Vendredi, j'ai passé la journée au bord du lac de Neuchâtel en pleine réserve naturelle, au milieu de mecs au naturel, sur du sable chaud. Et j'ai observé deux pères avec leurs fils jouer, nager, plaisanter. Mais commençons par un bref portrait d'Ibrahim/Avram/Abraham que le Coran et la Bible présentent comme le "père d'une multitude". Un mec qui a foutrement empoisonné la relation père-fils d'une part, et celle entre les Arabes et les Juifs de l'autre. Il s'agit d'une légende; elle exprime néanmoins l'état d'esprit des anciens qui, heureusement a changé depuis -- mais pas partout... Ibrahim/Avram est présenté comme l'ancêtre des peuples arabe et juif, et les chrétiens le considèrent comme le père des croyants...
Sa vie en bref. Il épouse Saraï sa demi-soeur qui est stérile, mais belle. Puis quitte son pays avec ses troupeaux et ses serviteurs pour se rendre en Canaan, d'où la famine le chasse en Égypte. Au pharaon, il présente Saraï comme sa soeur afin d'être bien traité en... beau-frère. Qui paie pour ce mensonge? Le pharaon sur lequel "Dieu" envoie tous les maux. Retour en Canaan avec son neveu Loth qui s'installe à Sodome. (On en parlera une autre fois.) Au cours d'une vision, "Dieu" promet un traitement spécial à Ibrahim/Avram. Mais pour cela, le patriarche doit circoncire ses fils, ses serviteurs et sa propre bite. Aïe, quel carnage: il coupe la pièce la plus subtile du piston! Et dire que cela continue... Et dire que les puritains américains ont repris cette pratique ignoble, soit-disant par mesure d'hygiène et pour freiner la masturbation.
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De dr. à g.: père, fils et beau-fils. |
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Père et fils: même sport. |
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Acte III. Abraham a deux fils: Ismaël né de sa servante égyptienne Agar, puis Isaac né de Saraï que la jalousie a rendue fertile. Un jour "Dieu" [je mets son nom entre "guillemets", car chaque religion le nomme à sa façon, ou ne le nomme pas, en interprétant les écrits saints de manière perverse] ordonne au patriarche de lui sacrifier son fils. Le vieux se rend au mont Morijah avec le gamin et deux serviteurs. Après trois jours de marche, il ordonne aux serviteurs de l'attendre, charge le bois sur les épaules de son fils et commence l'ascension. Le môme demande: Où c'est qu'on trouvera l'agneau à sacrifier? Le père répond: Dieu s'en chargera! Au sommet, le patriarche rassemble des pierres, y pose les bûches, attache son fils et le dépose sur l'autel. Alors qu'il s'apprête à égorger puis brûler l'enfant, un ange retient son bras. Ismaël ou Isaac (suivant que vous lisez le Coran ou la Bible) est sauvé, mais marqué à vie. Et leurs descendants aussi...
Sur la plage, les trois garçons entre huit et douze ans -- deux métisses et un hispanique -- se mettent à poil et se jettent à l'eau. Quand les pères se déshabillent, le jeune hispanique contemple l'un des deux hommes et remarque (on me l'a rapporté, je n'étais pas assez proche): "Heh, elle est petite ta queue!" Que fait l'adulte? Il l'engueule, lui refile une claque? Non. Il lui explique calmement que la remarque est drôle, mais pas respectueuse. Qu'on peut la faire entre mecs, mais pas devant une femme. Et que la valeur d'un gars ne se mesure pas à ce niveau. Plus tard, je vois le même garçon, l'aîné des trois, mimer une masturbation devant l'autre homme, en se tournant d'un côté de la plage puis de l'autre. Bref échange entre eux, puis il se lance à l'eau pour jouer avec les deux autres mômes.
Mon imagination mouline à fond. Deux pères gays en couple, leurs trois enfants adoptés, un style d'éducation cool, tel qu'on le prône aujourd'hui. J'envie les garçons, leur vie entre petits et grands mecs, la liberté, les messages qui passent sans violence ni humiliation, la prise en compte de l'évolution sexuelle et de ses pulsions naturelles... À leur départ, je les entends de plus près et comprends qu'il s'agit de deux familles traditionnelles. L'une des épouses restées à la maison est probablement africaine, l'autre sud-américaine. Et les pères sont cools, la légende d'Abraham (ou d'autres patriarches sanguinaires) n'a pas d'emprise sur eux, l'autorité ne s'exerce plus avec cruauté, mais dans l'affection et le respect des jeunes vies qui leur sont confiées.
André