vendredi 13 novembre 2020

Pas de fête d'ouverture du Carnaval à Cologne ni aux Canaries





Solitude extrême dans les dunes et les hôtels.



Cet automne la Playa del Inglés de la Grande Canarie est presque déserte. Les années précédentes, les festivités de l'ouverture du Carnaval rhénan (à Cologne et Mayence) y étaient célébrées le 11 novembre à 11h11, en même temps qu'en Allemagne. Des milliers de gays venaient passer une ou deux semaines de vacances à cette époque et la zone nudiste mecs au bord de l'océan grouillait de bonhommes à poil ou plus ou moins déguisés. Mercredi dernier, les rues de Cologne étaient vides, tout le monde honorait le dieu Covid à la maison. Regardez comment ils faisaient la fête au 11 du 11 à 11h11 dehors, au bon vieux temps.  

 








J'ai participé une fois au Carnaval de Cologne et c'était grandiose, étonnant, alcoolisé. Des défilés splendides, hommes en costumes d'époque chevauchant leurs chevaux, cliques de musiciens, chars humoristiques illustrant les derniers scandales politiques régionaux ou nationaux, distributions de bonbons et de fruits jetés à la foule. Neige au bord des rues, souillée par l'urine et les gobelets de vin chaud. Mecs affalés dans les saunas gays, cuvant leurs boissons, rattrapant le sommeil des nuits blanches et baisant quand même, mais à un rythme moins teuton qu'à leur habituel... Cette année, les fêtes d'ouverture de la période carnavalesque à Cologne et, plus tard, ailleurs en Allemagne sont gâchées par la violence du virus.



J'ai aussi connu la bamboula du 11.11 à 11h11 de la Gran Canaria. À la minute exacte, les mecs débouchaient leurs bouteilles de semi-seco et buvaient à la santé de leurs amours de vacances. Des milliers, au coude-à-coude, aux couilles-à-couilles. C'était miraculeux. Comme la traversée de la Mer rouge à sec. Quand on pense à la solitude que tant de LGBT ont connue ou connaissent encore -- vivre caché, ne pas se faire remarquer, craindre le pire -- et à cette fiesta au bord de l'Atlantique, quel contraste! Pouvoir côtoyer tous ces gars sans craindre les moqueries des femmes et hommes hétéros qui se joignaient à la liesse, ni des interventions policières. Les flics présents et les employés de la Croix-Rouge veillaient pacifiquement à notre sécurité afin de sauver les éméchés qui se jetteraient dans les vagues de l'océan.



Derrière la plage, il y a les dunes où les gars s'éparpillaient en petites bandes, après les libations, pour se mettre à l'ombre alors que d'autres étendaient leur serviette au bord de l'eau et iraient nager pour pisser leur alcool. La vie libre de peurs, de fausse honte et de textile. Les gens qui passaient comme un cortège de fourmis le long de la plage pour aller se poser dans d'autres sections de cette merveille de la nature (la plage s'étend sur plus de six kilomètres) jetaient à peine un coup d'oeil sur cet étalage de couilles écrasées par le soleil. Eux allaient rejoindre une colonie de transats, sinon des copines et copains pour une partie de volley. Ou bien, ils choisiraient un coin protégé des vagues où les enfants pourraient jouer au bord de l'eau et finiraient dans un salon de thé viennois en plein-air pour se taper de crémeuses forêts-noires. C'était la paix entre les genres, pas le monde hostile dans lequel je suis né.


Durant l'hiver 2019-2020, les autorités locales ont fermé les accès à la partie boisée des dunes, là où des couples hétéros allaient baiser sous les palmiers, entourés ou non des voyeurs, suivant leur préférence; là surtout où les gays s'adonnaient à la lecture en s'accordant quelques intérims de promenades en ronds, comme les champignonneurs qui se rendent d'abord dans les lieux où ils ont déjà ramassé du butin avant de fouiner plus loin. Malgré les poubelles disséminés dans ces lieux par la voirie, beaucoup de capotes, de mouchoirs, de bouteilles et boîtes jonchaient le sable autour des buissons. Phénomène que mes vieux camarades et moi avons aussi remarqué en Suisse. L'orgasme en plein-air laisse-t-il les individus dans un tel état d'abrutissement qu'ils en perdent tout sens de la collectivité ? Est-ce la faute à une baise sans investissement sensuel ? Sinon au smartphone qui hurle comme un bébé abandonné ?

André









 

 

 

 

 

2 commentaires:

Kevin a dit…

Quel rayon d’espérance et quel plaisir de lire ton texte et d’admirer les photos en cette période plombée par la pandémie du Covid 19.
Merci André.

Xersex a dit…

de nombreuses expériences du passé, même récent, nous semblent désormais voilées de nostalgie: avant la pandémie.