lundi 14 février 2022

Pères et fils, jusqu'où peut aller la nouvelle complicité mâle ?










Étrange: rôles inversés...














Comme le révèlent les témoignages sur les abus sexuels dont ont été victimes tant de jeunes garçons de la part d'ecclésiastiques (de toutes religions), d'enseignants, de scouts, d'entraîneurs sportifs, de pères, d'oncles ou grands frères, beaucoup de ces souffre-douleur auraient pu appeler au secours s'ils avaient reçu une éducation sexuelle adéquate. Dans le meilleur des cas, on aurait su les accompagner dans un processus de guérison. À qui la faute de cette scandaleuse gabegie ? À une information sévèrement défaillante, tant au niveau des responsables de la jeunesse que des victimes.


Père et fils: ils suivent...



... le même entraînement.


Heureusement, beaucoup de pères aujourd'hui savent trouver les mots pour transmettre l'expérience qu'ils ont accumulée. Ils sont plus jeunes d'allure que leur âge. Ils maîtrisent l'art d'être le grand frère en même temps que d'assumer leurs responsabilités paternelles. Ils n'ont pas honte de paraître nus devant leur rejeton mâle, même peut-être lorsqu'ils gagnent la salle de bain avec une érection matinale. Jusqu'où pousser cette nouvelle complicité masculine ? La masturbation -- une étape déterminante dans la vie d'un ado -- pose un problème à ses éducateurs. Jusqu'où aller dans l'information (et l'éventuelle démonstration), en respectant l'âge et l'évolution du jeune mec, sans dépasser les limites ?


"Oui mon grand, tu me dépasseras bientôt !"



Lorsque nous évoquons ensemble le sujet, les gars de ma génération -- hétéros et homos -- déplorent pour la plupart n'avoir pas reçu d'informations ni d'encouragements de leur père concernant la sexualité. Apprendre à connaître notre corps et comment il allait se développer nous a manqué. Nos géniteurs n'avaient pas reçu d'éducation sexuelle. Donc, ils ne savaient pas comment s'y prendre. Et les écrits sur ce sujet étaient rares, sinon inexistants. C'est ainsi que la pudeur, l'embarras, voire la honte se transmettaient de génération en génération.






Des gars élevés à la campagne m'ont raconté que d'avoir vu le taureau s'accoupler à la vache leur avait inspiré les questions à poser aux adultes. Je me souviens de l'exposé de mon père alors que j'étais trop jeune pour être concerné. En résumé: l'homme urine dans le sexe de sa femme, celle-ci expulse leur bébé par l'anus et l'acte n'est techniquement possible qu'après le mariage. Consciencieux comme je le suis, j'avais regardé mes petites soeurs dans leur bain et vu qu'il était impossible d'enfanter par devant comme l'avait prétendu notre papa.

Tel père, tel fils.


Remarquez le brushing du père !

Au collège, à l'âge de 11 ans, j'ai reçu ma deuxième instruction sexuelle. Totalement détachée de la notion de plaisir, voire d'amour. Axée sur les organes (classe de garçons), sans mentionner comment notre corps allait se réveiller et nous ébranler... Ce sont des collégiens adolescents qui nous ont initiés. Tant bien que mal.







Aux États-Unis actuellement, dans une dizaine d'États, on interdit aux enseignants d'évoquer des sujets dits dubitatifs. Certains établissements scolaires, des bibliothèques municipales et des librairies (obligées de suivre le mouvement) se purgent des documents concernant les LGBTQ+, mais aussi le racisme et le passé esclavagiste du pays, et d'autres thèmes que les parents bigots et trumpistes jugent contrefaits. Le même phénomène se développe dans l'Est européen. Quant aux États musulmans, ils continuent à déprécier les femmes et à persécuter sinon tuer les LGBTQ. Où va le monde, quelle prochaine génération de politiciens éduque-t-on ?


Photos de Grégoire Korganow.

Eh les gars, souvenez-vous ! À la moindre impression érotique, votre bite se mettait en alerte. Vous étiez un ado fringant et tentiez de cacher votre érection pourtant si naturelle. Pourquoi la fallacieuse timidité face à la sexualité n'a-t-elle pas disparu aujourd'hui alors que la majorité des gamins ont déjà vu des pornos exécrables ? Que manque-t-il à l'éducation sexuelle pour que le taux des divorces diminue enfin ? Dans les milieux profondément religieux, les ados n'ont personne à qui poser des questions. On leur apprend qu'il faut rester vierge jusqu'au mariage et sans se masturber. Putain de merde !


Un grand-père, deux pères, deux fils: trois générations.

Nous avons besoin de flexibilité dans la manière d'accompagner la jeune génération, sans devancer ses questions, ni les laisser de côté. L'âge de raison varie d'une personne à l'autre; avec, parfois, des retours en arrière...

André













Chacun se demande ce que l'autre en pense...





"Oui fiston, la moustache t'irait bien."













4 commentaires:

Xersex a dit…

Maintenant, les parents sont - peut-être - plus matures et ouverts. Maintenant, dans une grande partie du monde, du moins en Occident, le sexe n'est plus un tabou. Mais je dois te dire que j'ai fait mon éducation sexuelle par moi-même, sans que mes parents m'expliquent quoi que ce soit.

tipol a dit…

Cher André,
ce sujet traverse toute les générations et les cultures. Chez nous, c'est apparrement encore " chantier en construction " !
Pour ma part, dans mon adolescence vers 12-13 ans c'est le curé du village ( catho, bien sûr), qui nous donnait une éducation sexuelle par des cours , et heureusement pas de pratique ! Sachant qu'il avait fait des voeux de célibat, tout cela nous paraissait peu crédible ... mais bon, on a apprit deux trois trucs sur ce que faisait nos parents au lit, qui eux, n'en parlait jamais ! Sur les homos, je crois que c'était " silence radio, débrouillez-vous ! )
Merci pour tout ton travail et tes recherches toujours passionnants ;o)
Amitié
Tipol

LaurentidesN a dit…

L'éducation sexuelle était plutôt une affaire de communauté par ici à Montréal. Je ramassais des infos à gauche et à droite grâce à des discussions entre amis. Rien vraiment à l'école. Toutefois, dans mon adolescence j'ai rencontré des hommes matures qui m'ont aidé à comprendre bien des choses...

David Jean-Félix a dit…

Merci pour cet article, je pense que l'éducation sexuelle est effectivement encore un "chantier en construction" comme le dit Tipol. Et je suis assez pessimiste pour la suite. Je pense que le politiquement correct ambiant, importé des anglo-saxons, fait des ravages et ne laisse que la pornographie comme outil éducatif pour beaucoup de jeune garçon en quête de réponses.