peinture et la piqûre de la peau ont gagné l'Occident, accompagnées du piercing et de modifications corporelles plus profondes. Mode et "jeu de séduction spontané", ou phénomène plus profond, dans une quête imprécise de rite initiateur? Peut-on qualifier de manifestation passagère ("mode") des intrusions -- plus ou moins artistiques -- qui s'inscrivent sous la peau de manière définitive et qui transforment l'apparence du corps pour en faire un totem? Et totem de quelle(s) origine(s)?

Ulysse

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