Donald O'Connor et Gene Kelly. |
Dans ma jeunesse, on ne parlait pas d'homosexualité comme aujourd'hui, ce n'était pas une obsession. Les petits gars comme moi qui se savaient différents n'étaient pas montrés du doigt, voire persécutés comme aujourd'hui -- à condition qu'ils ne manifestent pas ouvertement leurs préférences et fassent semblant d'aimer le foot. Mais comment savais-je que je n'étais pas seul au monde? Il fallait déchiffrer des signaux subtils. Hollywood, entre autres, malgré sa façade hétéro, envoyait des messages codés à ses clientèles minoritaires, savamment élaborés par les nombreux créatifs juifs ou homos (souvent juifs et homos) qui peuplaient les studios. Après la guerre, lorsque sont arrivées les versions filmées des comédies musicales de Broadway, j'ai pigé qu'un grand nombre de ces artistes partageaient les mêmes goûts que moi, même s'ils racontaient l'éternelle histoire du gars qui tombe dans les bras d'une fille.
C'est peut-être un hasard, mais les scènes dansées les meilleures de Chantons sous la pluie le sont entre deux hommes, Donald O'Connor et Gene Kelly, qui manifestent une complicité totale et presque amoureuse. O'Connor et Kelly s'expriment aussi chacun dans un numéro solo magistral. Lorsqu'ils se produisent avec Debbie Reynolds, ils lui font de l'ombre alors qu'on met d'habitude les actrices en évidence. Est-ce ma lecture biaisée? Regardez la scène du professeur de diction, Moses Supposes:
Le film South Pacific n'atteint pas le niveau de perfection de Chantons sous la pluie, mais il a remporté un immense succès car, malgré une interprétation moyenne et différents problèmes de mise en image, il a bénéficié de la musique de Rodgers et des paroles de Hammerstein, deux géants qui ont renouvelé la comédie musicale américaine en y intégrant des thèmes comme le sexisme dans Le Roi et moi, la montée du nazisme dans La Mélodie du bonheur et le racisme dans South Pacific. Durant la tournée du spectacle scénique dans les États du Sud, des juges de Géorgie ont critiqué ce divertissement présentant "une philosophie inspirée de Moscou", l'un d'entre eux allant jusqu'à affirmer qu'une chanson prônant le mariage interracial (entre une Asiatique et un lieutenant U.S.) "mettait en péril le style de vie américain".
Le metteur en scène de la version scénique et du film, Joshua Logan, était un vétéran de la guerre du Pacifique et il a participé à l'adaptation de deux nouvelles de James Michener sur ce thème. L'histoire se déroule sur une base navale militaire et sert d'écrin à une flopée de chansons qui sont devenues de grands standards de jazz. La touche Logan, qu'on remarque aussi dans d'autres films qu'il a dirigés (comme Pique-nique) ce sont les torses nus de mecs baraqués. "Logan was a size queen," disent les gays américains, il aimait par-dessus tout le beefcake, les effets de muscles sur un beau corps mâle. Un message sous-jacent qu'a complètement perçu le jeune pédé André. Regardez cette scène où des mecs 100% virils chantent There Is Nothing Like a Dame, y'a rien de mieux qu'une nana, alors que la caméra ne s'intéresse presque pas à ces filles, et où l'un des meneurs se fait humilier parce que, semble-t-il, il a un talent de repasseur. (Le film est sorti en 1958 et je ne l'ai plus revu depuis.) En cadrant principalement sur les gars et un paquet tentant, Logan nous chante en contrepoint: y'a rien de mieux que les mecs.
André
2 commentaires:
L'avantage des films, c'est qu'on peut y faire la lecture que l'on veut et dont y trouver tout et son contraire dans les interprétations
"y'a rien de mieux que les mecs." très vrai :)
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