dimanche 6 octobre 2013

Le nu masculin: une exposition sans testostérone du Musée d'Orsay


Paul Cadmus, Le Bain (détail), 1951.

Hippolyte Flandrin, 1836.

Wilhelm von Gloeden, 1911.
Il aura fallu 115 ans pour que "L'École de Platon" la toile large de 6 mètres du peintre belge Jean Delville trouve enfin un contexte digne de son sujet. Elle devait être accrochée à la Sorbonne, mais on peut comprendre qu'elle fut finalement refusée. Afin d'éviter le lynchage, l'artiste avait pourtant modifié son titre original "Jésus et ses disciples". Et en 1898, on ne parlait pas encore de gaylib, ni de ces Desperate Houseboys que l'on voit ici abrités sous les glycines (wisteria). Bon, un Jésus entouré de douze chéries languissantes, ce n'est pas d'actualité non plus. Aujourd'hui, ces mecs seraient plutôt cuir, sinon percés d'anneaux.

Jean Delville, L'École de Platon, 1898.

Les médias français nous informent que montrer des mecs à poil c'est sulfureux. Pourtant, depuis l'Antiquité égypto-gréco-romaine, les artistes ne font que ça. À certaines époques, les nus féminins n'étaient pas acceptables. Puis cela a changé. La plupart des peintres et sculpteurs continuent à travailler aussi sur des académies masculines durant leurs études.

À Paris, le Musée d'Orsay présente la première exposition française sur le sujet, qu'on peut voir jusqu'au 2 janvier. Le titre inversé de l'affiche nous induit en erreur: il ne s'agit pas de dépeindre l'amour gay, ni d'étaler des érections, ni de montrer comment la brume qui entourait ce thème s'est peu à peu dissipée. Hélas!

Frédéric Bazille, Le Pêcheur à l'épervier, 1868.

Léon Bonnat, Job, 1880.

Henri Danger, Fléau!, 1901.
Une autre piste aurait pu suivre l'évolution du mâle hétéro durant ces deux siècles. "Nous sommes très loin de l’identité masculine qui transparaît dans l’Iliade, déclare l'historienne Christelle Taraud, où Ulysse pleure abondamment et où les Grecs, devant le siège de Troie, font preuve d’une très forte homo-sociabilité. On est loin aussi de la masculinité aristocratique de l’Ancien Régime, qui cohabite avec la poudre, les perruques et les dentelles sans que les hommes ne soient remis en cause dans leur virilité." Les commissaires ont produit une exposition pot-pourri, même si le président du musée déclare que montrer un corps d'homme nu implique "d'explorer l'homoérotisme latent qui parcourt de nombreuses oeuvres depuis le XVIIIe siècle."

L'Origine de la guerre.
Il manque également une vision féminine amoureuse. Avec "L'Origine de la guerre", la plasticienne Orlan répond à "L'Origine du monde" de Gustave Courbet, mais c'est juste un gag photographique, pas une profonde méditation d'artiste. Il manque encore des oeuvres d'Outre-mer, tellement fortes dans leur stylisation. Et puis, les artistes des régimes soviétique, nazi et italo-fasciste sont oubliés, eux qui étaient aussi fascinés par le muscle que nous, les gays d'aujourd'hui... Alors, comment conclure? Que le masculin est tellement complexe qu'il faudrait des génies pour l'exposer. Ces génies, ce seront les nouvelles femmes et les LGBT épurés de leur égocentrisme qui les produiront.

André

La vidéo promo de "Masculin/Masculin" est à l'image de l'expo:


2 commentaires:

Fred a dit…

Encouragé par le buzz j'ai vu l'exposition et partage à peu près ton opinion. Quelques pièces trop connues pour être intéressantes, beaucoup de second choix. Et pour moi hélas aucune de ces rencontres avec une oeuvre percutante qui te fout l'émotion en pleines tripes, comme si tu trouvais un frère de coeur dans cet artiste.

VinCent a dit…

Bonsoir..je découvre ton blog.Je te mets dans mes favoris pour revenir plus facile dans ton univers.