La culotte de jute. |
Un de mes potes est un écrivain fasciné par les lutteurs à la culotte, leur vie à la ferme ou à la fromagerie, les entraînements, la rudesse et l'homosensualité des prises. Il décrit tout cela avec délice, persuadé qu'il peut ainsi exprimer sa passion des corps mâles sans sortir du bois... Je préfère l'action à l'observation, la sensualité de la boue et des corps nus à l'exhibition machiste ou aux chutes dans la sciure. Deux souvenirs...
Un dimanche d'été sur une plage de sable au bord d'un lac. Les familles barbotent et nageotent, leurs voiliers et canots automobiles ancrés au large. Un orage déboule sur ce petit monde qui fuit à toute allure. Les gays naturistes planqués derrière les roseaux aussi. Un pote et moi mettons nos effets à l'abri et courons sur la plage désertée en hurlant de plaisir, fouettés par une pluie drue. La foudre tombe plus loin, nous sommes en sécurité et le ciel s'éclaircit un quart d'heure plus tard. Nous nageons, nous roulons dans le sable boueux, en rajoutons des couches, pissons d'énormes jets le plus haut possible -- les jeux de l'enfance retrouvée. Plus tard, toujours à poil, nous traversons la forêt ruisselante pour rejoindre nos voitures et tombons dans la gadoue en enjambant un ruisseau sur un tronc d'arbre abattu. Heureusement, il y a une fontaine sur le parking déserté et nous nous nettoyons de la tête aux pieds, le corps en effervescence très évidente d'avoir été traversé par les frissons de l'air, de l'eau, du sable et de la boue.
La boue, le limon fertile des fleuves déposé sur les champs, c'est la matière dans laquelle le Créateur nous a pétris. C'est l'essence de l'oeuvre alchimique. Les animaux s'y roulent pour se protéger du soleil et des piqures d'insectes. Transmutée par le feu, elle devient poterie ou objet d'art. Lorsque nous retrouvons son contact humide, notre corps vibre en harmonie avec les éléments dont il est lui aussi constitué... Deuxième expérience. C'était au cours d'un stage né de la libération sexuelle post-soixante-huitarde. Nous avions travaillé avec de l'argile, sué dans un sauna et l'épouse d'un participant m'avait rejoint sous la douche. Je tenais un bloc d'argile dont nous nous sommes frottés partout vraiment partout. Et il m'est arrivé une chose rare: je bandais comme un bouc tout contre cette femme qui, pourtant, me laissait indifférent. Pouvoir mystérieux de l'argile qui recréait l'Adam...
Autrement, je me suis roulé dans la boue avec un mec dans une lutte feinte au bord de la mer Morte. Ma mère était présente, nous portions des slips... Et j'ai observé des lutteurs s'entraîner à l'aube dans la boue desséchée au bord du fleuve, à Calcutta. L'objet d'un autre billet.
André