Nous venons de quitter la période la plus équivoque de l'année. Soit l'amalgame de la Fête nordique des sapins, des boules et des lumières (au moment où les jours sont les plus courts) datant d'avant le christianisme, associée à la célébration de la naissance de Jésus dans la rusticité d'une étable au Proche-Orient. Ceci entrelardé d'un déluge qui m'horripile: cadeaux, boustifailles, messes et cantiques. Ne pourrions-nous pas échelonner les solennités et les réjouissances de façon à nous concentrer sur un thème, puis un autre, avec réflexion ou appétence suivant l'objet ?
"Sur Facebook ou Twitter, on sait tout de suite s'ils ont été sages ou scélérats."
Ces "Joyeux Noël" et "Merveilleuses fêtes de fin d'année" proclamés partout pour nous inciter à consommer, à embrasser notre entourage (peut-être d'un baiser mortel), à boire afin d'oublier les malheurs, les chagrins, les tragédies, les privations, les abattements de l'année écoulée, n'est-ce pas irritant, désinvolte, écervelé, cruel ?
Comment se souvenir, au milieu de ce barouf, que c'est au travers de ce que nous partageons d'essentiel avec notre entourage -- avec les connus et les inconnus -- que nous guérissons ensemble des déconvenues et des erreurs qui ont chargé les mois ou les ans passés ? Pourtant, c'est la solution à un avenir plus serein, plus créatif. À l'échelon familial, amical, tendre et sensuel, professionnel et... finalement de la planète.
Homer et Frank, 1875.
"Le Secret de Brokeback Mountain" de Ang Lee, 2005.
Chant d'allégresse, alléluia [hallelujah] signifie en hébreu "Rendez louange à Dieu"[Yahweh].
Dans la chanson ci-dessous datant de 1984, le canadien Leonard Cohen
fait allusion à deux scènes de séduction mentionnées dans le Bible. Le
roi David -- probablement parce qu'il a un besoin pressant de pisser et
une érection -- se réveille et va se promener à poil sur son toit en
terrasse pour prendre la fraîcheur de la nuit. "Il aperçut de là une
femme qui se baignait,
et qui était très belle de figure. David fit demander qui elle était et
on lui dit: C'est Bethsabée [Bath-Schéba, épouse de l'officier Urie]. David envoya des gens la chercher. Elle vint vers lui, et il
coucha avec elle. Après s'être purifiée de sa souillure [la relation sexuelle] elle retourna
dans sa maison. Elle
devint enceinte et en informa David. Le roi fit venir le mari pour
qu'il baise son épouse. Mais le guerrier refusa de prendre du plaisir
alors que ses camarades étaient à la guerre. Finalement, David donna
l'ordre qu'on place Urie au plus fort du combat où il fut tué.
La scène est ainsi résumée dans la chanson "You saw her bathing on the roof / Her beauty in the moonlight overthrew you." Puis de la tentatrice Cohen passe à la femme castratrice. "She tied you to the kitchen chair/ She broke your throne and she cut your hair".
Samson, que Dieu avait doué d'une force inaccoutumée, n'avait pas le
droit de couper ses cheveux. Il était attiré par les filles des
Philistins -- ces incirconcis ennemis des Juifs -- ce qui lui a causé beaucoup d'ennuis. Alors qu'il pouvait mettre en pièces un lion comme on déchire un chevreau, Dalila en vint à bout. Les Philistins cherchaient un moyen de
le supprimer; ils la chargèrent contre récompense de trouver pourquoi
il était invincible. Dalila le lui demanda. Il répondit: "Si on me liait
avec sept cordes d'arc fraîches je deviendrais comme un homme
ordinaire." Aussitôt dit, aussitôt fait, mais Samson rompit les cordes.
Dalila lui dit alors: "Tu t'est joué de moi !" Et le jeu continua,
Suspense comme dans les séries américaines où l'on massacre chaque soir.
Finalement, Samson lui révéla sa vérité: "Si on me rasait, je perdrais
ma vigueur." Elle endormit Samson sur ses genoux et un Philistin rasa
les sept tresses de sa tête." Ses ennemis se saisirent de lui, crevèrent
ses yeux et l'enchaînèrent. Un jour où les Philistins voulaient se
moquer de lui, ils l'emmenèrent dans un temple pour qu'il amuse
l'auditoire. Or sa chevelure avait repoussé. Arc-bouté entre deux
colonnes, Samson fit s'écrouler le temple. Ainsi moururent les princes
des Philistins et Samson avec eux.
