Mecs à poil sur la voie publique : exhibition ou libération ?

Après avoir ignoré la beauté du corps masculin, notre société est en train de lui accorder presque autant d'importance qu'à celui des femmes. C'est le retour du pendule. À certaines époques, le mâle était glorifié par les sculpteurs dans une nudité limpide. D'autres siècles l'ont vu magnifié par des vêtements frivoles mettant en valeur le galbe des jambes et du sexe. Aujourd'hui, les mecs traversent autant de crises que les nanas. Boulimiques ou anorexiques, obsédés par leurs muscles et la chasse à toutes les toisons au-dessous de la pomme d'Adam. La chirurgie esthétique s'empare des traits, des bides et des bites. Et la mort prématurée revient sur le devant de la scène, comme durant les guerres et les grandes épidémies. C'est le sida qui cueille de jeunes vies et nous laisse sans voix.
Alors, les mecs se demandent qui suis-je? Et les femmes leur posent la question qui es-tu devenu? La société reprend en choeur. Les gars se regardent dans leur miroir et ne savent pas quoi répondre. Pour gagner du temps (car ça leur ferait mal au crâne d'y réfléchir), ils essayent de devenir encore plus productifs, plus compétitifs, plus combatifs. En customisant leur look selon le modèle du jour. Les vêtements collent au plus près, les chemises dévoilent le poitrail. Dans le pantalon, on ne porte plus à gauche, ni à droite, on recentre le paquet (comme en politique.)
En regardant ces photos de mecs s'exhibant nus sur la voie publique -- selon le modèle qu'ont anticipé les publicitaires en réinterprétant la statuaire grecque pour vendre des parfums et des slips -- on peut se demander si nous progressons ou si nous régressons. Est-ce que nous jetons un regard neuf sur le corps masculin? Parce que nous aurions quitté l'ère patriarcale et que nous, les mâles, aurions aussi le droit d'être considérés comme des objets de désir, de plaisir, également attirants par notre part féminine bien développée que par notre virilité devenue séduisante?
Rien n'est encore acquis. Certains des gars ici photographiés ne me semblent pas libérés de leurs puissantes névroses, victimes qu'ils sont du rôle traditionnel qu'on leur a inculqué et qui leur a fait péter les plombs. Espérons néanmoins... Cela fait tellement de bien de se défaire des camisoles de force et de vivre débarrassé des vieilles habitudes, comme des vieux habits.

André