jeudi 1 décembre 2011

La plage des hommes nus: suivez la piste des fourmis

Les vacanciers longent la plage entre l'eau et les gisants qui se les grillent au soleil. Plusieurs centaines à l'heure, ils avancent d'un pas décidé pour rejoindre leur zone préférée sur une étendue de 7 km de sable entre le phare de Maspalomas et Playa del Inglés.

De l'îlot naturiste hétéro jusqu'à la concentration de chaises-longues pour petits-bourgeois aux rondeurs vêtues, ils passent à côté de la colonie d'hommes gays dûment indiquée par le drapeau arc-en-ciel flottant au-dessus du débit de boissons. Puis à proximité des joueurs de volley-ball ("envolée de boules") -- retraité/e/s nordiques à poil qui s'en donnent à coeur joie en secouant vigoureusement seins et couilles pour envoyer la balle par-dessus le filet. Ensuite, entre les dunes où les naturistes individualistes trouvent l'espace nécessaire à leur ségrégation en solo, duo ou trio. Vient une longue zone plate interdite à la baignade à cause des courants qui s'y rencontrent. Enfin, les promeneurs sont avertis qu'ils entrent dans une zone textile: ils le remarquent d'emblée car le ratio de nudité n'est plus que de 5% à 10%.

Bien installé dans son nid de sable au centre d'une étendue de mecs, Max observe les passants qui avancent méthodiquement, comme un cortège de fourmis, sans jeter de regard (ou presque) à tous ces mâles, jambes écartées, assis, couchés, lisant, ronflant ou bavardant. Deux mondes se croisent (c'est bien) sans se rencontrer (dommage). En voyant passer une brune plus que plantureuse -- un de ces camps mobiles d'extermination de la tortilla fourrée et de la paëlla au chorizo --, Max s'exclame dans son coeur: "Gott [Dieu], protège-moi de pareilles créatures!" Et de derrière un nuage, une voix profonde lui répond: "Max, mon enfant, j'y ai pourvu dés avant ta naissance..." "C'est vrai Seigneur, pardon et merci!" [Le coming-out, je l'ai déjà écrit, est un éternel recommencement.]

Du haut de la dune, l'artiste me surveille...
Max fronce le sourcil. Il a consenti un lourd investissement -- cinq heures de vol -- pour échapper durant quinze jours à l'influence de sa mère et à la curiosité de ses collègues vendeuses ou caissières... Un groupe de commères qui avance joyeusement attire son attention. La quarantaine libérée (enfants hors de la coquille, divorces réglés), elles passent leurs vacances en filles, c'est tellement plus amusant. Or voici, croisant leur chemin pour se rendre à l'eau, deux soixantenaires bronzés, sveltes et nus si ce n'est quelques piercings brillant au soleil. L'un d'entre eux tire son compagnon rétif par la queue. Et les commères d'éclater d'un rire tonique. Deux mondes se croisent. J'aimerais connaître les pensées qui traversent l'esprit de ces Espagnoles en vacances de cinq jours à la Grande Canarie.

André

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