Artistes et modèles: les uns travaillent dur, les autres souffrent

Le modèle nu de sexe masculin a régné durant les époques grecque et romaine tant dans la sculpture que la peinture murale et le décor des vases. Il a aussi inspiré les grands maîtres de la Renaissance et ceux du 19e siècle. Il s'est longtemps imposé dans les classes d'académie où les élèves étaient tous mâles, les femmes n'étant pas autorisées à exercer leur art sur un sujet qui les aurait troublées. À elles les bouquets fleuris.

Atelier Bonnat, vers 1900.

Modèles du peintre Eugene Jansson.

Académie des Beaux-Arts.

C'est un tour de force de la part du modèle que de se tenir debout, immobile, sans grimacer durant une journée. La lassitude et la douleur musculaire s'installent peu à peu. Et si le professeur demande des gestes, figés bien sûr, le gars aussi musclé soit-il souffre en silence. Il cherche donc à s'abstraire de son corps, sans perdre la pose ni s'endormir. Regardez le torse peint pas Ingres: l'homme appuie ses bras, certes, mais l'engourdissement et la douleur de la crampe le guettent.

L'Académie Julian.

Ingres, Torse (vers 1800).

Géricault, Étude (1812).

Après des années intenses d'efforts pour maîtriser la peinture académique, rien d'étonnant qu'un artiste ait envie de peindre l'atelier dans lequel il a vécu tant d'heures de découragement avant de trouver sa voie. Nous en avons quelques exemples ici. Certains se mettent en scène dans leur propre atelier, interagissant même de manière très personnelle avec leur modèle, comme les photographes Tom Bianchi et Robert Siegelman. Quant au peintre John Koch, dans The Sculptor (1964), il met en scène le corps splendide d'Ernest Ulmer qui fut professeur... de piano.

Bianchi stimule son modèle.

Siegelman pose avec un jeune homme.

Le sculpteur de Koch.

Le métier de modèle attire parfois des exhibitionnistes qui sont vite guéris: les regards que posent sur eux les étudiants ne sont pas ceux de l'envie ni du désir, si ce n'est celui de capter la forme virile dans sa vie et sa force avec, si possible, un supplément d'âme.

André