mardi 5 juillet 2011

McCarthy peintre des jeunes hommes nus, solides et distants

Edward, fenêtre avec vue.
Jamie et son pote.

Ils sont rares et séparés dans le temps les artistes inspirés par leur désir qui ont glorifié sans détours la splendeur du corps masculin. Beaucoup ont choisi des chemins de traverse afin de masquer leur nature profonde.

Aujourd'hui encore, les peintres qui attaquent ce thème frontalement ne connaissent pas la notoriété des barbouilleurs de seins et de croupes. Les barbouilleurs gays qui produisent ce que leur clientèle recherche rencontrent aussi un certain succès. En revanche, les peintres qui suivent leur inspiration sans concessions sont peu connus du public. Il me semble que le Britannique Cornelius McCarthy (1935-2009) se situe dans l'entre-deux.
Billy rêvant, huile.

Son inspiration s'est toujours tournée vers les mâles -- jeunes et solides de préférence. Le peintre est mort subitement durant l'exposition intitulée McCarthy, les inédits, qui se tenait à la Galerie Adonis, à Londres en novembre 2009.

Son style direct, sa sensualité et la finesse du trait évoquent à la fois la volupté picturale adaptée au corps masculin et une certaine distance dans le désir. Sachant que Cornelius McCarthy est né dans une famille d'origine irlandaise catholique et d'immigrants de l'Europe de l'Est, on comprendra mieux l'écart qu'il installe entre ses personnages -- mêmes entre le gars qui prodigue une pipe et celui qui en bénéficie.


Cabanes de plage, huile.
Dimanche, j'épiloguais sur l'homophobie et la misogynie du mâle hétéro. Face à Cornelius McCarthy, je perçois l'homophobie interne des gays de ma génération (je suis né un an après lui). Nous avons grandi à une époque où l'homosexualité était considérée comme une maladie -- par la médecine, la psychiatrie, donc aussi la société en général et, bien sûr, par les trois religions du Livre. Nous n'avions presque pas de soutiens, d'aînés pour nous dire que nous étions beaux, courageux et en bonne santé mentale. Certains d'entre nous ont plus ou moins guéri de cette blessure, d'autres l'ont portée toute leur vie.
Petite pipe.

Les jeunes mecs que peignait McCarthy sont nus, souvent en paires; ils vivent leur vie d'homosexuels dans des cadres rêvés. Pourtant, à mes yeux, il leur manque la sensualité, la chaleur du coeur, le courage d'aimer. Comme si leur vie s'était arrêtée. Le visage du peintre, un mec solide, me dit qu'il a été très courageux en s'affirmant dans ses tableaux; mais qu'il n'a jamais totalement éradiqué cette homophobie interne héritée de la société dans laquelle il avait grandi. C'est, d'une part sa pulsion homosexuelle plus forte que tout, et d'autre part l'alcool qui l'ont enhardi et permis de réaliser son oeuvre.

André

2 commentaires:

Philippe M. a dit…

Je partage entièrement vos propos sur l'homophobie passée et sans doute actuelle de notre monde.
Je dois avoir une 15aine d'années de moins que vous, mais moi, je suis resté de ceux qui "portent", comme vous dites... Et qui "supportent" encore... ajouterais-je!... Lâcheté? peut-être. J'essaie de ne pas trop me juger et c'est probablement ce qui est le plus difficile.
Mais je vous disais aussi que pour ma part, je suis très sensible à ces peintures de McCarthy (difficile de porter un nom pareil!)... Peut-être parce que je n'y vois pas la même chose que vous. Vous dites "solides" en parlant de ces jeunes, alors que moi je n'y vois rien de solide, hormis peut-être certains "membres"... et encore.
J'y vois des jeunes hommes, nus (on ne peut pas le nier!) et distants, oui... mais infiniment fragiles!... Des jeunes comme beaucoup, homos ou hétéros, qui sentent des désirs... qui cherchent... qui SE cherchent... qui ont encore peur de ce qu'ils ressentent... de ce qu'ils ignorent... de ce qu'ils veulent ou de ce qu'ils sont... Peur d'aimer, comme vous dites ou d'être aimé?... Pour moi, c'est évident aussi, bien sûr.
Alors la distance... oui! Mais personnellement, c'est une distance qui, moi, me parle, m'émeut et me touche à bout portant... Oui, je sais, il doit y avoir là comme un paradoxe un peu remuant, une énigme que je n'ai pas encore résolue. Comme souvent quand il est question de sentiments, même à mon âge!
Vous aurez bien compris que je ne m'exprime pas là, bien sûr, en tant que spécialiste de la peinture en général, ni de McCarthy en particulier... Tout au plus, en tant que "quelqu'un" qui aurait pu ressembler jadis à l'un de ces jeunes hommes, sur bien des plans... Sans doute un peu distant et sûrement pas si solide que ça!

En vous remerciant encore d'entretenir ces pages avec tant de soin, je vous souhaite un très bel été.

Christian BAILLY a dit…

je découvre ton blog par les hasards du net
....et c'est une chance
j'aime beaucoup
je reviendrais...
Je poétise sur le thème gay à ma façon et illustre mes textes avec des peintures

Christian Bailly
librecoursaveux.blogspot.fr