Revenons à l'auteur et chanteur canadien. La chanson évoque ces deux sujets de manière ambiguë et expéditive; on
se demande quelle est l'intention de l'auteur en mettant l'alléluia
en évidence. Est-ce une expression de sa misogynie, ou la célébration
du sexe tel qu'il est traité dans les Saintes écritures ? Leonard Cohen a
vécu à une époque où beaucoup d'artistes hétéros se sont adonnés à des
expériences soit bisexuelles soit carrément homos suite à la révolution
des années soixante. Interrogé, il a répondu ouvertement aux questions
qui lui étaient posées. "Avez-vous eu des relations homos ?" "Non !"
"Est-ce que vous le regrettez ?" "Non, parce que j'ai eu des relations
très proches avec des hommes toute ma vie, et cela continue. J'ai vu la
beauté des hommes, j'ai ressenti un attrait sexuel envers des gars. Donc
je n'ai rien manqué. Ou peut-être que si..."
Quelle est l'attitude la meilleure -- la douceur ou la violence -- pour
lutter contre l'hostilité aveugle de la rue depuis le début de la
pandémie ? On entend souvent cette réponse: "Il faut opposer la violence à
la violence; les doux sont des lâches." Dans une interview intitulée Comment avoir raison de la violence ? le sociologue Geoffroy de Lagasnerie
répond: "Quand on réfléchit sur la question des violences et de la
pénalité, l'exemple que je prends souvent est le mouvement gay. Il a
beaucoup transformé les structures sociales et mentales des trente
dernières années, et fait diminuer le niveau de l'homophobie généralisée
et des agressions que subissent les personnes gays, trans et
lesbiennes, en étant très peu un mouvement punitif."
Il poursuit: "Ce mouvement a fondé sa visibilité sur la Gay Pride, avec
des images de bonheur, de fête, de sexualité, mais aussi des histoires
d'amour à travers le mariage, ou de deuil avec le sida. Le mouvement gay
a très peu été un mouvement répressif, Il a plutôt été dans une
politique de l'affirmation d'une existence et la conquête de droits. Je
pense de plus en plus à la culture au sens large et aux pratiques
ordinaires comme lieux de la transformation."
Geoffroy de Lagasnerie a-t-il envie de transformer la société par la
douceur ? "À part avec mes amis très proches, où j'aime les rapports
très doux et déteste les conflits, j'aime les moments où ça s'affronte.
Car je pense que l'endroit de la vérité de la politique est là. La
vérité de la politique, c'est la confrontation. C'est la production de
fractures. Et lorsque l'humeur est trop consensuelle, je me sens
toujours mal à l'aise, car je sens que des enjeux sont refoulés ou mal
posés." Le sociologue est l'auteur de Conscience politique Editions Fayard, 2019. Il expose le programme d'une politique émancipatrice. (Interview publiée le 4 décembre dans Le Magazine du quotidien suisse Le Temps.)
Notez la double position de Geoffroy de Lagasnerie, ce que nous avons
aussi appliqué: il n'y avait pas d'hostilité dans notre lutte en faveur
de l'égalité, et jamais de complaisance non plus envers la majorité.
Nous n'avons pas défilé avec des panonceaux Tous les hétéros sont de fieffés enculés,
ni concédé aux autorités religieuses et politiques qu'elles avaient
raison de critiquer, de mépriser notre sexualité. Et, dans plusieurs
domaines, nous avons aussi participé à l'émancipation de la société qui
nous entoure. Regardez autour de vous comment des familles ont laissé
tomber non pas un préjugé, mais plusieurs. Comment des mecs portent un
chignon... et la barbe, voire des ongles teints, sans abandonner leur
virilité.
Nous sommes plus nombreux sur cette planète qu'on ne l'imagine. Une étude récente de la fondation Human
Rights Campaign estime qu'à eux seuls, les États-Unis comptent 20
millions d'adultes qui s'identifient ouvertement comme LGB, soit 8% de
la population adulte, dont la moitié serait composée de bisexuel/le/s.
C'est le double des évaluations précédentes. Alors que d'autres millions
d'humains s'identifient plutôt comme transgenre, fluides, pansexuel/les
ou asexuel/les aux USA... Vous qui vous figuriez seul/e au monde, entouré/e de
personnes dites normales qui vous menacent d'une thérapie de
conversion, sinon de l'enfer, rejoignez-nous ! Plusieurs institutions et
de nombreuses bonnes volontés vous accompagneront volontiers vers une
sortie réussie du placard.
André
Nous sommes des millions sans nous cacher.
Ces gamins heureux jouent au moulin à vent.
Camp de vacances pour mâles adultes.
Oui, notre monde a changé, du moins en Occident. Nous avons déjà vu ce couple de danseurs, John Whaite et Johannes Radebe, dans le blogue du 29 novembre dernier. Ces gars ont participé à la compétition britannique "Strictly Come Dancing". Ici, la chorégraphie résume les progrès de la société en ce qui concerne le racisme et l'homophobie. Et c'est plein d'humour.