Les "groupes de parole" réunissant des hommes prêts à débattre de leurs problèmes de vie sexuelle, familiale et professionnelle ont
connu plus de continuité dans les pays anglo-saxons que latins. Je garde
pourtant un souvenir précieux d'un long week-end passé dans une demeure de la
campagne genevoise où nous étions une trentaine de gars prêts à ouvrir
nos tripes les uns en face des autres. Trente mecs à poil, assis en tailleurs, dans un cercle où la
seule personne vêtue était... l'animatrice. Les organisateurs n'avaient pas trouvé
de type compétent. C'était au début des années 1970, encore très Peace
and Love. Et notre coach devait souvent nous rappeler la règle du
cercle: poser nos mains sur les cuisses de nos deux voisins. Étais-je le
seul homosexuel de la bande?
L'un des exercices en
petits groupes s'intitulait "ma première
masturbation". Ce souvenir entraînait forcément le récit de la suite. La
réaction de maman ou papa entrant inopinément dans la chambre du petit
gars... Et, des années plus tard, la colère de l'épouse lorsqu'il s'attarde trop longtemps
sous la douche... Ou la honte qu'il éprouve encore à se masturber... Ces
sentiments négatifs circulaient de génération en génération; ils
empoisonnaient l'amour et le plaisir. C'était l'époque
Peace and Love. La paix: on espérait que la leçon du Vietnam servirait une fois pour toutes...
L'amour: on imaginait qu'il se libérerait des jugements et des
contraintes, grâce à plus d'honnêteté et d'ouverture dans nos
relations... Qu'en est-il aujourd'hui?
Et ton père? T'a-il déclaré un jour: "Pour moi, devenir plus
authentique dans ma sexualité m'a aussi amené à plus d'authenticité dans tous
les autres aspects de ma vie."
Dans ces groupes de parole, il aurait fallu organiser des séances
réservées aux hommes d'une même génération; que d'autres soient ouvertes
à tous les âges; d'autres enfin où se seraient rencontrés uniquement
des pères avec leur-s fils, pour prendre le temps de s'écouter et,
éventuellement, de s'entendre... Je demande parfois à des hommes comment
ont été leur relation avec leur père, leurs grands-pères, leur-s fils.
Est-ce que les aînés ont fait passer des messages positifs sur la
manière de mener une vie de mâle (et pas seulement une carrière)? Est-ce
qu'ils ont appris à devenir père avec leur père et/ou avec leur-s
enfant-s? Les réponses ne sont pas aussi encourageantes qu'on pourrait
l'espérer. Pas besoin de développer, sinon sur l'évolution de nos
sociétés. Dans la première moité du siècle dernier, la plupart des fils exerçaient
encore le même métier que leur père. Papa au charbon, fils mineur.
Père agriculteur, pêcheur ou forgeron, fils aussi. Le père transmettait
ses connaissances et cela créait un lien solide (pas forcément
paisible) entre eux. Aujourd'hui, quel fils a pu observer son paternel au travail,
à part dans les métiers du sport et du spectacle? C'était un lien puissant.
André
5 commentaires:
t'as fait des très interessants reflexions! Bonne dimanche!
Bjour André,
Merci de du thème de ce jour. J'ai eu le plaisir d'avoir mon père jusqu'à mes 65ans (l'an passé) Il est parti le 28 février dernier sans rien dire vers 1h du matin, j'ai eu la chance de l'avoir entre mes bras env. 6h avant son décès, c'est donc encore très frais et ma maman l'a suivi 6 semaines après. Oui j'ai vu mon père dans son travail de paysan, mais il a fallu attendre sa retraite pour pouvoir parler à coeur ouvert et ainsi se découvrir l'un l'autre; il n'était pas question de sexe, ce n'est pas lui qui à l'époque ma dit : mon fils tu es en âge.... Nous n'avons jamais abordé le thème de l'homosexualité, je ne l'ai découverte que bcp plus voire trop tard. Tout cela pour dire que ce que tu as abordé me touche profondément et que je t'en suis reconnaissant, c'est d'ailleurs la 1ère fois que je parle de la relation avec mon père, père que j'admirais mais dont je n'ai pas le souvenir qu'il m'ait pris une fois sur ses genoux et qu'il m'ait dit de vive voix "je t'aime mon fils", son amour, il me l'a démontré autrement, toi le vaudois tu connais la pudeur
de nos aïeux. Voilà cher André, une infime partie de ce que fut ma vie de fils.
Bon dimanche,Philippe sur la Riviera
Philippe RV, le sujet de la relation entre père et fils est celui qui attire le plus de visiteurs sur ce blogue; la moitié plus que le second sujet à l'échelle de la popularité (les couilles). Tu vois, tu n'es pas seul à cacher ta souffrance, à la retourner au fond de toi. Pourquoi cette pudeur? Pourquoi cette difficulté masculine d'en parler, même entre nous? Par respect envers notre père? À ton âge, tu n'avais jamais abordé le sujet jusqu'à aujourd'hui. Tout comme ce grand bataillon de mecs parmi lequel chacun continue à porter ce poids en silence...
Yann Queffélec enfin serein, fils de Henri lui aussi écrivain, vient de publier "L'Homme de ma vie" quatre ans après la mort de son père. Les humiliations que le géniteur a fait subir à son rejeton sont épouvantables. Pourtant le fils a constamment et activement cherché l'amour de son père. Queffélec a présenté son livre à La Grande Librairie jeudi dernier sur France 5. Tu peux voir l'émission sur ton ordi.
joli photos et très belle complicité entre père et fils, oui et le groupe de parole c'est important pour parlé de tout et de rien, et pour aidé
Je suis le fils d'un père, qui était lui-même le fils d'un père, qui était lui-même le fils d'un... etc....
Et je suis moi-même le père de fils, dont un est lui-même le père de fils, qui seront peut-être eux-mêmes... etc....
Oui je sais: cela a l'air évident, dit comme ça. Et je vous assure que je n'ai pas envie de faire un gag sur ce grave sujet parce que j'ai suffisamment souffert et ramé comme fils ou comme père...
Soit de sa sévère austérité et de cette absence de relation directe entre nous et de ce que je prenais pour une totale indifférence à mon égard...
Soit de mon impuissance à faire autrement avec les miens et à devenir ce père parfait... celui à qui on confie tout et spontanément !...
Mais là, nada !... Echec total en ce qui me concerne et le père n'a jamais réussi à devenir le meilleur copain et le confident de ses fils !!!...
Alors désolé les gars, mais si j'ai causé beaucoup de problèmes à mon père, je ne dois guère en avoir causé moins à mes fils...
Disons que j'ai essayé comme j'ai pu de limiter les dégâts et que j'ai peut-être eu l'avantage qu'ils soient nés un peu plus solides que moi...
Et puis et surtout, j'ai aussi eu la chance de pouvoir remonter un peu cette chaîne d'hommes. Et même l'occasion de "rencontrer" mon grand-père, mort 2 ans avant ma naissance.
Tout ça, non sans souffrances ni larmes, bien sûr... Mais, finalement, de façon très simple et sans faire tourner les tables.
Et...
...à propos, avez-vous remarqué comme l'automne peut être beau cette année, malgré les bourrasques et les coups de froid ?
En tout cas, moi, je m'y sens plutôt bien.
C'est ce que je vous souhaite à tous, aux fils comme aux pères.
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